Dans le Cantal, les courses hors stade au service de la ruralité : "On a un rôle social qui est très enrichissant"
Les clarines sonnent au passage d’Alexandre Violle à Labesserette, 292 habitants selon l’Insee. Le double vainqueur de La Pastourelle ne ralentit pas et file vers Lafeuillade-en-Vézie, arrivée du premier relais de la Ronde de la Châtaigneraie. Sous le regard d’une habitante perchée sur son balcon, le peloton des coureurs s’étire. Certains prennent un verre d’eau, une banane ou des tranches de saucisson préparées par la dizaine de bénévoles du village… dont le maire, Claude Delmas, préposé à la circulation pour la matinée.
« On n’a pas tant de monde que ça d’habitude », sourit Marie-Thérèse Fabrègue, élue au conseil municipal, en regardant les 80 spectateurs qui encouragent les coureurs. Le temps est magnifique et donne du baume au cœur des organisateurs, qui se rappellent l’édition pourrie par la météo de l’an dernier. La conseillère ne s’est pas fait prier pour assurer ce ravitaillement, même à 9 h 30 un samedi, « ça me fait plaisir de partager ces moments-là. Cela fait de l’animation dans les campagnes ! ».
Avec ses quatre relais qui se succèdent sur la journée, la Ronde, 36e édition, mobilise du monde de Prunet à Montsalvy, de Ladinhac à Labesserette. Le concept est unique dans le département : une course en fin de saison, pas de classement individuel mais une course d’équipes, « où l’on peut se suivre entre copains », décrypte Joël Serieys, président de l’association organisatrice. Au fil des années, l’événement est devenu officieusement une finale des clubs de course à pied du Cantal, avec un bouclier à la clef pour les vainqueurs.
« Les bénévoles viennent de tous les milieux. On a un rôle social très enrichissant »Au total, la Ronde mobilise 90 bénévoles sur le territoire. Le chiffre est important, tout en restant loin des mastodontes du secteur : La Pastourelle en revendique 500 autour de Salers, l’UTPMA, 600 entre Aurillac et le puy Mary. À chaque fois, les inscrits se comptent en milliers, entre la course, les randonnées et, parfois, le vélo. Au départ de Montsalvy, il y avait ainsi plus de 300 cyclistes, VTT ou de route, en plus des 300 coureurs, et 360 randonneurs… et des suiveurs.
Pour tous les évenements, la recette est identique : l’organisation est rigoureuse mais fait la part belle aux moments de partage, de convivialité. Cela marche, et permet de faire rayonner le Cantal au delà des frontières du département, avec une image positive, simple, authentique.
L’UTPMA revendique ainsi 530.000 € de retombées économiques indirectes, et des inscrits qui viennent de toute la France. Pour La Pastourelle, « on a réalisé une enquête de satisfaction, avec 1.900 réponses, expliquait, en juin, Philippe Barrière. Un tiers ne connaissait pas le pays de Salers, 96,5 % veulent revenir en pays de Salers, dont 28 % pour les vacances ».
Une forte capacité à mobiliserLa discipline a plusieurs forces. Déjà, les épreuves traversent des territoires dans leur totalité. « Cela nous permet de mobiliser des bénévoles plus facilement, continue Philippe Barrière. Si l’on restait uniquement à Salers, on n’aurait pas le monde nécessaire pour l’organisation. » L’an passé, la grande course a inauguré un détour par Le Fau, l’un des plus petits villages du département, et les 30 habitants ont fourni, clefs en main, animation, ravitaillement et buvette…
La Ronde de la Châtaigneraie va encore plus loin : « On a deux parcours différents, une boucle Nord et une boucle Sud, que l’on alterne d’une année sur l’autre », explique Joël Serieys. Tous les villages du secteur sont ainsi visités une année sur deux et « cela permet de soulager les bénévoles, de ne pas leur demander de rester plusieurs heures au bord d’une route à faire le fléchage tous les ans. Il faut les chouchouter ! ».
L’autre force, c’est de mobiliser tout le monde. La discipline n’exclut personne a priori et les bénévoles ne viennent pas uniquement pour l’amour du sport. « On n’a pas de mal à trouver, explique Xavier Ducheix, président de Tom-15, l’association qui organise l’UTPMA. Il n’y a pas que des coureurs à pied. Les bénévoles viennent de tous les milieux, des personnes actives en général dans l’associatif, des amoureux du territoire, des nouveaux venus dans le Cantal qui s’intègrent par ce biais-là. On a un rôle social qui est très enrichissant. »
« Il faut montrer que l’on est accueillant »« On a beaucoup de personnes du village qui viennent juste donner un coup de main, continue Joël Serieys. Tout le monde se retrouve ensuite à la fête, le soir. C’est intergénérationnel. » À Ladinhac, hier, il était ainsi possible de manger des saucisses et de la viande grillée préparées par les Jeunes agriculteurs du secteur. L’image du sportif qui compte les calories en prend un coup, mais « il y a des gourmands…, sourit Jérome Bonnet, éleveur. Ça montre que ce n’est pas incompatible et cela nous permet de rencontrer un public différent et très ouvert ».
« C’est convivial et socialement, on est tous pareils, au même niveau. Cela me rappelle un peu les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle, sourit Claude Delmas, le maire de Labesserette. On peut se retrouver à discuter avec un directeur du Crédit Agricole et un ouvrier, et on est parfaitement égaux. » L’édile note que les gîtes sont pleins pour l’occasion et apprécie le vecteur de communication : « Le territoire est composé de 80, 90 % d’agriculteurs. Si on veut accueillir des gens, notamment par le télétravail, il faut montrer que l’on est accueillant. »
C’était l’origine de la manifestation, montée il y a plus de trente ans en lien avec l’office du tourisme. Les responsables avaient eu du nez : il n’y avait, alors, aucune des locomotives que sont l’UTPMA, La Pastourelle ou les Six burons.Au départ, la course était uniquement sur route, « on a vu le changement et on l’accompagne. C’est pour cela que l’un des quatre relais est devenu un trail, explique Joël Serieys. On veut rester ce que l’on est, une course marrante à faire entre amis à la fin de l’année et une course qui permet de découvrir le territoire. » Avec simplicité. Ça fait partie de la recette.
Pierre Chambaud