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Октябрь
2024

Une exposition sur Michelin pendant la Seconde Guerre mondiale au musée de la résistance à Chamalières

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Résistant selon les uns, mais collaborateur selon d’autres. Comment le manufacturier clermontois Michelin a-t-il traversé la sombre période de la Seconde Guerre mondiale ? Quelle fut l’attitude des membres de la famille Michelin ?

C’est en constatant que « le public a souvent un avis bien tranché, d’un côté ou de l’autre, souvent basé sur des transmissions orales, parfois tronquées » que Christine Perraud, responsable du Musée de la Résistance, de l’Internement et de la Déportation de Chamalières, et commissaire de l’exposition « Tout une histoire ! Michelin dans la Seconde Guerre mondiale », a voulu proposer une nouvelle approche. « Une approche scientifique » de l’histoire industrielle du groupe Michelin dans le contexte troublé de la guerre.

"Ne pas orienter le jugement"

Pour s’engager dans « ce pari assez osé », il a d’abord fallu trouver et compulser des milliers de documents, les analyser, consulter les témoignages, procéder à des recoupements… Une matière très variée trouvée aux Archives départementales et à la Bibliothèque du patrimoine, mais aussi dans des dossiers comptables, des procès-verbaux d’assemblées générales qui n’avaient pas forcément été exploités.

 

Parmi les objets symbolisant "la capacité de Michelin à être toujours novateur et résilient", les visiteurs peuvent voir remorque et landau, lancés comme fabrications de complément pendant la guerre. Photo Fred MARQUET  

Ils ont été mis à disposition par le département patrimoine historique de l’entreprise, ou encore par des collectionneurs privés.

"On ne savait pas du tout ce que nous allions trouver", explique Christine Perraud. Et de préciser : "Nous avons été totalement libres de conduire ce travail. Nous avons choisi d’être factuels : on donne les informations sans commentaire, c’est au public de se faire son opinion. On ne veut surtout pas orienter son jugement".

 

Photo Fred MARQUET. 

Secrets de fabrication gardés

L’exposition montre que Michelin et Compagnie, qui est alors dirigé par Robert Puiseux (auquel Édouard Michelin, son beau-père, a confié la direction) et emploie un millier d’ouvriers, a refusé de livrer ses secrets de fabrication à l’Allemagne et "est alors le seul manufacturier de pneumatiques à s’être opposé à la prise de participation financière de l’Allemagne dans l’entreprise". Puis, fin 42-début 43, il se pliera "a minima" aux exigences allemandes.

Michelin, c’est aussi ce chef du personnel (arrêté et exécuté après la guerre) qui a dénoncé des communistes et a aussi aidé des ouvriers à s’extraire du STO, ou cet ouvrier, dont la lettre exposée, témoigne de la décision de saboter la qualité des pneus qu’il fabriquait…

Un éclat d'obus du bombardement de Cataroux

Le long de ce poignant parcours, les visiteurs découvrent, par exemple, un éclat d’obus du bombardement mortel à l’usine de Cataroux, dans la nuit du 15 au 16 mars 1944, les landau et remorque lancés comme fabrications de complément...

Un focus est fait aussi sur les membres de la famille Michelin - les résistants engagés, les combattants pour la liberté, ceux "dont on ne sait rien" - avec plusieurs panneaux et la robe grise rayée de déportée de Marguerite Michelin, dénoncée pour avoir caché chez elle, un prêtre résistant. En 1952, elle fondera l’Anef (Association nationale d’entraide féminine). 

L'invitation à réfléchir, à nuancer, à percevoir la complexité de toute réalité est le fil conducteur, le cœur de cette superbe exposition. 

Visites. 7, rue de Beaulieu, à Chamalières. Ouvert du lundi au samedi, de 13 heures à 18 heures. Fermé dimanche et jours fériés.

Cycle de conférencesMardi 22 octobre : rencontre et dédicace avec l’historien Hervé Joly, directeur de recherche au CNRS en histoire contemporaine sur « Les entreprises françaises sous l’occupation, entre collaboration et contraintes »Mardi 26 novembre : rencontre et dédicace avec l’historien Raphaël Spina, docteur en histoire contemporaine, sur « le temps du STO : Michelin, Clermont-Ferrand et l’Auvergne face aux départs forcés de travailleurs en Allemagne nazie » Mardi 4 février : rencontre et dédicace avec l’historienne Hélène Saint-André, docteure en histoire contemporaine sur « L’Auvergne, e sous les bombes ». Pratique :Ces conférences ont lieu à 18 h 30, à Chamalières (salle Courty), sur réservation, places limitées. Entrée gratuite. D’autres rendez-vous seront donnés tout au long de l’année 2025.

Laurence Coupérier