La frontière inter-coréenne : clivage insoluble ou espoir d’unité ?
En juin dernier, la Corée du Sud annonçait vouloir suspendre l’accord militaire de 2018 qui empêchait le déclenchement d’une guerre avec la Corée du Nord. Cette décision fait suite au durcissement de la politique nucléaire et balistique nord-coréenne ces dernières années. Dès lors, les tensions semblent s’intensifier de part et d’autre de la frontière inter-coréenne.
En juillet 1953, la ratification de l’armistice de Panmunjeom par la Corée du Nord, la Chine et les forces des Nations unies signait la fin de la Guerre de Corée. Une zone démilitarisée large de quatre kilomètres était alors instaurée entre les deux pôles. Rapidement, cette délimitation géographique s’érigeait en « mur d’opposition » politique, économique et diplomatique. Aujourd’hui, la frontière inter-coréenne est au centre des enjeux géopolitiques mondiaux.
Des systèmes politiques opposés
Tout d’abord, la frontière inter-coréenne sépare deux régimes politiques antithétiques. Du côté sud-coréen, la révision de la Constitution nationale en 1987 a donné naissance à une république démocratique relativement stable. Au Nord, une république démocratique populaire est proclamée en 1948. Elle fonctionne selon une logique totalitaire et est subordonnée à l’autorité de la dynastie Kim.
Un écart économique démesuré
D’un point de vue économique, la Corée du Sud est la treizième nation la plus riche au monde. Par ailleurs, elle fait partie du groupe des « quatre dragons asiatiques », ce qui témoigne de son influence à l’échelle régionale. À l’inverse, de l’autre côté de la frontière, la Corée du Nord conserve une économie chancelante. En 2016, des études estimaient que le revenu par habitant de la Corée du Nord était 22 fois inférieur à celui de la Corée du Sud.
La culture comme moyen d’affirmation ?
Depuis 1953, on assiste également à l’émergence de deux cultures coréennes. Ce phénomène se traduit par une « guerre de langues » sans précédent. Pour les deux pays, il s’agit d’enseigner aux communautés la « vraie » langue coréenne : le Chosǒn mal au nord et le Han’guk mal au sud. Dès lors, il est aujourd’hui impossible de parler le coréen sans prendre parti pour l’un des deux pôles.
Une région frontalière hautement surveillée
Aujourd’hui, la frontière inter-coréenne est la frontière la plus militarisée au monde. Les deux pays se sont accordés en 1953 sur la mise en place d’une ligne de cessez-le-feu où les activités civiles et militaires sont strictement contrôlées. En Corée du Sud, la Joint Security Area est le seul point de passage vers la Demilitarized Zone (DMZ). Son contrôle est en grande partie assuré par l’Organisation des Nations unies (ONU).
L’outil nucléaire comme amplificateur des tensions
Depuis 1953, la nucléarisation de la Corée du Nord est une cause majeure du prolongement du conflit inter-coréen. En septembre 2023, le pays inscrivait fièrement son statut d’État nucléaire dans sa Constitution. Dès lors, il se déclarait prêt à mener une frappe atomique préventive en cas de menace contre le régime national. Trois mois plus tard, la Corée du Nord mettait ses menaces à exécution et tirait un missile balistique de longue portée capable de frapper les États-Unis. Ces derniers ont immédiatement condamné cette opération.
Des conflictualités qui s’étendent aux espaces maritimes
Les tensions s’intensifient également autour de la délimitation des territoires maritimes inter-coréens. Ces litiges témoignent définitivement de la nature inachevée du conflit à la frontière. À l’issue de la Conférence de Montego Bay en 1982, les deux Corées, faute d’entente diplomatique, ne sont pas parvenues à discuter de la répartition de leurs eaux territoriales. Par conséquent, c’est la Northern Limit, établie par l’ONU et la Corée du Sud en 1953, qui fait foi, ce que la Corée du Nord refuse de reconnaître. Ainsi, les désaccords entre les deux pays sont récurrents et conduisent fréquemment à des batailles navales et à des incidents. Ce fût le cas en 2010, lorsque la Corée du Nord bombardait l’archipel sud-coréen de Yeonpyeong.
La frontière inter-coréenne : vraiment indésirable ?
Si l’impulsion de l’établissement de la frontière inter-coréenne vient du pouvoir politique des deux pays, d’autres nations n’ont pas intérêt à voir la péninsule réunifiée. C’est le cas de la Chine et du Japon. En effet, en cas de réunification, la Chine exposerait sa frontière à la présence de l’armée américaine, solidement déployée sur le territoire sud-coréen. Parallèlement, la Chine et le Japon pourraient être sujets à l’arrivée massive de réfugiés sur leur territoire. D’un point de vue géostratégique, un effacement de la frontière inter-coréenne contrarierait la Russie. En effet, la Corée unique de l’époque ancienne s’étendait bien au-delà de ses frontières actuelles : elle possédait une partie de la Mandchourie et de la Sibérie russe. Dès lors, une Corée réunifiée pourrait revendiquer ces territoires historiquement dominés.
Un espoir de pacification des relations inter-coréennes ?
Malgré tout, la fin de la Guerre froide a aussi coïncidé avec des évolutions diplomatiques importantes entre les deux Corées. En effet, depuis le début du XXIe siècle, les rapprochements diplomatiques tendent à s’intensifier. Par exemple, les 16 et 17 mai 2001, deux convois ferroviaires, l’un parti du nord et l’autre du sud, ont franchi pour la première fois depuis 56 ans la zone démilitarisée. De 1998 à 2008, la Corée du Sud a engagé la politique étrangère du « Rayon de soleil » à l’égard de sa voisine. Cette initiative visait à renforcer les échanges et à limiter les conflits. La poignée de main historique entre les deux chefs d’État coréens en 2018 est également perçue comme un signe d’ouverture de la frontière inter-coréenne.
Pour conclure, la frontière inter-coréenne symbolise la fracture économique, politique et culturelle entre le Nord et le Sud. Au fil des décennies, les tensions militaires et nucléaires n’ont cessé de croître, renforçant l’instabilité régionale. Par ailleurs, ce conflit reflète une menace plus large : la nucléarisation du monde, qui questionne l’avenir de l’équilibre des puissances et de la sécurité internationale.
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