Accord avec le Mercosur : trois questions sur le vote à l’Assemblée nationale ce mardi
C’est un vote qui intervient à un moment déterminant de la mobilisation contre l’accord avec le Mercosur. Alors que les agriculteurs français entament ce mardi 26 novembre une nouvelle journée de manifestations à travers le pays, l’Assemblée nationale va se prononcer cet après-midi sur ce traité de libre-échange avec les pays d’Amérique latine. Un vote qui s’annonce presque unanime, tant la classe politique française se rejoint - une fois n’est pas coutume - dans son opposition avec cet accord poussé par Bruxelles. Pourtant, ce vote devrait plus être symbolique qu’un réel tournant. Explication des enjeux de ce scrutin.
Pourquoi ce vote ?
C’est le gouvernement qui est à l’initiative de ce vote à l’Assemblée nationale. Selon l’article 50-1 de la Constitution, l’exécutif "peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire, faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité".
Le Premier ministre Michel Barnier avait ainsi annoncé mardi 19 novembre vouloir solliciter un débat et un vote à l’Assemblée nationale sur ce traité. "J’entends la colère, les tensions, l’incompréhension des agriculteurs sur le projet d’accord UE-Mercosur. La France y est fermement opposée", avait-il déclaré sur son compte X. Et alors que la conférence des présidents de l’Assemblée l’avait d’abord inscrit à l’ordre du jour pour le 10 décembre, la date a finalement été avancée à ce mardi 26 novembre. Le signe de tractations qui s’accélèrent, et d’une volonté de l’exécutif français de mettre en avant au plus tôt la ferme opposition de Paris sur ce sujet.
Quelles sont les positions des différents partis ?
Dans une Assemblée nationale fracturée, où l’absence de majorité se ressent toujours davantage à chaque jour de débat, peu de sujets semblent réunir autant l’ensemble des partis politiques que le rejet de l’accord avec le Mercosur. Que ce soit au sein des groupes de gauche, du Rassemblement national, mais aussi du gouvernement et des députés du "socle commun" de Michel Barnier, tous s’opposent fermement à cet accord de libre-échange. La ministre chargée du Commerce extérieur Sophie Primas a d’ailleurs rappelé dans L’Express que le gouvernement jugeait l’accord "inacceptable" tel que présenté aujourd’hui.
Cependant, rien ne semble indiquer pour autant que tous les députés devraient intégralement voter en faveur de la déclaration du gouvernement. Car les députés ne voteront pas seulement au sujet du Mercosur, mais également pour ou contre la vision et la posture de l’exécutif à ce sujet. "Nous jugerons en l’état", a ainsi assuré à l’AFP le député socialiste Dominique Potier, ferme opposant à ce traité. Le député LFI Arnaud Le Gall, qui défendra la position de son groupe, affirme de son côté que seule une position du gouvernement qui "mettrait fin aux négociations" obtiendrait un vote favorable des élus insoumis.
Est-ce que ce vote peut changer quelque chose ?
Sur le papier, pas vraiment. Car ce vote est consultatif, et en aucun cas contraignant. En vertu des traités européens, la Commission européenne est ainsi la seule négociatrice des accords commerciaux au sein de l’UE. Les députés avaient d’ailleurs déjà voté une résolution en juin 2023 s’opposant à l’accord avec le Mercosur à une large majorité (281 voix contre 58), sans que cela ne bouleverse réellement le rythme des négociations à Bruxelles.
La Commission peut en effet très bien se passer de la voix de la France pour faire approuver le Mercosur. Dans le cas où elle ferait le choix de scinder l’accord en deux, avec la partie politique d’un côté et la partie commerciale de l’autre (regroupant la quasi-totalité des mesures importantes du traité), cette dernière devrait seulement être adoptée à la majorité qualifiée. Soit 15 pays représentant au moins 65 % de la population européenne, et donc possiblement sans l’aval de la France.
Néanmoins, en cherchant à réunir une large majorité transpartisane derrière lui, le gouvernement de Michel Barnier cherche à se donner une plus grande légitimité pour intensifier le bras de fer avec l’Union européenne, en faisant peser dans la balance le poids d’un rejet presque unanime de la représentation nationale française.
L’absence de direction claire de l’exécutif français après ce probable vote écrasant contre l’accord a toutefois suscité des interrogations au sein même des soutiens du gouvernement Barnier. Le député LR Julien Dive a ainsi interpellé la ministre de l’Agriculture Annie Genevard sur les conséquences ce sujet la semaine passée à l’Assemblée nationale. "Êtes-vous prête à respecter ce vote et à engager un véritable bras de fer avec la Commission européenne pour défendre notre souveraineté alimentaire ?", avait-il alors interpellé lors des questions au gouvernement. Ce débat "sera fructueux et croyez bien que nous serons très, très mobilisés sur cette question", lui avait répondu la ministre, sans donner plus de détails. Celle-ci a de nouveau promis ce lundi sur France Inter que Paris progressait dans la construction d’une minorité de blocage au sein de l’UE (au moins quatre pays représentant 35 % de la population européenne), sans pour autant que celle-ci ne semble se dégager pour l’instant.