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Pourquoi autant de mots anglais dans les pubs ?

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Ce pourrait être un gag. Ou un poisson d’avril. Mais non : c’est la réalité. Depuis 1994, la loi Toubon, dont les 30 ans seront célébrés lors du Sommet de la francophonie qui se tient en France ces 4 et 5 octobre, fixe une règle simple. Une publicité peut certes recourir à une langue étrangère, mais, dans ce cas, "la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langues étrangères", indique-t-elle dans son article 4. La phrase vous paraît claire ? Elle l’est, en effet. Et pourtant, elle n’empêche en rien de voir des slogans énormes en anglais, tandis que leur traduction française, pour être repérée, nécessite une loupe dernier cri.

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L’astuce ? Elle est double. Un : la loi autorise l’emploi de "marques" en langue étrangère. Logique, a priori : difficile d’empêcher McDonald’s de continuer à s’appeler McDonald’s ; Apple, Apple ; Disney, Disney, et ainsi de suite. A ceci près que des entreprises bien de chez nous se sont engouffrées dans la brèche pour créer de nouvelles marques - en globish, bien sûr. "Ma French Bank", lancée par La Poste, vous choque ? Vous n’avez rien compris, voyons, c’est une marque ! "Carrefour city" ? Une marque ! "CNews" ? Une marque, vous dis-je !

Le second stratagème concerne les textes des publicités qui, eux, n’ont en théorie aucune possibilité d’échapper aux rigueurs de la loi. Or, vous le constaterez avec moi, cela n’empêche en rien le Club Med de communiquer avec That’s l’esprit libre ; la Peugeot 208 avec Unboring the future ou le Comptoir des cotonniers avec Le lifewear à la française (sic). La clé du mystère ? Elle réside dans l’interprétation baroque que fait de la loi Toubon l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), le supposé "gendarme" du secteur.

" "Aussi" ne veut pas dire en lettres de même taille" !

Son directeur, Stéphane Martin, accompagné de son juriste et référent langue française, Guillaume Dubelloy, l’expliquent sans ciller devant L’Express. "Certes, la loi Toubon stipule que "la présentation en français doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère", mais "aussi lisible" ne veut pas dire en lettres de même taille" ! On s’étonne, tout de même, et on insiste. Le Robert ne définit-il pas l’adverbe "aussi" comme un "terme exprimant un rapport d’égalité" ? Pas pour l’ARPP, manifestement, qui maintient sa position. "Pour une affiche, assurent benoîtement Stéphane Martin et Guillaume Dubelloy, il suffit que la traduction figure quelque part de manière intelligible pour que la loi soit respectée." Texto !

Quant à la télévision et à Internet, c’est encore pire. Selon les dirigeants de l’ARPP, l’annonceur peut énoncer son slogan à plusieurs reprises en anglais sans encourir le moindre reproche pourvu que son équivalent français apparaisse à un moment ou à un autre à l’écrit. Nespresso a donc carte blanche pour égrener son "What else ?" autant de fois qu’il le souhaite, un minuscule "Quoi d’autre ?" planqué dans un coin de l’image lui permet de passer entre les gouttes. Avec un tel gendarme, les voleurs peuvent dormir tranquille…

Comment en est-on arrivé là ? Pour le comprendre, il faut savoir que ladite "autorité" est composée pour l’essentiel de représentants d’annonceurs, d’agences et de médias – un entre-soi bien commode. Savoir aussi que, parmi les associations qu’elle consulte, elle ne convie jamais celles qui défendent la langue française - pas folle, la guêpe ! Savoir enfin que l’ARPP a tout loisir de fixer ses propres règles d’interprétation du texte. C’est ainsi que l’on aboutit à un détournement complet de l’esprit de la loi Toubon, que dénonce d’ailleurs le principal intéressé. "Disons que l’ARPP est un régulateur assez consensuel", déclarait-il avec une ironie amère dans un entretien accordé voilà quelque temps à L’Express. Doux euphémisme.

Pour justifier son étonnant laxisme, Stéphane Martin évoque un dernier argument : "La pub ne fait que refléter l’imaginaire de l’époque, donc la domination des Etats-Unis dans les technologies et la culture populaire." Un raisonnement qui serait convaincant si… la publicité n’était précisément l’un des secteurs qui contribuent à forger les imaginaires. Dans les faits, en ouvrant en grand les portes au globish, elle amplifie un mouvement qu’elle est l’une des rares à pouvoir contenir.

Le plus curieux est que l’ARPP dispose d’un "conseil de l’éthique publicitaire" (CEP), dont les préconisations sont sans ambiguïté. "Le respect de la diversité culturelle est aussi indispensable, voire plus, que celui de l’écologie", souligne ainsi son président, le sociologue Dominique Wolton, sur le site du CEP. Un texte que ne semblent pas avoir lu ses principaux destinataires.

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… mais fascinent les publicitaires

Très intéressante analyse de l’Académie des sciences commerciales à propos de l’omniprésence de l’anglais dans les publicités. Certes, note son autrice, Zysla Belliat, il arrive que les marques exigent des agences qu’elles utilisent cette langue. Mais "la prétendue modernité associée à l’anglais ne fait l’objet d’aucune réflexion et fonctionne comme une croyance absolue", regrette-t-elle, en soulignant notamment que le rap en français est l’un des genres musicaux les plus populaires dans la jeunesse.

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