Pourquoi le conflit social à la piscine de Brive est toujours dans l'impasse, cinq mois après ses débuts ?
Cinq mois après le début du mouvement social, la situation reste au point mort à la piscine de Brive (Corrèze). Même si une seule journée de débrayage a eu lieu en septembre, le préavis de grève illimitée déposé par la CGT, en mai dernier, court toujours. « Et ça peut repartir à tout moment », affirme Grégory Vincent, le représentant du syndicat au sein de la piscine.
« L’impression de faire l’aumône pour des miettes »Pour les grévistes, la municipalité porte la responsabilité de cet enlisement. En cause, leur revendication d’obtenir une revalorisation de leur prime pour travailler le dimanche et les jours fériés. Une demande que le maire, Frédéric Soulier, avait jugée « légitime », fin mai, en conseil municipal.
Dans la foulée, une proposition d’augmentation avait même été faite pour porter cette prime de 20 à 30 euros bruts par mois pour les agents qui travaillent un dimanche sur quatre, de 30 à 45 euros pour ceux qui font un dimanche sur trois, et de 40 à 60 euros pour un dimanche sur deux. Une somme jugée insuffisante par les grévistes.
« Les agents ont l’impression de faire l’aumône pour des miettes », déplorent-ils. Et d’ajouter, dans un communiqué publié cette semaine : « L’absence de proposition acceptable démontre que la direction générale (François Hitier, NDLR) s’obstine à ne pas vouloir trouver de solution pour sortir de ce conflit. »
« On n'a feinté sur rien »Une accusation que rejette Frédéric Soulier. « Nous n’avons jamais balayé la discussion d’un revers de main. Si je n’avais fait aucune proposition, on pourrait me le reprocher, mais on en a fait une en CST (Comité social territorial) et les partenaires sociaux l’ont refusée. » La CGT, parce qu’elle la trouvait trop faible par rapport aux revendications des agents ; l’Unsa et FO parce qu’elles veulent que cette augmentation concerne l’ensemble des personnels qui travaillent le dimanche.
« Pour le coup, je suis tout à fait d’accord et on a pris l’engagement de revoir le régime indemnitaire dans sa globalité en 2026 », indique le maire. En attendant, l’élu assure ne pouvoir aller au-delà de ce qui a été proposé.
« On n’a feinté sur rien. L’impact de l’augmentation des salaires de la fonction publique, à raison, pèse beaucoup dans notre budget. Comme la prime de pouvoir d’achat qu’on a payée à 100 % ou la hausse de la mutuelle. Tout ça, ça correspond à l’ensemble des économies qu’on a faites depuis neuf ans. Heureusement qu’on s’était créé cette marge de manœuvre. »
La crainte d'une fermeture le dimanche après-midiLes grévistes s’indignent également qu’on leur ait présenté la possibilité de fermer la piscine le dimanche après-midi comme une réponse à la pénibilité de leur travail. « C’est dans les tuyaux depuis un moment et on veut nous en rendre responsable alors qu’on n’est pas contre le travail du dimanche et qu’on ne veut surtout pas que les usagers en pâtissent », explique Grégory Vincent.
« À titre personnel, j’y suis opposé, répond le maire, même si sur la période de novembre à avril, ce n’est pas là où on fait beaucoup d’entrées. Donc quand on gère les deniers publics, on peut aussi s’interroger sur la rentabilité de chauffer et d’éclairer quand il y a peu de monde. »
Des représailles ? « Une vue de l’esprit »La CGT accuse aussi la municipalité de ne pas avoir renouvelé trois agents en CDD « donnant entière satisfaction, mais ayant fait grève ». « Un acte inqualifiable […] qui a créé une situation dégradée au sein de la piscine obligeant la direction à fermer des bassins. » Grégory Vincent indique que la situation a d’ailleurs conduit « à annuler les cours des collèges », un vendredi de septembre.
« Dans le cas d’un CDD, on s’assure mutuellement que les deux parties sont faites pour travailler ensemble. Si ça ne fonctionne pas, on se sépare. Il n’y a aucunes représailles là-dedans. C’est une vue de l’esprit », réplique Frédéric Soulier.
Sur la dégradation du service, le maire indique ne pas avoir eu connaissance d’un « impact » récent pour les collèges, et renvoie la balle aux grévistes : « On a fait le choix d’un plan d’organisation des secours (POS) plus draconien que ce que les textes prévoient, en s’imposant d’avoir un MNS (maître-nageur sauveteur) pour ouvrir. Alors, on a peut-être tort d’être jusqu’au-boutistes, mais en mai, juin et juillet, comme nous avons eu des grévistes, l’obligation de sécurité s’est imposée à nous. »
Difficile, dans ce contexte, d’imaginer autre chose que l’impasse actuelle. « Quand on voit tout ça, on se demande ce qu’ils veulent faire avec cette piscine, parce qu’on ne met vraiment pas toutes les chances de notre côté », déplore Grégory Vincent.
Quel impact pour les usagers de la piscine ? Entre début mai et fin septembre, le mouvement s’est traduit par dix-neuf jours de grève partielle, a dénombré la Ville. Ces débrayages ont entraîné deux jours de fermeture totale au public, deux jours de fonctionnement normal « malgré la grève » et quinze jours « de fonctionnement dégradé, dont six jours où on est resté ouvert avec des entrées gratuites », énumère le maire. Dans le détail, il y a eu l’équivalent de sept jours de grève en mai et en juin, quatre en juillet et un jour en septembre. Sur les trente agents de la piscine, une moyenne de 4,8 agents a fait grève en mai ; de 5,2 en juin ; de trois en juillet et de trois en septembre.
Michaël Nicolas