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Сентябрь
2024

Pourquoi la nouvelle ministre de l'Agriculture est (déjà) attendue au tournant au Sommet de l'élevage

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La nouvelle ministre de l’Agriculture n’avait pas posé les talons dans son bureau qu’Arnaud Rousseau, le patron de la toute-puissante FNSEA, s’était déjà chargé de lui mettre la pression. « Je tiens à féliciter Annie Genevard pour sa nomination. Elle sait combien les attentes sont fortes. Dès sa prise de fonction, elle devra marquer son arrivée avec un signal fort pour redonner de l’espoir au monde agricole et regagner la confiance perdue après la désillusion d’avoir vu s’envoler une large partie des mesures promises par le précédent gouvernement. À cette condition, elle pourra compter sur l’expertise et la vision de la FNSEA pour relever les défis qui se posent à l’agriculture. »

"Des pertes entre 20 % et 40 %"

Il faut dire que s’il n’y a jamais vraiment de bon moment pour être nommé rue de Varenne, tant les soubresauts y sont fréquents, l’ancienne députée Les Républicains, qui devrait effectuer sa première grande sortie jeudi au Sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand, arrive dans un contexte très compliqué pour l’agriculture tricolore. Les pluies incessantes de l’hiver et du printemps ont d’abord accouché de la pire récolte de blé depuis quarante ans, avec une baisse estimée des volumes de 30 %. Dans la foulée, l’été a été marqué par un brusque regain des maladies vectorielles, maladie hémorragique épizootique (MHE) et fièvre catarrhale ovine (FCO). L’apparition du sérotype 3 de la FCO dans le nord et la remontée depuis le sud du sérotype 8 ont pris l’Hexagone en étau, provocant une hécatombe dans les troupeaux. Laissant des centaines d’éleveurs au bord du désespoir et en grande difficulté financière. « Nous sommes sur des pertes entre 20 et 40 % suivant les départements. J’ai moi-même perdu 80 animaux sur 500 », dévoile Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO), éleveuse à Allagnat (Puy-de-Dôme).

"Un a priori favorable"

Pour ne rien arranger, le groupe Lactalis, numéro 1 mondial des produits laitiers, a annoncé jeudi une baisse de la collecte en France de 450 millions de litres sur un total de 5,1 milliards, soit près de 10 %. Même lissée jusqu’en 2030, c’est « une déflagration pour le milieu laitier », a reconnu Arnaud Rousseau. L’ambiance est d’autant plus tendue qu’en janvier prochain se dérouleront les élections aux chambres départementales d’agriculture. Après le mouvement de grogne du début d’année, qui a abouti à des avancées jugées insuffisantes dans les cours de ferme, les syndicats seront-ils tentés de verser dans la surenchère pour des raisons électoralistes?? Pour l’instant, en tout cas, l’heure est à la prudence et à la responsabilité. Ce qui n’empêche pas quelques petits coups de griffe. « Nous avons un a priori favorable pour le Premier ministre et la nouvelle ministre. Michel Barnier a parlé de respect. Cela nous convient. Jusqu’à présent, nous étions cornerisés car pas dans la cogestion. Or, c’est justement la cogestion qui nous a menés dans la situation actuelle », tacle Christian Convers, secrétaire général de la Coordination rurale, syndicat en pointe lors du mouvement de début d’année.

"Le gouvernement aurait dû anticiper"

Au niveau des mesures d’urgence demandées, les différents syndicats sont plutôt raccords. « Nous voulons des réponses rapides sur la disponibilité des vaccins, sujet qui traduit une vraie faille. Ce n’est pas la faute du gouvernement s’il y a eu des moucherons porteurs de maladies. En revanche, il aurait dû anticiper », cingle Laurence Marandola, la porte-parole de la Confédération paysanne, qui demande également « la prise en charge par l’État de la protection sociale » des agriculteurs en difficulté. « Sur les maladies vectorielles, la création d’une banque d’antigènes, actée par le précédent gouvernement, doit être accélérée afin d’être plus réactifs sur la production de vaccins dont nous demandons la gratuité. Sur la MHE, faute d’anticipation, nous avons seulement 2 millions de doses au lieu des 20 millions nécessaires », complète Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine (FNB) et vice-président de la FNSEA. « Nous souhaitons nous aussi la gratuité mais à défaut au moins de disposer de vaccins abordables pour les éleveurs ovins. 8 euros le vaccin quand vous avez 500 bêtes, ce n’est pas tenable », tonne Michèle Boudoin.

"Toute la filière sera impactée"

Confronté à des choix budgétaires cornéliens sur fond de nécessité de réduire les dépenses publiques, le nouveau gouvernement est, pourtant, attendu au tournant. « Les pertes directes et indirectes doivent être compensées, prévient la présidente de la FNO. Il faut aider les éleveurs à reconstituer leur cheptel. Il y aura déjà moins d’agneaux en 2025 et toute la filière sera impactée jusqu’aux abattoirs. Je ne voudrais pas en plus que cela se traduise par une augmentation des importations qui finisse de tuer notre production. »"Nous souhaitons nous aussi la gratuité mais à défaut au moins de disposer de vaccins abordables pour les éleveurs ovins", demande Michèle Boudoin, présidente de la FNO. Le secteur céréalier n’est pas en reste. La FNSEA demande ainsi que « face aux pertes de récoltes dues à l’année climatique exceptionnelle, l’État (facilite) l’accès à des prêts de trésorerie en permettant des réductions de taux et en apportant une garantie publique. » Bref, les dossiers s’empilent sur le bureau d’Annie Genevard. Car en plus des crises climatiques et sanitaires à gérer en urgence, la nouvelle ministre hérite également de la bien épineuse LOA (loi d’orientation agricole), promise après le mouvement de grogne mais laissée en plan par le gouvernement Attal. « Avec la nouvelle composition de l’Assemblée nationale, je suis assez pessimiste, confesse Christian Convers. Mais des convergences peuvent se faire jour sur les mesures de simplifications et une meilleure protection de notre modèle agricole. C’est maintenant ou jamais. »

"Nos systèmes seront pulvérisés"

Patrick Bénézit est sur la même ligne. « Nos systèmes, a fortiori l’élevage herbager du Massif central, seront pulvérisés s’ils se retrouvent en concurrence avec des modèles qui ne respectent pas nos normes. »

Enfin, dernier point qui fait consensus entre syndicats, la question du prix payé aux producteurs. « Tout découle de là. Comment garder autrement des paysans dans notre pays?? », interroge Laurence Marandola, qui parle d’une profession avec « le moral dans les chaussettes ».

Dominique Diogon