ru24.pro
World News
Октябрь
2024

À 36 ans, il veut revaloriser la pratique de l'occitan auvergnat

0

Ses premiers pas dans la pratique de la langue occitane ont débuté à ses 22-23 ans. Désormais âgé de 36 ans, Ernest Bergez se définit comme "un musicien engagé artistiquement et avec une dimension militante autour de la question de la valorisation de la langue occitane".

Le trentenaire a été confronté au patois lors de ses séjours dans la région marseillaise ou encore toulousaine. Mais ce n’est que tardivement qu’il a réalisé l’enjeu de ce moyen d’expression en Auvergne. "J’ai grandi en écoutant du rap, de la musique électronique. Cela a été un choc de découvrir cet aspect de la culture qui n’était pas visible dans le Puy-de-Dôme. Cela m’a donné envie de chanter cette langue mais aussi de l’écrire et de la parler surtout."

Des élèves entre 20 et  80 ans

Arrivé à Thiers en 2017-2018, Ernest Bergez a appris l’existence d’un atelier pour parler l’occitan et il s’est rapidement trouvé engagé dedans et a commencé à donner des cours.

Cela me plaît beaucoup d’être dans la transmission de la langue. 

Le profil de ses élèves ? Des petits groupes de cinq et dix personnes âgées entre 20 et 80 ans. "Des personnes qui connaissent l’occitan via leur environnement familial mais ne le parlent pas. Certaines souhaitent le découvrir et le parler et d’autres encore, les plus âgées, ne l’utilisent plus depuis un moment et souhaitent s’y remettre. Ces dernières sont des ressources pour nous."

Quid de l’âge des participants ? "Curieusement, ces derniers temps, il y a autant de jeunes que de plus âgés." Globalement, ce sont soit des retraités soit des personnes entre 20 et 40 ans. 

 je pense qu’il y a une vraie curiosité et une envie de découvrir un monde peu connu en lien aussi avec une idée d’ancrage territorial. Des élèves ont envie d’apprendre pour se faire le relais auprès de leurs aînés, pour pouvoir en discuter avec des membres de la famille ou des voisins. Par exemple, l’un d’eux était boucher. Il souhaitait apprendre pour parler à des clients. 

Lors de ces cours, les apprenants travaillent autour de sujets liés aux saisons, à un événement à partir de la lecture d’un texte. "Cela passe avant tout par l’oral, l’écrit est utilisé comme support." Certains de leurs textes écrits ont même pu être publiés dans la revue Parlem qui recouvre le Puy-de-Dôme, le Cantal et la Haute-Loire.Ernest Bergez a un projet autour d’une parade festive notamment avec des textes d’occitan auvergnat.Et depuis deux ans, le trentenaire anime également des ateliers de chant avec le Centre de formation en langue et cultures occitanes (CFPOC). L’un des projets de l’association Piaron Pinha : proposer une animation lors d’une balade contée pendant la Pamparina.Par ailleurs, parmi les projets à court terme, une exposition autour de l’occitan aura lieu à la médiathèque les 7, 14 et 21 décembre et le 4 janvier. Au programme : textes, livres, concert ou encore ateliers.

Un film pour mettre à l’honneur l’occitan

Lors de cet événement, leur documentaire Le plaser simple/Le plaisir simple sera également projeté à la médiathèque le 14 décembre. Ce film est le fruit d’un travail de collecte de vidéos dans le Livradois-Forez (Lezoux et Billom) réalisé ces dernières années. L’idée ? Documenter la pratique actuelle de la langue et la faire connaître et reconnaître. "Ce film montre une dizaine de locuteurs actuels de la langue. Ce qu’on n’imagine pas, c’est que chercher à rencontrer ceux qui le parlent, c’est rencontrer des personnes qu’on ne touche que rarement. Le fait de s’exprimer dans cette langue, cela fait tomber beaucoup de murs. C’est une forme de reconnaissance assez profonde pour ceux qui la parlent. Cela vient également soulever des questions très politiques comme celle de savoir, au-delà des représentations, qu’est-ce qui fait la singularité dans les pratiques culturelles ?"

Et Ernest Bergez le souligne, même si de prime abord, l’occitan n’est pas une langue qu’on apprend pour voyager, "depuis que je m’y intéresse, je comprends bien mieux les langues romanes. Cela m’a facilité une entrée dans la compréhension de l’italien, l’espagnol, le portugais et le catalan. Aujourd’hui, c’est très troublant que les personnes comprennent ce que je raconte dans les chansons en Catalogne du sud alors qu’en France ce n’est pas le cas la plupart du temps."

Pour lui, ce qui manque aujourd’hui pour redonner de l’envie autour de cette langue ancienne, c’est sa socialisation.

Cette langue est comme cachée, invisibilisée. On n’a pas de raison, a priori, de tomber dessus, ou alors c’est dans des milieux où c’est resté présent dans des formes diverses avec les expressions, les blagues.

D’ailleurs, cette situation, il le confie, "c’est une interrogation pour moi de savoir quels seraient les moyens, les lieux, les moments pour une socialisation dans la langue".

Dans les cours, le nombre d’élèves stagne. Mais à l’échelle du département, il y en a de plus en plus. Selon l’enseignant, il y aurait une dynamique croissante autour de l’occitan.

En parallèle, des actions sont aussi menées avec les écoles. L’an passé, par exemple, il y a eu une action de sensibilisation avec le collège de Puy-Guillaume. "Pour transmettre la langue, il faudrait que l’école soit un allié." Une école Calendreta (qui signifie petite alouette en occitan) bilingue français et occitan devait d’ailleurs ouvrir l’année dernière à Clermont-Ferrand. Le projet serait encore dans les tuyaux.

Pratique. Cours deux fois par mois lundi soir de 18 h 30 à 20 heures au Vol du bourdon à Thiers. Renseignements et inscriptions : paisdomes.ieo@wanadoo.fr. Le premier atelier ne requiert pas d’inscription. Tarifs : 40 € par an ou 20 € par an (lycéen, étudiant, demandeur d’emploi) + adhésion IEO63 : 30 € par personne, 38 € pour un couple, 12 € pour lycéen, étudiant, demandeur d’emploi.

Qui connaît encore l'occitanSelon Ernest Bergez, professeur d’occitan, une très grande partie des natifs de la région, aujourd’hui sexagénaires, ont été en contact avec l’occitan. "Des personnes qui parlent quotidiennement, il y en a mais je pense que très souvent, ils sont confrontés au fait que le français a pris le dessus depuis longtemps. Il y a un passif dans les mentalités. Il y a une retenue très forte, les personnes sont tenaillées par la peur, il y a pas mal de personnes qui se sont fait taper sur les doigts lorsqu’ils étaient à l’école car il fallait utiliser le français." Et même voudraient ils l’utiliser, une partie des personnes comprendraient mais leur répondraient en français.

Lydia Reynaud