Vendée Globe. Jean Le Cam : « L’aventure c’est ce qu’on ne connaît pas ! »
On ne présente plus Jean le Cam. À 65 ans, il repart sur son sixième Vendée Globe — peut-être le dernier — pour revivre des émotions qu’il ne trouve nulle part ailleurs. En mer, il vit, aime-t-il à répéter. Après son dernier Vendée Globe mémorable où il a récupéré Kevin Escoffier et terminé reclassé 4e, il a pris la stature d’une rock star de la course au large. Pour cette 10e édition, il dispose cette fois-ci d’un bateau neuf mais à dérives. Le « Roi Jean », ainsi nommé en raison de son écrasante domination lorsqu’il était sur le circuit Figaro, voudra démontrer qu’avec un budget moindre et sans foils, on peut faire mieux avec moins. À Port-la-Forêt avec son équipe, il a préparé avec minutie son bateau et celui d’Éric Bellion, qui dispose d’un sister-ship. Il a également dispensé ses conseils à la jeune génération : Violette Dorange, à qui il a confié Hubert, son ancien bateau, et Benjamin Ferré, qu’il a convaincu de se lancer. On ne sait pas grand-chose des qualités de son bateau, mais il sera à coup sûr bien préparé.
On a encore en tête les images de ton arrivée où tu dansais sur ton bateau. Est-ce des émotions que tu cherches à revivre sur ce Vendée Globe ?
C’est sûr qu’au dernier, c’était énorme. Vraiment énorme, donc tu ne souhaites pas forcément un bis repetita, ça c’est certain. Cette édition-là a été particulièrement difficile pour moi, avec le délaminage du bateau dès les Kerguelen. L’épisode avec Kevin a été fort, mais finalement, cela n’aura duré qu’une journée. J’ai découvert le délaminage dès le lendemain de l’épisode où j’ai déposé Kevin sur le bateau militaire… La route a été longue ensuite pour arriver aux Sables.
As-tu eu des explications sur ce délaminage ?
Ce n’était pas assez solide. On va de plus en plus vite, et on construit des bateaux qui tapent de plus en plus fort. Nous avions optimisé le bateau pour que tous les poids soient assez reculés, donc forcément, à un moment, les chocs avec les vagues ne sont plus les mêmes. Pourtant, j’avais fait faire une étude avant le départ.
Pour ton nouveau bateau, David Raison a travaillé avec GSEA Design…
Quand l’homme a inventé la vitesse, il a aussi inventé l’accident. La préparation a commencé il y a 3 ans et demi. Aujourd’hui, nous sommes au départ. Nous avons coché toutes les cases, même si cela a été deux ans de stress. C’est déjà une victoire en soi. Ensuite, l’arrivée, c’est hypothétique, ce sera une deuxième victoire. Et pour le classement, on verra bien à la fin. Ce qui est motivant pour cette édition, c’est que c’est un nouveau projet : un bateau neuf, des gens différents, des partenaires différents. Il y a aussi les gens qui nous soutiennent et qui sont moteurs, parce qu’on les fait rêver, parce que c’est une aventure, et par définition, l’aventure c’est ce qu’on ne connaît pas. Avec Hubert, mon dernier bateau, on avait fait le tour après trois tours du monde ensemble. Là, on a un nouveau cheval de bataille, quelque chose de différent, et les nouvelles technologies, j’adore ça. Je suis un technicien. Ce qui me motive à repartir, c’est l’engouement des gens. Je suis un coureur, un compétiteur, et là, avec un nouveau bateau en plus, la motivation est bien là.
Est-ce que ton pari d’augmenter ta vitesse moyenne avec un bateau à dérive face aux tout derniers foilers est encore jouable ?
Si tout se passe bien, ce n’est pas possible, mais le problème, c’est qu’il faut maintenir cette vitesse pendant 80 jours, et ça, c’est un autre débat. À ce jour, le recordman du Vendée Globe reste Armel Le Cléac’h avec 74 jours. Le dernier Vendée Globe, c’était 80 jours, et le temps que j’ai réalisé, c’est 91 jours. C’est étonnant, parce que les prévisions pour le dernier Vendée Globe annonçaient que les skippers devaient le boucler en 70 jours. Ces bateaux à foils, c’est beaucoup de stress. Si tu veux savoir la vérité, demande aux compagnes de ces skippers comment ça se passe à bord. C’est une autre histoire.
À bord…
Sur un Vendée Globe, on va chercher ce qu’on ne connaît pas. Si on part à la recherche de ce qu’on connaît déjà, ce n’est pas drôle. À bord, j’écoute très peu de musique ; ma femme m’a préparé des playlists assez variées, mais en fait, je n’ai ni l’envie ni le temps d’écouter de la musique. Le quotidien à bord est intense. J’ai les réglages, l’optimisation du bateau, les classements, la météo, les repas, l’énergie à maîtriser, l’eau à produire. C’est une maison totalement autonome qu’il faut gérer 24h/24, et en plus, nous sommes en course. Donc, il y a du travail. J’emporte aussi quelques bons petits plats, comme du ris de veau aux morilles. Il faut bien le cuisiner, mais le problème, c’est toujours la cuisson ; ce n’est pas qu’une question de produit. Il faut que ce soit croustillant à l’extérieur et fondant à l’intérieur…