Plusieurs milliers de personnes attendues en Creuse pour protester contre les "méga-usines à bois"
L’événement avait dû être annulé, pour cause d’élections législatives anticipées, le 30 juin dernier. Mais pour les organisateurs de la grande journée de mobilisation nationale contre les “méga-usines à bois”, ça n’était que partie remise.
Celle-ci se tiendra donc finalement ce samedi 5 octobre, à Guéret. La préfecture de la Creuse n’a, bien sûr, pas été choisie au hasard pour accueillir les quelques milliers de manifestants attendus ce week-end, la ville étant concernée par un projet controversé d’usine de granulés bois, portée par la société Biosyl. Et dont l’ouverture est annoncée pour 2025.
L'usine Biosyl et l'agrandissement de la scierie Farges en ligne de mire« Entre 1.000 et 2.000 hectares de feuillus risquent d’être coupés tous les ans pour produire des pellets », s’inquiète un membre du réseau Forêt Limousin, l’un des collectifs à l’origine de la mobilisation. Une matière première qui, selon lui, viendrait de « sept départements alentour ».
Les organisateurs de la manifestation du 5 octobre sont également préoccupés par le projet d’agrandissement de la scierie Farges Bois, à Égletons, en Corrèze. Comme l’explique Jean-Yves Lesage, responsable de l’union locale de la CGT d’Aubusson :
Il s’agirait de doubler les capacités de production de cette grosse scierie d’ici quelques mois. Ce qui, couplé avec le projet Biosyl, augmenterait considérablement la pression sur la ressource en bois en Limousin. Et ferait concurrence aux petites scieries locales, dont certaines ont du mal à être reprises.
Les collectifs à l’origine de la mobilisation portent plusieurs revendications précises : que soient réalisées une « enquête publique » et une « étude d’impact » concernant l’usine Biosyl de Guéret. Et, à terme, que soit abandonné le projet ainsi que celui de l’extension de la scierie Farges. Le tout en « réorientant les fonds publics vers de petites unités de production (1) », ajoute Jean-Yves Lesage.
Car, et ils insistent sur ce point, les opposants à Biosyl et Farges ne se disent pas contre « l’exploitation du bois ». Mais ils assurent promouvoir une « sylviculture à long terme », privilégiant les mélanges d’essences et le « couvert continu » en opposition à la « multiplication des coupes rases », soulignent ceux qui militent pour des « forêts vivantes ».
Un « Camp anti-Biosyl » sur l'ancien stade AndrivetDes sujets qui, estiment les collectifs, concernent l’ensemble de la forêt française, d’où leur volonté de conférer une ampleur « nationale » à la journée de mobilisation guérétoise. Mobilisation qu’ils annoncent « familiale et festive ». Ils comptent ainsi sur la présence de nombreux Creusois et Limousins désireux de défendre les forêts locales. Mais aussi de personnes venues de toute la France.
Et ce, dès le 4 octobre au soir, sur l’ancien stade Andrivet. Un terrain mis à disposition pour l’occasion par la municipalité de Guéret qui s’est prononcée contre le projet Biosyl, à l’inverse de la communauté d’agglomération du Grand Guéret qui, quant à elle, défend ardemment l’implantation de l’usine.
Là, un « camp anti-Biosyl » sera dressé par les opposants, avec camping, foodtrucks, débat sur les enjeux liés à la forêt, suivi par un concert en soirée. Le lendemain matin, dès 10 heures, une marche sera encadrée par des naturalistes autour du site de Biosyl. Objectif : présenter la biodiversité qu’abrite le secteur (dont le crapaud sonneur à ventre jaune, espèce protégée) et les impacts que le projet pourrait faire peser sur elle.
La députée européenne Marie Toussaint et le rappeur et youtubeur Vincent Vierzat attendu à Guéret
Un pique-nique et une conférence de presse sont ensuite programmés à partir de 12 h 30, au « camp anti-Biosyl ». La présence de la députée européenne Les Écologistes, Marie Toussaint, est annoncée. L’élue, qui travaille actuellement au Parlement sur la définition de règles de protection des forêts mondiales, devrait prendre la parole en public. Puis, une manifestation partira de la gare routière à 14 heures. Le cortège doit passer devant les locaux de l’Agglo, le centre hospitalier, la place Bonnyaud, la préfecture, et revenir à son point de départ.
Le soir s’annonce festif, avec toute une série de concerts prévus au camp, de 19 heures à 20 heures. Avec, en tête d’affiche, le rappeur et activiste écologiste Vincent Vierzat, alias Arval. L’homme anime aussi la chaîne You Tube consacrée aux luttes écologiques et sociales, “Partager c’est sympa”, suivie par plus de 300.000 abonnés. De quoi offrir à la mobilisation guérétoise une visibilité inédite.
Sans consensus et non sans tensions, l'Agglo du Grand Guéret a voté la vente de ses terrains à Biosyl
Réaction. Les promoteurs de l’usine de pellets de Guéret ne comptent pas renoncer à leur projet. « Nous allons regarder ce qui se passera lors de la mobilisation du 5 octobre. Mais je n’ai pas l’impression qu’il y ait beaucoup d’oppositions au projet localement », estime Benoît Rachez, directeur général de la coopérative forestière Unisylva, elle-même actionnaire de Biosyl. Ce dernier se veut rassurant : « le besoin de l’usine ne concerne que 3,6 % de la forêt de la région. Le projet n’est pas une menace pour elle. »
(1) Le coût du projet porté par Biosyl à Guéret est estimé à 26 millions d’euros. Il doit recevoir 5 millions d’euros de subventions apportés par l’État et la région Nouvelle-Aquitaine.
François Delotte