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"Ma parole au sein de l’Assemblée sera rare si je veux qu’elle soit entendue" prévient François Hollande

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Faites-vous partie des 192 députés à avoir signé le texte de la motion de censure contre le gouvernement Barnier ? 

Je l’ai signée et je la voterai mardi. J’ai veillé à ce que ce texte déposé par le Parti socialiste corresponde à ce que je pense de la gravité de la situation et qu’il ne soit pas « imbibé » d’une quelconque radicalité. Ce sont les conditions de la nomination de Michel Barnier qui la justifient, même si l’homme n’est pas en cause. Mais il appartient à un groupe très minoritaire à l’Assemblée et il n’a pu former ce gouvernement que parce que Marine Le Pen lui a accordé son consentement. Sa déclaration de politique générale a été particulièrement vague. Certes, il n’a pas donné de gages à l’extrême droite mais il a été d’une grande courtoisie avec elle. Sa survie en dépend. Il annonce maintenant un grand plan d’austérité qui va être particulièrement douloureux pour les Français.

Comment jugez-vous les premières annonces de Michel Barnier en matière d’économies budgétaires ?

Le fait que les fonctionnaires partant à la retraite ne soient pas remplacés aura des conséquences sur des nombreux services publics. Je suis très inquiet pour l’Éducation nationale. Un fonctionnaire sur deux y travaille. Et pas rassuré sur les hôpitaux et même sur les forces de sécurité. À travers cette censure nous devons affirmer que nous refusons cette politique. Cette motion n’a aucune chance d’être adoptée puisque le RN ne la votera pas mais il sera intéressant d’observer si des députés Renaissance voudront s’y associer.

La hausse des impôts annoncée sur les plus riches doit vous séduire ?

J’aurais préféré que la taxation des plus hautes fortunes se fasse à travers le rétablissement de l’ISF. Ce ne sera pas le cas. Mais si une contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus est proposée, je la voterai.

En revanche, je refuserai la désindexation des pensions. C’est l’impôt de l’inflation

C’est une nouvelle fois sur les Français les plus nombreux que vont peser les prélèvements. Sur les impositions des grandes entreprises, ce n’est pas la taille qui devrait être le critère mais l’ampleur des profits. J’y souscrirai néanmoins en faisant attention que les sociétés ne trouvent pas des mécanismes d’optimisation fiscale qui les mènent loin de la France. Il aurait mieux valu rehausser l’impôt sur les sociétés pour un temps limité de 25 à 28 ou 29 %. Les mesures générales sont les plus efficaces. 

Alors que beaucoup de Français ont du mal à se faire soigner, comment lutter contre les déserts médicaux ?

Michel Barnier a indiqué qu’il allait inciter les médecins retraités à reprendre leur l’activité. Pourquoi pas mais je ne crois pas qu’on règlera la question de l’accès aux soins sans mesures contraignantes. C’est la seule façon d’amener de jeunes médecins, pour un temps limité, après leurs études, à exercer dans un désert médical. Cette démarche est engagée en Corrèze au moment de l’internat et cela marche mais il faudrait prolonger ce temps de présence aussi bien pour l’hôpital que pour la médecine de ville. Ce dispositif devrait pouvoir trouver un consensus politique même s’il est contesté par une partie du corps médical. Et au final montrer à ces jeunes qui s’installent qu’une vie réussie au double plan professionnel et personnel est possible sur nos territoires. 

Douze ans après avoir quitté l’Hémicycle, l’ambiance est-elle différente de ce que vous avez connu ?

C’est une assemblée fragmentée. J’ai été pendant 25 ans député. Quand le premier ministre, qu’il fut de droite ou de gauche, accédait à la tribune, il était soutenu bruyamment par son groupe. M. Barnier est monté sans un applaudissement. Il est descendu avec l’acclamation des seuls 47 LR. Ça m’a frappé. Plus que les quelques chahuts qui ont toujours existé. Qu’on soit opposé à la façon dont Michel Barnier a été nommé, qu’on soit déçu que madame Castets n’ait pas été désignée au nom du NFP par Emmanuel Macron, d’accord, mais mieux vaut un bon discours pour contester ces choix que des agitations auxquelles le citoyen ne comprend rien. Ce qui compte ce sont les propositions. J’ai demandé aux socialistes d’être respectueux et dignes. Ne laissons pas M. Barnier s’arroger ce rôle.

"Les socialistes doivent d'ores et déjà travailler"

L’opposition a besoin de sérénité, de sagesse mais aussi de force pour préparer la suite. Le gouvernement doit sa survie au RN mais ce ne sera pas le RN qui décidera de sa fin. Ce sera aux socialistes de choisir le moment et d’organiser la suite car sans eux, aucune motion de censure ne peut être adoptée. Ils doivent d’ores et déjà travailler.

Quel député serez-vous ? J’interviendrai sur les questions internationales ou sur des sujets graves sur le plan institutionnel ou sur le respect des droits fondamentaux. Ma parole au sein de l’Hémicycle sera rare si je veux qu’elle soit entendue.

Comment donner du poids à la social-démocratie ? Elle connaît une attractivité nouvelle, beaucoup lancent des initiatives, mais elles doivent converger. La social-démocratie n’est pas une addition de mouvements, c’est une force qui doit trouver sa place dans un parti. Je l’ai écrit dans mon livre (*), le socialisme, c’est Jean-Jaurès, c’est Léon Blum, c’est François Mitterrand, c’est Lionel Jospin… tous étaient à la tête d’un grand parti. Que 1.000 fleurs poussent très bien, mais dans un seul jardin pour qu’un arbre, un jour prochain, rassemble toutes les branches.

Comment ?

À partir d’un calendrier. D’abord un congrès du PS pour fixer une ligne. Il devrait se tenir au printemps, puis s’ouvrir à d’autres comme Place publique ou le mouvement de Bernard Cazeneuve à travers des assises qui accueilleront dès 2026 tous ceux qui veulent participer à l’alternance en 2027. Car le but c’est bien une candidature de la gauche suffisamment forte pour accéder au second tour et gagner.  Ce qui suppose un programme crédible et audacieux sans avoir besoin d’effrayer les électeurs qui dans le cadre du second tour veulent écarter l’extrême droite. Jean-Luc Mélenchon qui ne fait pas mystère de ses intentions, ne peut être ce candidat-là. S’il se présente, il y aura donc une confrontation au premier tour.

Pouvez-vous être ce candidat à la confrontation ?

Je préfère parler d’un calendrier d’étapes nécessaires pour l’alternance que de candidatures tout de suite sinon ça bloque le processus. Le choix entre les personnalités s’effectuera en 2026 quand nous aurons réussi à créer cette grande force indispensable à la victoire.

On commémore aujourd'hui le premier anniversaire de l'attaque du Hamas sur Israël. Quelle est votre position sur l’escalade des violences au Proche-Orient ?

Un an jour pour jour après l’attaque terroriste du Hamas, l’escalade tant redoutée s’est transformée en un déchainement de violences meurtrières. Après Gaza, c’est le sud Liban qui en est le théâtre, alors que Netanyaou s’apprête à répondre à l’agression par voie de missiles de l’Iran. Pour éviter une guerre qui embrase toute la région, tout doit être fait pour un cessez-le-feu aussi bien à Gaza qu’au Liban. La France a une responsabilité particulière au proche orient. Elle doit faire pression sur l’Iran qui doit arrêter son soutien au Hezbollah et demander à Israël de mettre un terme à ses opérations terrestres. Notre voix doit être renforcée par un mouvement diplomatique européen et les Etats-Unis, même si Joe Biden est en fin de manda. Quant au Liban, il est un pays francophone et ami. Sa destruction serait une épreuve qui nous mettrait directement en cause. 

Comment s'organise votre nouvelle vie ?

C’est une nouvelle vie mais ce n’est pas la répétition de la précédente. C’est une vie où j’essaye d’alterner les positions hautes que confère le statut d’ancien président de la République et toutes les obligations et les règles de la fonction parlementaire. Je veux être pleinement député car je le dois aux électeurs corréziens. Je suis à leur disposition tout en utilisant pleinement mon mandat pour influencer ma famille politique et pour la mettre au service du pays !

Francois Hollande vient de sortir un livre sur le siècle socialiste.

Parution (*). François Hollande publie Le défi de gouverner, la gauche et le pouvoir de l’affaire Dreyfus jusqu’à nos jours. Edition Perrin. 416 pages, 23 euros.

Propos recueillis par Laetitia Soulier et Estelle Bardelot, photos Agnes Gaudin