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Manque de transports, horaires inadaptés : en Creuse, la voiture est toujours aussi indispensable pour se déplacer

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Plutôt voiture ou transport en commun pour vous rendre sur votre lieu de travail ? Faut-il encore en avoir le choix. En Creuse, selon une nouvelle étude de l’Insee, sur 37 400 personnes en emploi, obligées de se déplacer quotidiennement, 90 % des “navetteurs” utilisent un véhicule motorisé pour rejoindre son lieu de travail. Une utilisation bien plus fréquente qu’ailleurs. Ils ne sont que 75 % en France métropolitaine.

En cause : un cruel manque d’alternatives au véhicule individuel sur le territoire. Pour tout dire, ce n’est pas tellement une surprise en Creuse, un département connu pour être particulièrement enclavé. Mais ce constat montre bel et bien une chose : l’offre de transports est loin de s’être démultipliée ces dernières années.  

« La Creuse est oubliée et se meurt »

Anne-Marie habite à Ahun, au centre du département. Pour elle, la voiture est indispensable au quotidien. Pourtant, cette Creusoise ne serait pas contre adopter les transports en commun. « J’ai regardé les bus. Lorsque je termine ma journée vers 18h30, je dois attendre 21h19 pour monter dans le car qui me ramène près de chez moi. Et si je prends le train, j’ai 8 kilomètres restant à effectuer à pied. La Creuse est oubliée et se meurt », regrette-t-elle.

Marie-Jeanne est, elle, arrivée à Guéret il y a quatre ans. Ancienne lilloise, elle n’avait pas ressenti le besoin d’acquérir un véhicule dans le nord. « Je garde l’habitude d’aller à vélo au travail à Guéret ! J’ai quand même dû acheter une voiture une fois installée ici, ne serait-ce pour me rendre à la gare de La Souterraine. » Frédéric réside quant à lui à Mérinchal. Il rejoint la Corrèze tous les jours. « Les discours des politiques sont en faveur des transports collectifs, ou des alternatives dites plus écologiques. Aucune ligne n’existe pour satisfaire mes déplacements. La voiture électrique, j’y ai pensé. Ça me permettrait d’amortir mes coûts de carburant. Mais c’est trop coûteux », déplore-t-il.

En Creuse, le trajet domicile-travail génère 2 % des émissions de gaz à effet de serre de la région

Etude de l'INsee

Laurent, creusois, espère lui, un grand chantier de revitalisation sur la partie chemin de fer. Notamment sur la ligne Montluçon-Limoges, qui dessert Guéret. « La voiture devrait être un complément à la circulation. Ici, c’est impossible », pense-t-il. La pratique du vélo laisse d’autant plus les habitants du département dubitatifs. «Les quelques pistes cyclables ne sont pas assez sécurisées. Du moins matériellement. Il y a simplement une bande de peinture au sol. Ce n’est pas un obstacle pour un mauvais conducteur. »

Camille, elle aussi creusoise, reconnaît avoir la boule au ventre à l’idée de prendre son vélo pour effectuer quelques trajets. « Il s’agit sincèrement de devoir rester en vie lorsque je prends le vélo. De ne pas se faire écraser sur certains petits axes. C’est pour moi là aussi un frein », reconnait-elle. En Creuse, moins de 2 % des navetteurs quotidien utilisent les transports en commun. (5 % en Nouvelle-Aquitaine et plus de 16 % à l’échelle nationale).

D’un autre côté, les moyens de mobilité plus doux, comme le vélo, commencent néanmoins à grignoter une petite part du gâteau. Sur 100 navetteurs, 8 ont adopté le vélo ou la marche. C’est presque autant qu’au niveau national (9 %). Ils semblent pourtant encore trop peu nombreux à avoir fait le pas… « Personnellement, je mets 25 minutes à pied pour aller au travail. Il faut voir le ballet de voitures à la sortie des classes à Guéret. Je trouve ça terrible… », explique Madeleine, une habitante.  

La Région freinée par le budget

Les conseillères de la MAP 23, la plateforme de renseignements à la mobilité dans le département, interpellent sur certaines habitudes. « Souvent, les familles résident à moins de 2 km des écoles. Ce trajet, ils le font en voiture, sans jamais penser à le faire autrement. Cela permettrait dans un second temps de pratiquer une activité physique. Ce sont des habitudes, c’est aussi à nous de sensibiliser, et déclencher une autre approche à la mobilité », assure Valérie Viot.Mais alors qu’en est-il du bilan carbone dans un département où la voiture, principalement thermique, est le seul choix de transport ? Alors que les idées reçues laissent à penser le contraire, les trajets domicile-travail en Creuse n’engendrent qu’une faible part des émissions de gazs à effet de serre régionales. Ils correspondent à 2 % des 1,8 million de tonnes d’équivalent CO2 émises en Nouvelle-Aquitaine. Cela s’explique notamment par des déplacements en majorité “courts” dans le département.

Comme le mentionne l’étude de l’Insee, la longueur des trajets moyens en Creuse, pas forcément supérieure à celle nationale, s’explique en partie par une différence de représentation au sein des catégories socio-professionnelles. Si l’on y regarde de plus près, les employés et les agriculteurs, très représentés en Creuse, réalisent un trajet beaucoup plus court. Onze kilomètres pour les employés, seulement quatre pour les agriculteurs. À l’inverse, les cadres, qui parcourent des distances plus importantes pour rejoindre leur lieu de travail, sont bien moins représentés en Creuse (8 % dans le département, contre 14 % en Nouvelle-Aquitaine.

Le problème est toujours le même. Pour de nouveaux moyens, qui paye ? Les recettes ne sont pas non plus suffisantes

Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional chargé de la mobilité entend l’effort à fournir. « Le problème est toujours le même. Pour de nouveaux moyens, qui paye ? Les recettes ne sont pas non plus suffisantes. On essaie d’adapter les horaires régulièrement. On consacre environ 330M€ au TER. Le transport reste un enjeu phare. Mais avec ces finances, difficile de sortir des projets des cartons, même si quelques lignes, notamment de bus, ont été rajoutées ces dernières années. »

La Région a par ailleurs financé à hauteur de 75 % les études préliminaires pour la régénération de la ligne entre Montluçon et Saint-Sulpice-Laurière (2,5M€). Fin 2023, la deuxième phase de l’opération Optim TER a permis la création d’un aller-retour supplémentaire entre La Souterraine et Limoges et de dessertes le week-end entre Guéret et Felletin (5 le samedi, 3 le dimanche). Une autre le dimanche entre Guéret et Limoges. Les deux lignes : la 21, passant par La Souterraine, et la 25, entre Montluçon et Limoges, ont respectivement vu leur fréquentation augmenter de 8 % et 5,5 % l’année passée.

Pourtant, le même refrain se répète. Finalement, les usagers seront les mieux placés pour juger l’état des transports dans leur train-train quotidien.  “Délaissés, enclavés, coupés du monde”. La population n’a pas vraiment changé d’avis sur la question depuis plusieurs années. Dans ce territoire rural, la voiture n’a sûrement pas fini d’être le plan A, comme le plan B. Voire le plan C.

Pacôme Bienvenu