Comment réussir à l'international dans le business des industries culturelles et créatives ?
Développer son business dans les industries culturelles et créatives (ICC) françaises ne signifie pas obligatoirement se contenter du marché hexagonal ! Des opportunités existent aussi à l'international. Et elles sont nombreuses, ces entreprises tricolores qui réussissent à l'export et font valoir le savoir-faire d'excellence à la française hors de nos frontières.
Comment réussir à l'international dans les industries culturelles et créatives ? Quel que soit son domaine, les exemples ne manquent pas. Mais dans tous les cas, la première étape est sûrement de bien se faire accompagner dans son projet d'export, de rencontrer les bons interlocuteurs et d'avoir accès à des témoignages précieux.
C'est l'objet d'un échange organisé par la French Touch et Cathay Capital en juillet dernier à Paris. La French Touch, le mouvement de la création française, vise à favoriser les synergies entre les différents acteurs des ICC et les faire rayonner à l'international, notamment en menant des délégations d'entreprises françaises à la découverte de marchés à l'étranger (Etats-Unis, Chine, Arabie Saoudite...). Cathay Capital est une société d'investissement qui soutient les entreprises à tous les stades de leur développement international en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et en Afrique. Pour échanger sur les bonnes pratiques à adopter pour réussir hors de l'Hexagone, les partenaires ont invité des personnes d'univers distincts mais ayant rencontré des problématiques communes dans leur stratégie d'expansion à l'international : Nicolas Cannasse, fondateur et CEO de Shiro Games (société de création de jeux vidéo), Romano Ricci, fondateur et CEO de Juliette Has A Gun (marque de parfums), Cosette Liebgott, group chief productions officer chez Federations Studios (groupe de production et de distribution audiovisuelle) et Elsa Darquier-Fournier, COO du média Brut.
Comprendre les attentes et habitudes spécifiques du pays dans lequel on s'implante
Première bonne pratique pour réussir à l'international livrée par Elsa Darquier-Fournier : adapter sa proposition de valeur au pays dans lequel on s'implante. La COO du média qui cumule plus de 2 milliards de vues dans le monde prend l'exemple de Vice, média américain concurrent qui a fait le choix de diffuser le même contenu dans tous les pays et compare : " Chez Brut, nous incubons tous nos talents éditoriaux à Paris pendant deux ans, ce qui est assez long, puis nous leur donnons la main pour localiser la ligne éditoriale selon leur implantation ". Elle précise que ces mêmes talents éditoriaux, bien qu'incubés et formés à Paris, sont des natifs du pays dans lesquels ils auront ensuite la charge de développer des contenus.
Le fondateur de Shiro Games ajoute l'importance d'être à l'écoute des communautés locales, de leurs attentes et de leurs comportements et prend pour cela l'exemple d'un jeu initialement développé par sa société pour le marché chinois, que des streamers (personnes jouant à un jeu vidéo en ligne en direct face à une audience) coréens ont eux-mêmes traduit pour pouvoir y jouer dans leur langue.
Au-delà du Made in France, adopter le ton à la française
Les industries culturelles et créatives françaises auraient-elles ce " je ne sais quoi " qui font leur réputation à l'international ? En tous cas, pour Romano Ricci qui dit réaliser 99 % de son chiffre d'affaires à l'export, essentiellement aux Etats-Unis, les entreprises tricolores peuvent se démarquer à l'étranger en adoptant ce " ton of voice " (ton) à la française et ce qu'il véhicule. Dans le cas de sa marque de parfum, Juliette Has A Gun, le directeur artistique s'inspire en grande partie des codes de la femme parisienne. Dans certains secteurs comme celui de la parfumerie, pour lequel il estime que la France jouit déjà d'une réputation notoire dans le monde, l'intéressé conseille de ne pas hésiter à continuer d'associer sa marque au savoir-vivre à la française pour réussir à l'international, car c'est un marqueur qui fait partie de notre identité et qui peut être recherché.
Une expérience partagée par Cosette Liebgott, prenant l'exemple des icones du cinéma français qui diffusent l'aura d'une tradition de cinéma, aidant les productions audiovisuelles tricolores à s'exporter, parfois même les plus difficiles sur le papier. C'est peut-être cela qui a permis à son fondateur, le producteur Pascal Breton, de fonder ce groupe dès son origine dans une dimension internationale en s'implantant à Paris et Los Angeles, et de poursuivre son ambition en s'associant avec des producteurs locaux dans les huit pays où il est présent. Cela a aussi permis aux équipes de déployer une stratégie d'acquisition classique de sociétés et au groupe de proposer des séries d'une ampleur jamais vue pour une société française, comme le Bureau des Légendes.
Cette patte " à la française " peut se dupliquer dans de nombreuses industries créatives, même dans celles où la notoriété des entreprises françaises est sous-jacente. C'est ce qu'explique le fondateur de la société à l'origine des jeux de stratégie Northgard et Dune: Spice Wars, qui réalise 85 % de son chiffre d'affaires à l'export dont 40 % en Amérique du nord : dans une industrie aussi concurrentielle que celle du jeu vidéo, " difficile de faire cocorico ". Pourtant, là aussi des éléments peuvent différencier les studios français et leur permettre de se démarquer : " Un jeu médiéval comme Wartales, on ne va pas le faire comme les Américains. Nous n'aurons pas la même approche, pas la même sensibilité car nous avons grandi avec des visites de châteaux, nous avons appris à l'école l'histoire des rois de France. Cela peut paraitre secondaire mais par exemple nous allons d'autant plus veiller à ce que les armures du jeu correspondent à la bonne époque, nous éviterons les mélanges extravagants ou anachroniques. Nous ferons quelque chose de beaucoup plus pointu et tout ceci va finalement se ressentir dans le jeu ".
L'excellence opérationnelle est la clé pour réussir à l'international
Pour réussir à l'international, soignez l'opérationnel et choisissez bien vos partenaires ! Pour Romano Ricci dont le parfum se vend dans une cinquantaine de pays, la clé a été de s'appuyer sur un réseau de distributeurs exclusifs et de prendre le temps d'observer ses partenaires, plutôt que de choisir une forte croissance à court terme. Selon le fondateur, " l'excellence opérationnelle est un défi quotidien qui est décuplé quand on veut s'ouvrir à l'international ", ce qui n'empêche pas les aléas de la logistique et le temps nécessaire avant de se roder.
Un avis partagé par la directrice des productions du groupe à l'origine du Bureau des Légendes : s'implanter prend du temps. " Quand on a déjà réussi dans un pays et qu'on ouvre une nouvelle filiale dans un autre, on oublie qu'en tant que producteur cela peut prendre 4 ou 5 ans pour développer ses projets et son réseau de talents ", présente-t-elle. L'intéressée invite à envoyer les équipes des sociétés les plus fortes du groupe dans les sociétés en croissance, pour faire circuler les bonnes pratiques, celles qui amènent à la réussite des filiales internationales. Et pour la COO du média qui fait 60 % de son audience et 35 % de son chiffre d'affaires à l'international, être ensemble pour se partager des bonnes pratiques aux côté de personnes natives des US a permis à sa société de pénétrer le marché américain.
Montée en gamme, vision écosystémique, excellence opérationnelle et qualité d'exécution : et vous, quels sont vos leviers pour réussir à l'international dans le business des industries culturelles et créatives ?
Cet article a été publié initialement sur Big Média Comment réussir à l'international dans le business des industries culturelles et créatives ?