Enfants placés illégalement : des familles d'accueil du Limousin et d'Indre poursuivies pour fraude et violences
L’affaire a débuté par un « banal » accident de vélo. La victime, Mathias G., 15 ans, qui avait heurté le mur d’une maison, a été admis le 2 septembre 2017 au CHU de Limoges, souffrant d’une perte de connaissance suite à un traumatisme crânien.
L’affaire a ensuite pris un tour inattendu à son réveil. L’ado a accusé un certain Julien M., venu le récupérer - qui se présentait comme bénévole de l’association Enfance et bien être -, de violences.
L’enquête qui a suivi a révélé qu’au-delà des violences alléguées par Mathias, mais aussi d’autres enfants, l’association Enfance et bien être prenait en charge des enfants de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord, sans aucun agrément. Elle les confiait à des familles aux confins du sud de l’Indre et du nord de la Haute-Vienne ainsi que de la Creuse, qui n’en disposaient pas non plus. Les investigations ont également montré qu’aucune déclaration n’avait été effectuée aux services fiscaux, ni à l’Urssaf.
Une absence unanimement regrettéeC’est ce qui a conduit, ce lundi matin 14 octobre, dix-huit prévenus sur les bancs du tribunal correctionnel de Châteauroux (Indre). Ils y seront jugés jusqu’à vendredi.
Le président du tribunal a, en préambule, confié qu’il « mesure les attentes que peut susciter ce procès hors norme, étant donné la gravité des faits et l’actualité récente ». Le magistrat a garanti que « le tribunal va s’efforcer de faire la lumière sur les faits, les dysfonctionnements » tout en insistant sur le fait que « le tribunal ne pourra juger que ce dont il est saisi. Je suis conscient de la frustration que cela suscite ». Une manière de faire écho aux déclarations des avocats des parties civiles comme de la défense, regrettant l’absence de l’ASE du Nord, ni sur un banc, ni sur l’autre.
Ils reconnaissent la fraude, mais pas les violencesL’audience a ensuite débuté par les auditions des acteurs majeurs de ce dossier. Colette M., mère de Julien M., a été la première à se présenter à la barre. Cette éducatrice de formation est famille d’accueil quand, en 2004, son agrément est suspendu, puis lui est retiré en 2007. Une décision qui intervient suite à la condamnation pour agression sexuelle de son mari par le tribunal de Guéret (Creuse), dont il sera relaxé par la cour d’appel de Limoges.
Pour continuer à accueillir des enfants, Colette M. et son époux créent l’association Le Bonheur est dans le pré.
Problème, elle avoue n’avoir « rien déclaré » ni à l’administration fiscale, ni à l’Urssaf. « Jamais. » Un oubli qu’elle justifie en indiquant avoir « très très mal digéré le fait que mon mari ait été accusé ».
Ce travail dissimulé, son époux, Antoine, le reconnaît tout aussi volontiers. Il n’en va pas de même pour celles de violences à l’égard des enfants qu’ils accueillent. « Mon mari, c’est pas un violent, affirme Colette. Je n’ai jamais vu de violence. » À peine, concède-t-elle, de « petites remontées de bretelles » et de « petites tapes derrière la tête ». Le président lui rappelle les « coups de poing dans le ventre », « étranglement », « clef de bras » évoqués lors des témoignages de victimes et gardes à vue. « Les enfants pétaient souvent les plombs », rétorque-t-elle.
Son époux explique d’abord qu’il s’occupe peu des enfants placés chez lui, n’étant « pas souvent à la maison » en raison de son travail d’ambulancier-taxi. Tout juste, reconnaît-il avoir « peut-être contenu quelqu’un qui pétait un câble » et encore « pour éviter qu’il se fasse mal ».
Sur les bancs des parties civiles, les avocats bondissent. « Si je porte cette robe, lui oppose l’un d’eux, c’est parce que je crois en l’homme. Vous, je ne vous crois pas. » Le conseil lui enjoint enfin de dire la vérité, par respect pour les enfants qui se tiennent derrière lui.
Les débats reprennent ce mardi matin 15 octobre par l’audition de Julien M. et Bruno C. qui ont pris le relais à la retraite des époux M. en 2013 avec Enfance et bien être.
Florent Pétoin