Vendée Globe : Le défi ultime de l’endurance mentale
Le 10 novembre, les Sables d’Olonne seront à nouveau le théâtre du départ du Vendée Globe, une course autour du monde en solitaire sans escale ni assistance, souvent décrite comme l’Everest des mers. Si les performances physiques et techniques des skippers et de leurs IMOCA sont scrutées, c'est surtout leur endurance mentale qui se révèle le défi le plus redoutable et méconnu de cette épreuve. Naviguer seul(e) pendant près de 80 jours à travers certains des océans les plus impitoyables de la planète va mettre la psychologie des marins à rude épreuve...
[caption id="attachment_189067" align="aligncenter" width="500"] ©Foussier[/caption]
Pour Sébastien Marsset, skipper de l'IMOCA Foussier, qui s'apprête à disputer son premier Vendée Globe, l’aspect psychologique est au cœur de ses préparatifs. Dans un entretien donné à la classe IMOCA, il n’a pas hésité à partager ses craintes et ses réflexions.
[caption id="attachment_189068" align="aligncenter" width="500"] © Marin Le Roux - polaRYSE / Foussier[/caption]
« Le Vendée Globe, c’est se confronter à soi-même », confie-t-il sans détour. « C’est affronter ses propres faiblesses. Je pense que c’est le plus grand défi. Manœuvrer le bateau est une chose, on peut casser du matériel, mais je sais comment le faire fonctionner. Cependant, des événements imprévisibles vont se produire sur cette course, et je ne sais pas comment je vais réagir, car je n’ai jamais passé autant de temps seul en mer, ni autant de temps isolé tout court. »Ayant déjà fait le tour du monde lors du Trophée Jules Verne à bord du maxi-trimaran Spindrift, Marsset n’est pourtant pas un novice des longues traversées océaniques. Cependant, cette nouvelle aventure l’a conduit à collaborer étroitement avec la psychologue du sport Anne-Sophie Douguet pour préparer son esprit à affronter l’inconnu.
« Nous avons abordé tous les défis auxquels je fais face, tant à terre qu'en mer, ainsi que sur mes aspects personnels et professionnels. Notre objectif est de me placer dans la meilleure position possible pour le départ de la course. »
Une Course en segments
Pour appréhender cette épreuve de manière plus gérable, Marsset a décidé de segmenter la course en plusieurs phases, lui permettant ainsi de valider chaque étape mentale au fur et à mesure de son avancée.« Je travaille à découper le parcours en différentes parties tout en appréciant le chemin déjà parcouru. Je ne sais pas ce que le Vendée Globe va m’apporter – cela va durer environ 90 jours – et je veux naviguer un jour après l’autre, de manière à simplifier ma réflexion », explique-t-il.Cette approche semble d’autant plus nécessaire que, paradoxalement, l’aspect le plus stressant de sa préparation s’est déroulé à terre. Sa campagne a frôlé l’effondrement en raison de difficultés financières.
« J’ai dû gérer beaucoup de choses à terre et il est vrai que cela a, pour l'instant, été bien plus éprouvant à terre qu’en mer. » [caption id="attachment_189069" align="aligncenter" width="500"] ©Foussier[/caption]
La Préparation Mentale : Clé de la Réussite
Comment les navigateurs peuvent-ils faire face à l’immense pression mentale du Vendée Globe ? Anje-Marijcke Van Boxtel, psychologue néerlandaise ayant travaillé avec des équipes comme le 11th Hour Racing Team lors de The Ocean Race 2023, insiste sur l’importance cruciale de la préparation mentale pour réussir une course de cette ampleur. Selon elle, chaque marin doit développer une « boussole personnelle des comportements efficaces et inefficaces ». Cette introspection permet au navigateur de mieux comprendre ses propres réactions sous pression.« Un marin doit être conscient de la façon dont son esprit pourrait réagir sous une pression extrême en solitaire, » explique-t-elle. « Il est crucial de savoir comment vous agirez dans des situations dangereuses qui déclenchent des pics d’adrénaline et de cortisol. »Elle ajoute que, loin d’être néfaste, la peur doit être acceptée comme un mécanisme de survie naturel :
« Reconnaître la peur comme une émotion saine qui vous aide à survivre est essentiel. Il est important de se permettre d’avoir peur... Cependant, il faut aussi se préparer à la manière dont vous allez agir. »[caption id="attachment_189070" align="aligncenter" width="500"] ©Foussier[/caption]
La Fatigue : un ennemi implacable
Un autre facteur clé de la gestion mentale en mer est la privation de sommeil, un mal endémique chez les navigateurs du Vendée Globe. Marsset, comme ses concurrents, devra s’adapter aux siestes ultra-courtes entre deux manœuvres, souvent entrecoupées par des alertes météo ou des pannes techniques.« Manquer de sommeil affecte profondément votre état émotionnel », souligne-t-il. « Vous pouvez vous sentir euphorique après une bonne navigation ou un bon classement, puis plonger dans une déprime, parfois sans raison apparente. »Anje-Marijcke Van Boxtel confirme que la fatigue altère non seulement la clarté mentale, mais aussi les habitudes vitales comme l’alimentation, entraînant parfois des spirales négatives difficiles à interrompre :
« La situation peut rapidement se détériorer, entraînant une perte de persévérance et de clarté cognitive. »Les navigateurs doivent donc être capables de reconnaître les signes de fatigue avant qu’ils ne deviennent un handicap irréversible. [caption id="attachment_189071" align="aligncenter" width="500"] ©Foussier[/caption]