En Limousin, ces profs recrutés par petites annonces
La situation n’est pas pire que l’an dernier, et le Limousin est loin d’être l’académie la plus touchée. Mais l’Éducation nationale se trouve contrainte, une fois de plus, de recruter des enseignants hors concours, par le biais de petites annonces.
Dans l’académie de Limoges, dix-huit annonces de ce type sont actuellement en ligne pour le second degré. Le rectorat recherche des bonnes volontés pour enseigner les lettres à Saint-Junien ou à Beaulieu-sur-Dordogne, l’anglais à Auzances en Creuse, mais aussi en Corrèze (le lieu n’est pas précisé). Dans ce dernier département, on recherche également un enseignant en histoire-géographie, un autre en sciences-économiques et sociales, un autre encore en écogestion et, enfin, un en lettres. En Creuse, avis aux candidats qui souhaiteraient enseigner la maçonnerie, les biotechnologies, la domotique ou l’EPS. En Haute-Vienne, des heures sont également à combler en sciences et techniques médico-sociales.
Débutants acceptésPas besoin d’être titulaire d’un concours de l’enseignement (Capes ou autres) pour postuler. Pour les disciplines de l’enseignement général, il suffit la plupart du temps d’une licence (bac +3), de préférence dans la spécialité correspondante. Les débutants sont acceptés, même si une ou plusieurs expériences dans le domaine de l’éducation est un atout non négligeable pour être recruté (sur dossier et après un entretien).
La démarche n’est pas nouvelle. Il y a déjà plusieurs années que les rectorats tentent ainsi de combler à la fois les lacunes en termes de remplacements et les conséquences de la crise des vocations chez les enseignants, tous les postes mis au concours n’étant traditionnellement pas pourvus.
« La même tendance que l'an dernier »L’académie de Limoges est pourtant relativement épargnée, si l’on en croit l’administration. « Pour le remplacement des absences, sur environ 4.000 postes dans le second degré, à ce jour (sachant que cela bouge d’heure en heure), neuf enseignants dans toute l’académie ne sont pas remplacés, précise-t-on au rectorat. C’est un travail continu de la cellule remplacement du rectorat qui, dès qu’elle a connaissance d’une absence, affecte un enseignant TZR (*) ou, si aucun n’est disponible dans la discipline, un enseignant contractuel. À ce stade de l’année, nous sommes sur la même tendance que l’an dernier. »
Ce sont justement ces enseignants contractuels qui sont souvent recrutés par le biais de ces annonces. Par définition précaire, leur statut n’a rien à voir avec celui des professeurs titulaires. Ils sont en CDD, peuvent être recrutés sur un temps complet, mais aussi seulement pour quelques heures hebdomadaires, ne sont pas rémunérés sur le temps des vacances scolaires, et n’ont aucune perspectives d’évolution de carrière ni d’avantage particulier s’ils venaient, un jour, à être tentés de passer le concours.
« Aucun espoir de s’intégrer »C’est un peu tout cela qui a dissuadé Victorine, titulaire d’un master de lettres classiques, de tenter l’expérience. « Je ne me destine pas particulièrement à l’Éducation nationale, mais comme j’attends une réponse pour commencer une thèse de doctorat, je me suis dit pourquoi pas », explique le jeune femme qui dit s’être ravisée in extremis avant de cliquer pour activer sa candidature, préférant au final répondre à l’annonce d’une association qui cherchait un intervenant en français/langue étrangère.
« J’ai eu peur d’être confrontée aux élèves alors que je n’ai aucune formation, et je me suis dit qu’il y avait peut-être une certaine injustice à toucher un salaire moindre et à n’avoir aucun espoir de s’intégrer dans une équipe pédagogique. »
« Pour moi, ce fut une vraie chance »Le profil des profs contractuels est variable : étudiants en fin de cursus, jeunes retraités, demandeurs d’emploi, salariés en quête d’une reconversion... Les abandons seraient nombreux, mais parfois, cela fonctionne.
« Pour moi, ce fut une vraie chance, explique Annette (*), qui a enseigné l’anglais plusieurs mois dans un collège creusois. J’étais à un tournant de ma vie et cela m’a redonné confiance, les enfants étaient plutôt sympas. Je ne suis pas restée l’année suivante parce que la personne que je remplaçais est revenue. C’est ce que je reproche un peu au système : quand on n’a plus besoin de vous, on ne fait rien pour vous retenir. »
(*) Le prénom a été modifié.
Florence Clavaud-Parant