Pourquoi l'instabilité politique ne fait pas les affaires des petits patrons français
Les petits patrons ont le moral dans les chaussettes. Et attendent impatiemment la stratégie économique du nouveau gouvernement. Les chiffres se passent de commentaires. Selon le dernier baromètre trimestriel publié par Bpifrance et Le Lab et Rexecode, 51 % des dirigeants de PME/TPE jugent que la période d’instabilité politique née de la dissolution a eu un impact négatif « fort ». 38 % estiment cet impact « modéré ». Seuls 18 % avouent ne pas avoir été touchés.
"Visibilité et stabilité"Un baromètre plus que maussade qui n’étonne pas François Asselin, le président de la CPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises). « Peu de temps après la dissolution, j’ai pris la parole pour dire : nous sommes partis pour perdre un trimestre de croissance. Et si on enlève l’effet JO, effectivement, en termes de croissance, ce n’est pas glorieux. Ceci s’explique tout simplement. En matière économique, vous avez un moteur indispensable : la confiance. Celle-ci s’appuie sur deux choses : la visibilité et la stabilité. Or, avec la dissolution, nous avons perdu les deux », pose-t-il.
Le patron des Deux-Sèvres, dont l’entreprise familiale a construit la réplique du navire de guerre L’Hermione et rénové les menuiseries du château de Versailles, enfonce le clou. « Nous avons commencé par perdre la visibilité puis la stabilité au fur et à mesure de la mise en perspective de certains programmes, je pense notamment à celui du Nouveau Front populaire (NFP). D’un coup, cela effraie tout le monde. Un chef d’entreprise est ni plus ni moins qu’un Français comme les autres. Quand il n’est plus sûr de son avenir et que les règles du jeu risquent de changer, il se met en mode pause. La confiance déclenche tout. Et quand il n’y a plus ni visibilité, ni stabilité, quelque part, c’est aussi toute l’économie qui se met en pause. »
"Endettement abyssal"Au sein de la CPME, ce mélange de fébrilité et de frilosité est palpable. « On l’a vu tout de suite vu auprès de nos adhérents qui, au moment d’investir ou d’embaucher, se posent la question plutôt trois fois qu’une », poursuit François Asselin.
Dans ce contexte, la nomination de Michel Barnier est-elle de nature à ramener cette sacro-sainte confiance ? « Il y a déjà un aspect rassurant, c’est que je ne pense que l’on s’égare dans des décisions dogmatiques allant complètement à contre-courant des intérêts des entreprises, tranche le président de la CPME. Néanmoins, quelle que soit la couleur du Premier ministre, il reste deux éléments majeurs et incontournables. Le premier, c’est l’endettement abyssal de la France qu’il faut parvenir à juguler. Deuxième point, les mesures nécessaires pour commencer à réduire notre endettement ne peuvent s’appliquer qu’avec une majorité forte. Or, aujourd’hui, il n’y a aucune majorité. L’inquiétude n’est donc pas totalement levée parce que nous nous interrogeons sur la marge de manœuvre politique de Michel Barnier pour faire adopter les réformes dont notre pays a cruellement besoin. »
Raisons d’y croireLa CPME et l’ensemble du patronat se sont déjà mis en ordre de marche pour faire entendre leur voix. « C’est un combat à fleurets mouchetés qui va s’engager pour que les arbitrages budgétaires aillent, pour nous, dans le bon sens. C’est-à-dire réaffirmer la politique de l’offre et surtout ne pas engager une politique fiscale qui pourrait entre guillemets “entacher” l’envie d’entreprendre », prévient François Asselin.
Dans le flou ambiant, l’augmentation des salaires, désormais plus importante que l’inflation – repassée sous les 2 % –, synonyme d’embellie sur le front du pouvoir d’achat, apparaît à première vue comme un petit coin de ciel bleu. « Mais une inquiétude va demeurer, c’est le niveau des marges des entreprises. Et quand vous voyez les salaires augmenter et l’inflation baisser, le corollaire, c’est que vous avez une concurrence extrêmement farouche avec des marges sous tension. Le niveau de défaillances des entreprises reste très élevé, ce qui veut dire qu’elles se fragilisent et que leurs capacités d’investissement s’érodent aussi. Or, les résultats d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain », tempère le président de la CPME.
La vraie bonne nouvelle pour les patrons est plutôt à chercher du côté de la baisse des taux d’intérêt qui pourrait stimuler la croissance. « Même si aujourd’hui, c’est la catastrophe dans le secteur de la construction, les besoins sont énormes. Cela veut dire que si les planètes s’alignent, à savoir stabilité politique avec une orientation claire, baisse des taux et simplification qui booste certains secteurs, il y a des raisons d’y croire »
Dominique Diogon