Guerre au Moyen-Orient : "Si la paix était signée, ce serait la relance des déboires judiciaires" de Benyamin Netanyahu
Après le Hamas à Gaza, puis le Hezbollah au Liban, les rebelles Houthis qui contrôlent 40 % du Yémen viennent à leur tour d’essuyer des frappes israéliennes. Avec trois fronts et, demain, peut-être plus, l’État hébreu, revigoré par ses succès militaires, semble ne plus se fixer de limites.
« Les attaques terroristes du 7 octobre 2023 et les premières frappes de missiles iraniennes sur le sol israélien la nuit du 13 avril 2024 ont durablement impacté la société israélienne, rappelle l’amiral Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation Méditerranéenne d’Études Stratégiques. Ces attaques ont pointé la faillibilité, fût-elle momentanée, de leur système de défense. Elles ont surtout réveillé quelque chose de plus profond : la peur de voir leur pays disparaître. Et celle-ci hypothèque pour au moins trente ans leur perception des choses. Car les Israéliens ont découvert que, non seulement tout ou partie du monde musulman leur est plus ou moins hostile - ils le savaient déjà -, mais qu’une partie croissante des opinions publiques occidentales - et c’est nouveau - leur est également hostile. Aussi cette guerre tous azimuts que mène Tsahal leur paraît-elle véritablement existentielle. Le sentiment de se battre pour la survie de leur pays est unanimement ou presque partagé. »
Survie politique« Unanime, développe le géopolitologue, ce sentiment l’est assurément s’agissant du Hezbollah, considéré à juste titre comme la principale menace à court terme pour la sécurité d’Israël. Cette milice chiite est le bras armé le plus puissant et le plus dangereux de l’Iran. Elle s’est accaparée le pouvoir au Liban, s’est aguerrie en se battant en Syrie et ne jure que par la disparition de l’État hébreu. »
Cette peur qui n’a rien de paralysant, tout au contraire, fait les affaires de Benyamin Netanyahu, qui joue bien plus que sa survie politique. « Si la paix était signée, ce serait la relance de ses déboires judiciaires pour lesquels le Premier ministre israélien risque la prison. Mais, j’insiste, si à Gaza, contre le Hamas, et en Cisjordanie, aux côtés des colons qui grignotent des terres palestiniennes, son agenda personnel est premier, au Liban, contre le Hezbollah, l’opinion publique israélienne le pousse à agir. »
Mais l’État hébreu n’en a-t-il pas assez fait pour intimer à nouveau la méfiance et la crainte ? Quant à éradiquer le Hamas ou le Hezbollah, leur croissance rhizomique en dit l’impossibilité. L’embouteillage de chars au nord du pays, à la frontière libanaise, suggère, en tout cas, une attaque comme à Gaza, après les attentats du 7 octobre, ou comme au Liban en 1982, 1996 et 2006.
« L’objectif, tempère le chercheur, n’est pas d’envahir le Liban au risque de s’y embourber ni a fortiori d’attaquer l’Iran. La désorganisation du Hezbollah consécutive aux bombardements ciblés, aux attaques aux bipeurs et talkies-walkies piégés et la décapitation de leur organisation, n’en est pas moins une aubaine pour détruire le maximum de leurs très nombreux missiles et instaurer une zone tampon, au Sud Liban, de la frontière avec Israël jusqu’au fleuve Litani. Les blindés, plutôt que d’y stationner, ne devraient y faire que des incursions. Mais, même avec l’instauration d’une telle zone, Israël ne s’interdirait pas de frapper le Hezbollah à Beyrouth ou dans la plaine de la Bekaa. »
Liban divisé« Et, poursuit-il, peut-être que le désordre et l’affaiblissement du Hezbollah pourraient profiter aux autres partis non chiites, sunnites et chrétiens en l’occurrence, pour revenir à la situation antérieure de partage du pouvoir entre les trois confessions ? Une aide des pays du Golfe d’obédience sunnite serait cependant indispensable tant la situation économique et sociale du Liban, miné par la corruption, est catastrophique. »
Preuve des divisions qui bloquent le Liban, la mort fin septembre du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, n’a manifestement pas suscité la même indignation d’une communauté à l’autre, tant s’en faut…
Quid de l’Iran ? Pour l’heure, la République islamique ne se mêle guère au conflit qu’à travers ses sempiternelles harangues à l’encontre de l’État hébreu et de son allié américain. « Le souci du régime est de conserver le pouvoir et d’avoir enfin la bombe atomique, relève Pascal Ausseur. L’Iran se garde bien de donner un alibi à Israël pour l’attaquer. Toutefois, les États-Unis, en coulisse, ne manqueraient pas de s’y opposer, sauf décision surprise d’un Trump réélu… » Les frappes par l’aviation israélienne, à plus de 1.800 kilomètres de ses bases, contre deux ports au Yémen contrôlés par les rebelles Houthis, armés et financés par la République islamique, constituent toutefois un avertissement à l’Iran dont la frontière est bien plus proche…
Jérôme Pilleyre
Colloque. Troisième édition, les 8 et 9 octobre prochains, à Toulon, des Rencontres stratégiques de la Méditerranée organisée par Fondation Méditerranéenne d’Études Stratégiques. Ce colloque international permet de croiser les regards académique, opérationnel, politique et technologique sur les grands enjeux géopolitiques. En savoir plus : FMES-france.org Contact : mc.debray@fmes-france.org