Quand un beatmaker de Montluçon collaborait avec le rappeur américain Fatman Scoop
La date du 30 août 2024 est à marquer d’une pierre noire pour les fans de rap. Ce jour-là, à Hamden dans le Connecticut, Fatman Scoop s’écroule sur scène lors d’un concert. Malgré un massage cardiaque, le rappeur américain décède. Il avait 53 ans.
À Montluçon, la nouvelle laisse Franck Larose en état de choc. Ce producteur, âgé de 36 ans, n’était pas un proche de l’artiste mais il a eu la chance de le côtoyer en 2015. Et même de collaborer avec lui.
« C’est une rencontre qui a marqué ma vie. On ne peut pas rester indifférent lorsqu’on rencontre une personnalité comme Isaac Freeman, alias Fatman Scoop. C’est une histoire improbable mais dans l’univers de la musique, cela se passe souvent comme ça. »
De Villebret au sud de la FranceL’histoire débute en 2012. Cette année-là, Franck Larose quitte Villebret où il habite pour s’installer dans le sud de la France. Le jeune homme espère percer dans le métier. Un premier titre « composé à Montluçon avec un micro à 30 euros » est diffusé sur Fun Radio et sur la chaîne M6. Deux autres morceaux connaîtront le même sort en 2013.
Après avoir posé ses valises sur la Côte d’Azur, le jeune Montluçonnais fait la connaissance d’un DJ qui se produit régulièrement dans les boîtes de nuit de la région. « Il m’a dit qu’il cherchait quelqu’un qui faisait de la musique et on a rapidement sympathisé. »
Un rêve éveilléUn soir, la discothèque où mixe le nouvel ami de Franck Larose accueille Fatman Scoop, l’interprète de Be faithful, son tube sorti en 1999. Lors du trajet entre l’aéroport et la boîte de nuit, la petite amie du DJ « qui parle parfaitement anglais explique au rappeur que je fais de la musique et qu’il est possible de lui faire écouter quelques sons ».
Intéressé, Fatman Scoop dit banco. L’artiste tend l’oreille. « Et là, il dit que c’est vachement bien et qu’il aimerait poser sa voix sur mes prods », poursuit Franck Larose qui vit alors un rêve éveillé. « Fatman Scoop, je l’écoutais en boucle quand j’étais gamin dans ma chambre à Villebret. Et de se dire qu’il s’intéressait à ma musique, c’était énorme. Je me souviens à l’époque, j’avais arrêté de fumer. Mais ce jour-là, j’ai demandé à un de mes potes de me filer une clope. »
Une limousine garée devant l'hôtelQuelques semaines plus tard, le rappeur tient sa promesse. Après un premier rendez-vous par le logiciel Skype repoussé, il échange quelques mots avec Franck Larose et ses comparses et « fixe un rencard dans un hôtel à Marseille ».
Sur place, l’attente se prolonge. « On a attendu plus de trois heures. J’ai commencé à dire à mes potes que c’était une connerie. Et finalement, un gars de l’entourage de Fatman Scoop nous aborde et nous emmène devant l’hôtel où une limousine était garée. »
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La petite troupe se dirige alors vers une discothèque où l’artiste doit se produire. « Je ne l’avais jamais vu en live et je peux vous dire que c’était un vrai showman », se remémore le producteur montluçonnais. À la fin de sa prestation, Fatman Scoop vient le saluer et lui demande de patienter avant d’engager les discussions.
Une soirée privée sur la Côte« En fait, on ne l’a jamais revu parce qu’il était tout le temps sollicité pour des photos ou des autographes. » Au grand dam de Franck Larose qui ne désespère pas pour autant. Avec raison.
Deux mois plus tard, le jeune homme reçoit un message indiquant le retour en France du rappeur américain. Un nouveau rendez-vous est fixé cette fois dans un hôtel grand luxe de Saint-Tropez. « Et comme d’habitude, une fois sur place, on a attendu. » Dans le hall de l’établissement, Franck Larose tombe alors inopinément sur Lord Kossity. Le rappeur français indique au producteur que Fatman Scoop se produit lors d’une soirée privée chez un riche propriétaire et qu’il allait falloir patienter. Au bout de quelques heures, le Montluçonnais renonce.
En quête d'un studio d'enregistrementVient le temps des interrogations. Faut-il faire une croix sur une collaboration avec un artiste qu’il suit depuis plusieurs années ou faut-il persevérer ? Franck Larose opte pour la deuxième option. « Un jour, j’apprends que Fatman Scoop débarque à Montpellier pour faire un showcase dans une boîte de la région située au Cap d’Agde, L’Amnésia. Je me dis que le mec est en train de nous balader mais il nous promet, cette fois, de nous emmener en studio. »
Prévenue seulement deux jours avant, la petite équipe se démène pour trouver un studio d’enregistrement. Mission quasi-impossible. « Ce jour-là, il y avait un match de foot hyper important avec l’équipe de France et tout le monde nous a envoyé sur les roses. » Tous sauf un qui accepte d’accueillir le rappeur. Mais deux heures, pas davantage.
Business is businessLe miracle finit par se produire. Débarquant dans le studio en short et claquettes, Fatman Scoop pose sa voix sur quatre morceaux signés du producteur montluçonnais. « On était en panique, on n’était pas préparé mais le gars a tout géré d’une main de maître. » Un moment inoubliable qui a resurgi à l’annonce du décès de l’artiste. « C’est une chance d’avoir rencontré une telle personne. Parce que d’avoir pu collaborer avec lui m’a donné beaucoup de force pour continuer la musique. »
Un regret pourtant. Les morceaux enregistrés avec le rappeur américain, dix ans après, dorment toujours dans les tiroirs. « Fatman Scoop était prêt à travailler gracieusement avec nous. Il fonctionnait avec son cœur mais la personne qui gérait ses affaires, elle, fonctionnait avec le porte-monnaie. »
Martial Delecluse