L’éleveur du Puy-de-Dôme a laissé des bêtes mourir de faim et de soif
"Vous entendez quand je parle ?", s’enquiert la juge en voyant le prévenu, agriculteur à Saint-Avit (Puy-de-Dôme), tendre l’oreille, rester muet et se tourner, l’air hébété, vers son avocat. A ses côtés, Me Nury répète, en haussant la voix, le propos de la présidente du tribunal. L’éleveur, 65 ans, semble être devenu sourd à la barre… Dans la salle, les deux enquêteurs de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) font signe aux magistrats qu’ils n’avaient pas eu de mal à discuter avec lui lorsqu’ils l’ont contrôlé… L’avocat servira d’interprète au sexagénaire jugé en correctionnelle à Clermont-Ferrand pour avoir laissé ses bovins livrés à eux-mêmes.
"Depuis dix ans, on lui reproche la même chose"
CadavresEn septembre 2023, les agents de l’Etat ont constaté une situation alarmante pour les bêtes : pas assez d’eau, fourrage insuffisant et de mauvaise qualité, registre d’enregistrement des nouvelles naissances incomplet ne permettant pas la traçabilité des animaux, cadavres de bovins décomposés çà et là sur la ferme. "Au second contrôle en octobre 2023, c’est encore pire", explique la DDPP. "Il a une perte totale de maîtrise de ses 74 vaches. 19 sont mortes. Il n’est pas en mesure de gérer une exploitation de vaches allaitantes".
"Y’avait bien encore du stock de foin à certains endroits, dans les bois… "
Plaintes à la mairieSi la situation semble avoir empiré, elle n’est pas nouvelle. La DDPP s’y rend tous les deux ans depuis 2013 : "Depuis dix ans, on lui reproche la même chose", témoigne l’enquêteur. Des plaintes arrivées à la mairie de riverains lassés de voir les bêtes divaguer et inquiets d’en voir d’autres mortes, ont précipité les choses. La gendarmerie est venue constater les dégâts.
L’éleveur seul à travailler sur sa ferme depuis vingt ans, reconnaît sa négligence du bout des lèvres. Il hausse les épaules : "Y’avait bien encore du stock de foin à certains endroits, dans les bois… ". Le manque d’eau ? "Je remplissais bien les bacs. Y’a un ruisseau dans les prés". Me Nury brosse le tableau : "Une exploitation de 70 hectares, 60 à 70 vaches, un homme de 65 ans. Il n’a pas maltraité ses animaux par plaisir. Il s’est retrouvé submergé. Il ne pouvait plus faire face à ses obligations. Les animaux n’étaient pas tous affamés", tempère l’avocat. "C’est une minorité".
Condamné à payer des amendesLa situation est au-delà de mauvais traitements considère la procureure qui a requis une peine pour abandon de troupeau : "Certains étaient dans un tel état de dénutrition et de déshydratation qu’ils sont morts". La représentante du ministère public a requis une interdiction d’exercer son métier pendant cinq ans ainsi que de détenir vaches et moutons. Une sanction que n’a pas prononcée le tribunal. L'éléveur a été condamné à payer des amendes, pour un montant de 1.200 €.
Leïla Aberkane