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Сентябрь
2024

Comment le changement climatique et la mondialisation favorisent l'explosion des transmissions de virus chez l'homme et l'animal

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Alors que les épisodes de FCO (Fièvre catarrhale ovine) et de MHE (Maladie hémorragique épidémique) se font de plus en plus récurrents en Europe, Karine Chalvet-Monfray, enseignante-chercheuse à VetAgro Sup Marcy l’Étoile (Rhône) et directrice adjointe de l’UMR 0346 d’épidémiologie des maladies animales et zoonotiques à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), décrypte le phénomène. Et souligne notamment l’impact du changement climatique et de la mondialisation des échanges dans la propagation des virus via des petits moucherons comme les culicoïdes.

1. Comment les maladies véhiculées par les culicoïdes, comme la FCO, se propagent-elles ?

 « Les culicoïdes, en tant que moucheron très inféodés au bétail et à la faune sauvage mais très peu à l’homme, dépendent beaucoup des conditions extérieures, de température et d’humidité. Vous avez d’un côté le moucheron qui est le vecteur et de l’autre le virus. Et ce dernier doit se développer dans le vecteur. Le culicoïde se contamine lors d’un repas de sang. Le virus arrive dans son tube digestif. Mais pour qu’il puisse le retransmettre, cela demande un certain temps car il doit traverser tout son organisme avant d’atteindre les glandes salivaires qui lui permettront de le sécréter. Or, ce processus est loin d’être négligeable dans la durée de vie du moucheron. Plus la température est élevée, plus le cycle sera rapide. »

2. Pourquoi la FCO et les autres maladies s’étendent vers le nord de l’Europe ?

  « Il y a encore vingt ans, les maladies comme la FCO circulaient essentiellement autour du bassin méditerranéen. En Europe du Nord, les maladies transmises par les culicoïdes étaient inconnues. Le basculement s’est produit en 2006 lors la première vague de FCO près de Maastricht au Pays-Bas et puis de la maladie de Schmallenberg en 2011 qui ont touché initialement l’Allemagne, et les Pays-Bas, puis la Belgique, la France et l’Europe du Nord. Jusque-là, les culicoïdes du Nord n’avaient jamais transmis ces maladies tout simplement parce qu’ils n’avaient pas rencontré les virus. Et encore en 2023, une nouvelle épidémie apparaît au Pays-Bas qui s’étend rapidement en Belgique et en Allemagne pour atteindre la France un an plus tard. On ne sait toujours pas quelle est l’origine de ces épidémies qui apparaissent dans ces zones assez proches. On suspecte le transport d’animaux malades. Le virus peut se disséminer de deux façons, soit par des transports d’animaux sur de longues distances, soit c’est une contamination de proche en proche. Et là, le vent joue un rôle majeur. Quand le virus progresse d’environ 100 km, c’est probablement que les moucherons ont été déposés plus loin par le vent. Les vents d’ouest, qui sont fréquents, favorisent la distribution. »

3. Quel impact a le changement climatique sur la multiplication des épizooties ?

 « Pour la FCO, l’effet du changement climatique est réel. L’augmentation des températures favorise les périodes où le virus peut se multiplier dans les moucherons. Les conditions deviennent de plus en plus favorables. C’est exactement la même chose pour les cas de dengue autochtone en France métropolitaine. Les températures sont suffisamment élevées pour avoir un cycle complet et comme les moustiques tigres sont de bons vecteurs, nous avons de plus en plus d’exemples de gens contaminés sur notre territoire. Ce n’est pas un hasard si l’on parle à chaque fois de ces maladies à la fin de l’été. Parce que c’est la fin de la période chaude où le cycle des virus a pu se multiplier dans les vecteurs, contaminer des hôtes (animaux ou hommes selon la maladie) et ainsi s’emballer en touchant de plus en plus de vecteurs comme les moucherons ou les moustiques. Au départ, vous pouvez avoir deux ou trois moucherons contaminés pour arriver à des dizaines de milliers de moucherons contaminés et donc aboutir à une épizootie. »

4. Quel rôle joue la mondialisation des échanges dans la propagation de ces maladies ?

 « Plus on favorise les déplacements d’humains ou d’animaux, plus on favorise l’introduction d’un virus. Et cette explosion des flux de personnes et d’animaux à l’échelle planétaire vient effectivement se cumuler dans une sorte d’effet boule de neige avec l’augmentation des températures. »

5. Comment arrêter ce cercle vicieux ?

« Ce cercle vicieux peut s’arrêter par la vaccination ou se suspendre avec l’arrivée du général automne et hiver. La baisse des températures casse la dynamique des contaminations. Mais il reste souvent une petite colonie contaminée résiduelle qui va passer l’hiver et qui peut redonner une épidémie l’année suivante. Mais la vaccination est la solution. Le problème, c’est qu’elle a un coût. Il faut avoir le budget et se pose la question de qui paie. Après, c’est une histoire de coût-bénéfices. »

Dominique Diogon