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Сентябрь
2024

Audrey Diwan émancipe “Emmanuelle” dans sa relecture du roman d’Emmanuelle Arsan

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Si Audrey Diwan affirme que son Emmanuelle n’est pas un remake de celui sorti en 1974, c’est que mis à part quelques clins d’œil, comme le célèbre coït dans les toilettes d’un avion et la scène de masturbation féminine en miroir – au passage merveilleusement bien menée –, les deux films ont (fort heureusement) peu en commun. On ne regrette pas, par exemple, l’ambiance colonialiste nauséabonde du film de Just Jaeckin.

Chez Diwan, Noémie Merlant est la nouvelle Emmanuelle et, en tant qu’agente de contrôle qualité, elle se rend à Hong Kong afin de vérifier l’expérience client·e d’un hôtel de luxe dirigé par Naomi Watts. Emmanuelle, avec ses tenues impeccables, déambule donc dans ce décor aux allures de science-fiction dystopique, où le taux de plaisir est jugé par des codes couleur et des tableaux Excel. La scène d’ouverture dans un train silencieux haut de gamme en rappelle une autre : celle de 2046 de Wong Kar-wai, où les personnages et leurs désirs impossibles embarquent pour un voyage futuriste à grande vitesse sans possibilité de retour.

La réalisatrice invoque aussi le maître du cinéma hongkongais et son art de la sensualité dans les couloirs de l’hôtel, où les personnages se cherchent, se croisent et se frôlent. La possibilité pour une femme de vivre pleinement, et en toute sécurité, ses désirs érotiques avec le premier venu relève aussi de la science-fiction. Si Emmanuelle s’échappe de cet univers trop codifié à travers ses fantasmes, ceux-ci ne sont finalement pas moins lisses dans la manière dont la cinéaste les représente à l’écran ; car une parfaite liberté sexuelle féminine ne peut peut-être exister que dans un univers parallèle complètement safe, au risque de sembler aseptisé.

L’écriture cinématographique comme support érotique

Lors de son séjour, Emmanuelle ne cesse de croiser Kei (Will Sharpe), un mystérieux habitué qui l’obsède autant qu’il lui échappe. Tel un voyageur spatio-temporel, il navigue entre deux mondes diamétralement opposés : l’hôtel, sans âme ni aspérité, et les ruelles bondées d’Hong Kong, dans lesquelles il entraîne finalement notre héroïne pour une ultime scène érotique où il fait office d’intermédiaire. Pendant qu’Emmanuelle fait l’amour à un inconnu, Kei traduit en chinois ses directives à travers un judicieux double jeu de langues…

À l’image du fantasme, qui n’existe (s’il n’est pas réalisé) que par l’imagination, le film mise aussi brillamment sur l’art de la suggestion et de l’attente. La scène la plus hot n’est ainsi pas la plus explicite : Emmanuelle décrit en détails l’un de ses fantasmes, avec un érotisme d’autant plus puissant que les spectateur·rices ne peuvent que l’imaginer. “Faut le vouloir, faut y penser, faut le choisir. C’est ça, l’érotisme”, nous disait déjà l’un des personnages du premier Emmanuelle, qui nous rappelle au passage à quel point l’écriture cinématographique reste un excellent support érotique.

Emmanuelle d’Audrey Diwan, avec Noémie Merlant, Will Sharpe, Jamie Campbell Bower (Fr., 2024, 1 h 45). En salle le 25 septembre.