Ce petit domaine viticole du bassin du Puy-en-Velay vient d’être vendangé pour la première fois
Par amour du vin, des passionnés « à l’âme bien née, noueuse… comme un pied de vigne » se sont retroussé les manches pour planter 3.000 pieds à Espaly-Saint-Marcel, sur le site de l’Ehpad Paradis, qui leur a été confié en fermage. Ce petit domaine viticole ayant vu le jour voilà quatre ans a adopté le nom du lieu où il est implanté, « Clos du Paradis ».
Bonne nouvelle, le vin sera tiré. Prochainement. Gageons que ce ne sera pas « l’horrible piquette » chantée par Ferrat. Les vignerons travaillent dans les règles de l’art. Les premières vendanges viennent d’avoir lieu, le week-end dernier avec le soleil retrouvé.
Du retard pour les vendangesSur le coteau pentu, les petites mains ne manquaient pas à l’appel pour cueillir les raisins arrivés à maturité. Un premier ramassage avait eu lieu quelques jours plus tôt. Le responsable du site affirme avoir ramassé entre 3 et 4 tonnes de fruits. Christiane Mosnier, maire de la commune comptait parmi les bénévoles. Ces derniers étaient épaulés par une petite équipe plus aguerrie venue du Gard. La pluie avait retardé jusqu’ici la vendange. Le fruit a eu un peu de mal à mûrir. Ces dernières semaines, un œnologue est venu chaque semaine pour suivre l’état sanitaire de la vigne.
« On est allé chercher le goût. La qualité sera au rendez-vous ».
Normalement, tout le processus de vinification est appelé à se faire sur place. L’exploitant dispose d’une cave au bas des vignes. Malheureusement, le pressoir est en panne. Il lui a fallu transporter le raisin dans le sud pour le presser. Une équipe sera chargée de le trier avant le passage au pressoir. Le verdict de l’œnologue dictera de la suite à donner au travail.
Il aura fallu attendre le retour du soleil pour effectuer la récolte.
Le « Clos du Paradis » réunit plusieurs cépages tels que Bronner et Solaris, uniquement des hybrides dont un raisin rosé qui une fois transformé donne un blanc. « On réalise des assemblages pour obtenir le produit désiré, en arômes et degré. Le risque avec les pluies abondantes, c’est de voir de tomber le degré, d’apporter de la moisissure. Les racines pompent l’eau, les grains se gonflent et sous l’effet du soleil flétrissent », indique l’exploitant. Le choix des hybrides s’imposait, selon lui, compte tenu de l’humidité. La vigne n’aurait reçu qu’un seul traitement (bouillie bordelaise) pour « encadrer » la grappe. Une fois après avoir récolté les raisins de cuve, la deuxième poussée pourrait être vendangée à son tour. Cette récolte ne donnerait que peu de vin, mais de qualité. Où pourra-t-on le trouver ? Réponse de l’exploitant : « Nous n’en sommes pas là. Le raisin ici vient tardivement. Au lieu de mettre quinze jours ou trois semaines, il faut bien compter deux mois de travail en cave ». Le vin sera ensuite mis en fût et conservé plusieurs mois, voire des années. « On peut le commercialiser au bout de six mois, comme on peut attendre deux ou trois ans », ajoute Franck Marucco.
À Paradis, deux autres parcelles (deux ans et un an) attendent à leur tour de produire. À terme, une dizaine de tonnes de raisins pourrait être récoltée sur les coteaux espaviots. La cave d’Espaly est en cours d’aménagement. Elle dispose même d’un bassin permettant de régler à l’avenir l’hygrométrie.
Pas une question de rentabilitéLe propriétaire de la vigne est un homme discret. Jean-Christophe Rouxel de la région parisienne (aujourd’hui installé dans la haute vallée de la Loire) dont le nom a été cité à plusieurs reprises, était associé à celui de Vincent Legrand de la cave Marcon au Puy. Jean-Christophe Rouxel, 56 ans, déclare avoir réalisé un investissement personnel de 700.000 euros (sans compter les nouvelles parcelles). Les deux gérants du Clos du Paradis, portaient ensemble le projet viticole avant de se séparer sur un désaccord. Vincent Legrand ne fait donc plus partie du projet.
Le Gardois Franck Marucco dans la cave d’Espaly-Saint-Marcel où sera élevé le vin dans les mois à venir.
« J’ai un coût de fonctionnement de 80.000 euros entre les salaires (trois équivalents temps plein), le carburant, les machines, les assurances… Si je devais le commercialiser j’aurais 9.000 euros de raisin » confie le gérant qui ne pense pas s’enrichir avec la vigne d’Espaly. « Je ne veux surtout pas de subventions » assure-t-il. Selon lui, le « point d’équilibre » d’une exploitation viticole se situerait à 30.000 bouteilles (30.000 pieds de vigne). Or la parcelle d’Espaly ne devrait guère donner plus de 3.000 ou 3.500 bouteilles pour le moment. Jean-Christophe Rouxel : « Tans pis si la vigne ne rapporte rien, je suis tellement content ! ». Depuis deux mois, le propriétaire passe toutes ses journées à entretenir ses vignes à désherber et autres, car pour lui, pas question de faire appel à des traitements chimiques !
Philippe Suc