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François Bayrou - Marine Le Pen, l’histoire de leur relation : des coups de griffes à la réconciliation

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Front national, mode d’emploi. "Ce n’est pas lutter contre le FN que d’en faire le sujet unique des conversations. Le seul moyen de lutter efficacement contre lui, c’est de montrer que les politiques peuvent se comporter différemment et de résoudre précisément et rapidement les problèmes que l’on peut résoudre." Nous sommes en février 2016 et François Bayrou a l’air bien sûr de lui sur le plateau de BFMTV. Marine Le Pen ? N’en parlons pas, agissons.

Le voici, presque neuf ans plus tard, nommé locataire de Matignon. Chargé de débloquer la situation institutionnelle. Chargé, aussi, de désamorcer le pouvoir de nuisance du parti d’extrême droite, dont 121 de ses représentants ont élu domicile au Palais Bourbon, et avec lesquels il faut désormais composer. Dans l’entourage du chef de l’Etat, on l’assure : pour trouver "les conditions de la stabilité", François Bayrou devra dialoguer "avec les partis hors RN et LFI". François Bayrou, lui, jure que "la réconciliation est possible". Mais laquelle, et avec qui ?

Coups de griffes et de téléphone

Avec Marine Le Pen, l’allié d’Emmanuel Macron a longtemps entretenu de distantes relations. Quelques coups de griffes pour commencer. En 2015, par exemple. Quand il assure que la fille de Jean-Marie Le Pen a "pété les plombs", "prise dans ce moment de la politique ou la passion l’emporte sur tout autre chose avec le sentiment d’être assiégé", après que Marine Le Pen a posté sur Twitter des images d’exécutions perpétrées par l’État islamique. En 2017, aussi, lorsqu’il qualifie "d’immense honte" le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan à la députée du Pas-de-Calais pour le second tour de l’élection présidentielle.

Mais le centre a ses raisons que la raison ignore. Il est aussi, plus récemment, arrivé à François Bayrou d’emprunter la voie de l’apaisement. 2018, après un passage éclair au ministère de la Justice, l’homme du MoDem planche sur un sujet qui lui est cher. La création d’un organe public de financement des partis politiques. Marine Le Pen se sent concernée, elle qui a dû aller démarcher des banques russes pour financer sa campagne électorale. "C’est scandaleux qu’aucune banque ne veuille prêter à Marine Le Pen, confie à l’époque l’éphémère Garde des Sceaux. J’ai combattu les Le Pen toute ma vie, mais c’est scandaleux." Marine Le Pen a-t-elle entendu cette confession ? C’est en tout cas son nom qui s’affiche, ce jour de juillet 2018, sur le téléphone de François Bayrou. La conversation sera courtoise, concentrée sur la nécessité de mener à bien ce projet, qui sera pourtant enterré par le gouvernement d’Edouard Philippe.

Des intérêts communs

François Bayrou, quel est votre principal défaut ? A défaut de répondre "perfectionniste", le Béarnais aurait pu répondre : "Attaché à l’équité, à la démocratie." En 2022, c’est "pour sauver la démocratie", qu’il apporte son parrainage à la candidate du Rassemblement national. "Je ne peux pas défendre devant mes concitoyens de toutes opinions l’idée que le président de la République française serait élu dans une élection de laquelle les principaux candidats seraient exclus", justifie-t-il alors, précisant que son parrainage ne vaut pas soutien. Marine Le Pen prend note. "Il faudra s’en souvenir", lâche-t-elle alors.

Et puis, plusieurs fois, le centriste et l’héritière lepéniste ont été mus par des intérêts communs. Sur la proportionnelle, déjà, que tous deux réclament depuis des années. Liés, aussi, par un parcours judiciaire et des mises en cause similaires dans l’affaire des assistants parlementaires européens de leurs partis respectifs. Si François Bayrou a été relaxé, avant de voir le parquet faire appel, Marine Le Pen, elle, risque l’inéligibilité et attend son jugement, qui sera rendu le 31 mars. Elle a toutefois bénéficié du soutien anticipé du nouveau Premier ministre. Ce dernier, il y a quelques semaines, a assuré que l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité serait "un problème", assurant qu’empêcher Marine Le Pen de se présenter à la prochaine présidentielle amènerait certains citoyens à "considérer qu’il y a quelque chose qui biaise la vie démocratique".

"Chat échaudé craint l’eau froide"

Des déclarations qui permettent aujourd’hui aux frontistes d’affirmer que François Bayrou "n’est pas le pire". "Ça ne va pas être le plus hostile (et ce sera le plus cultivé) et il aura à cœur de faire passer la proportionnelle", commente la députée du Nord et proche de Marine Le Pen Caroline Parmentier. Depuis le vote de la censure, on évoque des noms chez les frontistes - écartés du processus décisionnel. Et celui du maire de Pau ne provoque pas de cris d’orfraie. Depuis Hénin-Beaumont, ce vendredi, Marine Le Pen a tout de même pris des pincettes : "Je serais extrêmement prudente parce que chat échaudé craint l’eau froide et les grandes déclarations n’entraînent pas toujours des actes, a-t-elle assuré, insistant pour que ses réclamations concernant la hausse d’impôt ou des prix de l’énergie soient prises en compte. J’attends de voir si la seule condition posée par le RN qui n’a jamais demandé place ou poste mais que ses électeurs soient entendus si cela est respecté, nous le saurons assez vite." Verdict : pas de censure a priori. Mais Marine Le Pen se montre plus menaçante que Jordan Bardella, assurant : "Je considère que la censure est un levier constitutionnel de protection du peuple Français, dire que je m’interdis de l’utiliser serait une véritable folie, en tout cas une véritable trahison, je ne renonce pas à cet outil et les conditions que nous posons sont tout à fait légitimes et raisonnables."

En privé, les proches de la députée assurent que cette dernière ne s’est pas montrée très enthousiaste, ces dernières semaines, à l’évocation du nom du Premier ministre. "Elle n’est pas spécialement laudative à son propos, précise un élu frontiste. C’est même pire : dès qu’on parle l’aide qu’il a pu nous apporter, Marine Le Pen la minore par une image négative, et assure qu’il ne nous a pas mieux traités que les autres."

Et si François Bayrou répète son désir de réconciliation, dans son allocution, ce vendredi 13 décembre, jamais le parti d’extrême droite et ses revendications n’y sont mentionnées. Un coup de fil passé mercredi à la cheffe frontiste lui donne l’espoir d’une non censure en échange de la mise en place rapide de la proportionnelle. Marine Le Pen, depuis son fief nordiste, émet ses premières réserves, et prévient : "Je ne vais pas commenter tous les rendez-vous de M. Bayrou dans les jours qui viennent. La question, c’est quel gouvernement et pour faire quoi, voilà ce qui m’intéresse." Depuis Matignon, ce vendredi soir, sans doute François Bayrou se pose-t-il la même question.