Le Wegovy, médicament anti-obésité, disponible en France : "Cela va au-delà des kilos et du coût financier", selon le directeur France de Novo Nordisk
Alors que l’obésité touche environ 14 % des Français, selon Santé publique France, la mise sur le marché du médicament phare du laboratoire pharmaceutique danois Novo Nordisk, le Wegovy, pourrait bien favoriser une meilleure prise en charge de cette maladie.
Déjà disponible dans quinze pays du monde et particulièrement populaire aux États-Unis, le Wegovy est officiellement commercialisé dans les pharmacies françaises depuis mardi. Étienne Tichit, directeur général France de Novo Nordisk, se félicite de la possibilité de traiter l’obésité de manière thérapeutique, grâce à cette nouvelle molécule.
Le Wegovy est désormais disponible dans les pharmacies françaises, après quinze autres pays…
C’est un moment excessivement important pour Novo Nordisk, ce 8 octobre, puisque cela signifie la possibilité de mettre en place, pour les professionnels de santé, un parcours de soins pour les patients atteints d’obésité en intégrant de la thérapeutique, grâce à ce médicament qui permet d’ouvrir la voie et de donner de l’espoir à tous les Français qui se trouvent en situation d’obésité.
Qui sont les patients qui pourront bénéficier de ce traitement ?
Dans le cadre de l’accès précoce au médicament, 10.000 patients ont déjà pu, depuis 2022, avoir accès au Wegovy, pris en charge par Novo Nordisk, jusqu’à la fin du mois de janvier 2025. Aujourd’hui, le médicament s’inscrit dans un parcours de soins, avec une prescription médicale indispensable et obligatoirement réalisée, pour la première, par un spécialiste (en endocrinologie-diabétologie-nutrition ou un titulaire de la formation spécialisée "Nutrition appliquée", le renouvellement pouvant ensuite être effectué par un médecin généraliste, NDLR). L’Agence nationale du médicament a établi toutes les conditions d’utilisation (1).
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Ces conditions d’encadrement sont-elles suffisantes pour éviter une utilisation abusive, comme cela avait pu être le cas pour l’Ozempic ?
Le Wegovy est un médicament et non un coupe-faim, raison pour laquelle nous ne cautionnons pas une telle utilisation. Mais il faut remettre les choses dans leur contexte. En juillet 2024, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé faisait état d’1,5 % de mésusage de l’Ozempic à d’autres fins que le traitement du diabète, à savoir agir sur l’obésité. Il y a le message des réseaux sociaux, et il y a la réalité mesurée par les agences sanitaires.
Étienne Tichit. Photo d'archives : Quentin Reix"Notre innovation doit être prescrite par un professionnel de santé et dispensée par un professionnel de santé, comme un pharmacien, de façon à pouvoir nous assurer que de bout en bout, le produit s’inscrive bien dans une prise en charge globale et qu’il ne soit pas, à lui seul, ladite prise en charge."
Aujourd’hui, le Wegovy n’est pas remboursé par la Sécurité sociale et il a un certain coût…
Dans le domaine des médicaments non remboursés, les marges des pharmaciens et des grossistes sont libres. Mais quand on fait un estimatif, on peut anticiper que le coût de traitement journalier sera de l’ordre de 9 à 12 € pour le patient, soit entre 200 et 300 € par mois environ. On a soumis, au mois de mai, notre dossier à la Haute Autorité de santé, qui nous demandait d’apporter des données démontrant l’efficacité du Wegovy sur les maladies cardiovasculaires, de façon à pouvoir avoir une réponse dans les semaines qui viennent. Avec, on l’espère, une reconnaissance de cette innovation. L’obésité, selon l’étude publiée par Asterès (3), coûte 10 milliards d’euros à la France chaque année. Aujourd’hui, les autorités de santé devraient considérer, pour une fraction de la population, le fait d’aider à accéder à ce type de traitement.
Si la prise en charge ne concerne que les patients atteints à un stade sévère, le prix ne sera-t-il pas prohibitif, sachant que l’obésité est déjà souvent marquée par de grandes inégalités sociales ?
Si j’anticipe sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, je peux supposer que les autorités de santé sélectionneront certainement des populations de patients qui sont plus à risque. Mais aujourd’hui, si l’on regarde à l’échelle européenne ou mondiale, il n’existe pas de prise en charge à 100 % pour les personnes atteintes d’obésité. Il y a le poids sur la balance, mais il y a surtout la projection en matière de temps de vie gagné, parce que quand on peut réduire de 20 % les risques de décès cardiovasculaires, d’infarctus du myocarde ou les accidents vasculaires cérébraux, je pense que c’est bien plus que le poids que l’on traite avec notre innovation.
Quelque part, la question qu’il faut se poser, c’est : "Que valent dix années de vie supplémentaires pour une personne qui a un indice de masse corporelle à 40 ? Préserver la vie, ça coûte combien ?" Cela va bien au-delà des kilos ou du coût financier.
Pour l’heure, c’est au Danemark que le Wegovy est fabriqué. Une production française est-elle envisagée ?
Nous sommes en train de doubler les capacités de production sur le site de Chartres, avec pour ambition d’avoir une production qui soit toujours plus performante. Dans la partie productivité, ce que l’on souhaite, c’est que cette usine soit agile, et donc qu’elle ait aussi bien la capacité de continuer à produire les traitements d’aujourd’hui (insuline, GLP-1…), que d’envisager les nouvelles thérapeutiques. Des thérapeutiques innovantes, injectables, qui pourraient traiter l’obésité, par exemple…
(1) Seuls les patients de moins de 65 ans, présentant un IMC d’au moins 35, donc en obésité "sévère", sont concernés, selon le communiqué publié mardi par l’Agence nationale du médicament. La prescription du Wegovy n’intervient qu’en "deuxième intention", c’est-à-dire qu’il s’adresse à celles et ceux pour qui une première prise en charge alliant modification du régime alimentaire, hygiène de vie et activité physique n’a pas fonctionné.
(2) Il y a quelques mois, l’antidiabétique Ozempic, également fabriqué par Novo Nordisk, a fait parler de lui sur les réseaux sociaux, certaines stars vantant ses mérites dans le but de perdre du poids, le détournant de sa fonction initiale. Le hashtag #Ozempic totalisait, sur TikTok, plus de 500 millions de vues. Une utilisation détournée condamnée par les autorités sanitaires, le corps médical mais également par le laboratoire danois.
(3) Étude réalisée par le cabinet Asterès, publiée en mars 2023, estimant le coût de l’obésité en France à 10,6 milliards d’euros par an pour la collectivité. Consultable sur www.asteres.fr/etude/cout-de-obesite-pour-la-collectivite/.
Propos recueillis par Laura Alliche