L’Éveil de la Haute-Loire : retour sur une formidable aventure depuis 80 ans
Une mitraillette de maquisard au bras et un camion emprunté à la hâte au ferrailleur du Puy, Albert Mounier, dit le Baron. L’histoire de L’Éveil de la Haute-Loire commence en ce mois d’octobre 1944 par un périple « musclé » et peu orthodoxe jusqu’à Clermont-Ferrand pour obtenir le papier qui fait alors tant défaut… « Il fallut utiliser des moyens plus déterminants que ceux de la conversation », relatait quelques années plus tard Louis Rabaste, avec son sens de la formule. Sans aller jusqu’à parler d’acte fondateur, l’épisode résume à lui seul les débuts de ce journal dans la tourmente de l’après-guerre et prouve la pugnacité du jeune rédacteur en chef âgé d’alors 26 ans, désigné pour porter ce nouveau quotidien.Les premiers locaux (modestes) du journal, au 13 de la place Michelet, au cœur du Puy-en-Velay. Le premier numéro de L’Éveil paraît le vendredi 20 octobre dans l’après-midi, tiré à quelques centaines d’exemplaires sur une modeste presse à cylindre dans des locaux situés au 13 place Michelet, les anciens de La Liberté, un journal de droite supprimé à la sortie de l’occupation. Tout est à faire alors dans cet atelier en sous-sol « avec deux salles sombres et crasseuses qui ressemblaient à des caves », décrivait l’historien local Auguste Rivet. Le quotidien qui s’affiche « d’inspiration chrétienne, démocrate et social » entend offrir une autre voix dans un paysage de la presse où l’on retrouve seulement L’Appel, parution du Comité départemental de la Libération, ancré à gauche, et l’hebdomadaire catholique Renouveau. Dans ce premier numéro publié en format tabloïd, les lecteurs découvrent les dernières avancées sur le front de la guerre à travers toute l’Europe, mais aussi un appel au « rassemblement » signé Léon Cabanes, résistant et fondateur de L’Éveil. Comme tous les titres nés à cette période, L’Éveil est alors un journal d’informations, mais aussi d’idées et d’opinions après quatre longues années de censure.Rue de la Passerelle. Des locaux occupés de 1962 à 1985
« Notre jardin n’est pas grand, mais on le cultive bien »Des personnalités du Puy, d’horizons divers et avec des opinions différentes sont à l’origine de sa naissance. Avec quelques moyens, ils lancent le projet fin septembre 1944 au domicile d’André Soulier, pharmacien et futur maire du Puy, et confient les rênes du titre à un jeune journaliste formé à l’excellente école du Nouvelliste de Lyon et issu de familles vellaves : Louis Rabaste. Le garçon a de l’envie et du tempérament. De la patience aussi devrait-on rajouter car si L’Éveil trouve peu à peu son public, la progression est lente, semaine après semaine. L’équilibre financier, précaire, n’est atteint qu’en 1949.La Duplex, offerte par un généreux donateur, arrive à la même époque et permet d’améliorer l’impression du titre qui finit par percer dans tout le Velay. Dans l’ombre alors, des hommes et des femmes participent quotidiennement au petit miracle de donner naissance à un journal et le distribuer. On peut citer Joseph Mialon, Lucien Barroz, Jean Larrivière ou Pierre Berger.80 ans après la parution de son premier numéro, L’Éveil est toujours là, fidèle à son histoire et aux principes établis par ses fondateurs : ceux d’offrir une information complète et de qualité, avec la volonté affirmée de coller au plus près de son territoire et ses habitants. « Notre jardin n’est pas grand, mais on le cultive bien », aimait résumer Louis Rabaste, fondateur disparu en décembre 2009 à l’âge de 91 ans. Rares sont les journaux à avoir le privilège de souffler leurs 80 bougies : L’Éveil fait partie de ce cercle très fermé, sans verser dans le pire des péchés pour un journal, celui de l’orgueil.Un repas de fin d’année pour les salariés de L’Eveil dans les années 1970.
Car cette formidable longévité, nous vous la devons à vous, fidèles lecteurs. Une relation forte, toute particulière devrait-on dire, s’est bâtie chaque jour, au fil des milliers de numéros parus. Une relation singulière, peut-être même inédite dans le paysage médiatique français, tant L’Éveil que vous tenez dans vos mains fait corps avec son territoire pour raconter la vie, les joies, les drames ou les défis de la Haute-Loire et de ses habitants. Avec un soin identique pour l’actualité d’une petite commune portée souvent par des correspondants si précieux comme pour les grandes décisions de notre département traitées par les journalistes de la rédaction. L’Éveil s’est imposé comme le « journal de tous », dans un paysage local où la concurrence n’a jamais manqué : une chance pour les lecteurs et une belle stimulation pour notre rédaction.Au 13 de la place Michelet, les premiers locaux de L’Éveil. Photo drCe 80e anniversaire, s’il est l’occasion de rappeler les fondements du titre et son histoire, ne se veut pas un condensé de nostalgie. L’Éveil, octogénaire fringant, regarde l’avenir comme il a toujours su le faire, avec lucidité et ambition. Insufflé par ses fondateurs, il a toujours su vivre avec son temps, misant sur la technologie, anticipant les révolutions de la presse et investissant pour le futur. Parmi les innovations, on pourrait citer les efforts déployés pour un centre d’impression novateur dans les années 80, le passage au tabloïd dans les années 2000, l’essor de son site Internet devenu le numéro 1 en Haute-Loire ces dernières années ou encore la multiplication de ses hors séries qui ont toujours rencontré leur public.En 1985, le centre d’impression est installé au 9 place Michelet. photo dr
Sans renier ses valeurs, votre journal a aussi su bousculer quelques principes pour coller avec son tempsRacheté en 2013 par Centre France et son navire amiral La Montagne, L’Éveil continue de « grandir » au sein d’un groupe de presse reconnu qui lui permet de se développer et éditorialement d’offrir une information encore plus variée. Une alliance logique, presque naturelle entre le Velay et l’Auvergne, fruit d’échanges débutés depuis les années 1960 par Louis Rabaste…Louis Rabaste a été à l’origine du quotidien en octobre 1944. Photo drSans renier ses valeurs, votre journal a aussi su bousculer quelques principes pour vivre avec son temps et les nouvelles habitudes de la société. Parmi les plus récentes, on peut retenir le passage au matin mis en place en 2022, venant rompre avec une longue tradition de parution l’après-midi. Ce bouleversement, jugé par certains comme un crime à l’institution, a immédiatement convaincu nos lecteurs qui retrouvent leur Éveil à l’heure du petit-déjeuner plutôt que du goûter. En mai dernier, votre quotidien a aussi franchi la barrière du col de Fix-Saint-Geneys, pour s’installer dans le Brivadois en lieu et place de La Montagne, pour être le trait d’union de la Haute-Loire. Ces évolutions sont parfois plus douloureuses et nous ne passerons pas sous silence la fermeture des rotatives place Michelet en 2019 pour une impression tout en couleurs à Clermont-Ferrand. Le groupe Centre France a débuté voilà quelques semaines la construction d’un centre d’impression moderne sur le site de Cebazat (Puy-de-Dôme) où L’Éveil sera imprimé dès le courant de l’année 2025. Preuve s’il en est que nous croyons encore au papier et à l’avenir de notre titre, tout en développant en parallèle de gros efforts sur notre site Internet leveil.fr, couronnés en 2024 par une progression de près de 70 %. Il faut aussi saluer toutes celles et ceux, qui hier comme aujourd’hui, ont contribué au miracle quotidien de la sortie du journal. Les journalistes polyvalents dont les plumes vous accompagnent, les ouvriers et employés de l’entreprise, les administratifs, les commerciaux, les correspondants, les porteurs qui contribuent à la longévité de L’Éveil. N’oublions pas nos annonceurs, nos diffuseurs dépositaires présents sur l’ensemble du territoire. L’Éveil de la Haute-Loire et l’ensemble de ses équipes ont aussi une pensée émue à la mémoire de Roland Eymère, disparu en août dernier. Ce dernier a effectué toute sa carrière dans notre journal pour en devenir le directeur en 2010 jusqu’en 2015.Au sein de la rédaction, le travail des journalistes lors de l’épisode de crue.Fort de cet héritage précieux résumé sur ces quelques lignes, de votre confiance mais aussi de votre fidélité, L’Éveil va poursuivre sa mission pour vous informer. Et continuer cette si belle aventure…
Christophe Darne