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Vidéoprotection : le Puy-de-Dôme est équipé de centaines de caméras, mais ces dispositifs sont-ils efficaces ?

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Même Chaumont-le-Bourg et Montfermy, à peine 230 habitants, vivent sous l’œil des caméras. En dix ans, et plus encore depuis cinq ans, le Puy-de-Dôme a nettement accéléré dans le déploiement des dispositifs de vidéoprotection.

En 2013, le département ne comptait que six communes équipées, sur 464. Elles sont désormais 65, selon les données de la préfecture. Et si les services de l’État ne livrent aucun élément sur le nombre de caméras installées, elles dépassent le millier : bientôt 371 rien que sur le territoire de la métropole de Clermont, 115 à Riom, 63 à Issoire ou Puy-Guillaume, etc.

Cliquez ici pour zoomer sur la carte.C’est simple : les dix-neuf communes de plus de 5.000 habitants sont équipées. Des villages aussi ont basculé, à l’instar de Saint-Pierre-Roche, Varennes-sur-Morge, Chaumont-le-Bourg. Et les craintes exprimées autour de ces dispositifs semblent avoir disparu. "En 2017, pour les premières caméras, des habitants étaient réticents car ils craignaient d’être surveillés, raconte Juliette Descouteix-Genillier, adjointe à la sécurité à Issoire. Maintenant, on a, à l’inverse, des habitants qui nous demandent pourquoi il n’y a pas de caméras dans leurs quartiers."

30 millions d’euros de la Région en sept ans

"Il y a quelques années, on avait besoin de “vendre” le produit mais désormais, ce sont les maires qui nous sollicitent", appuie l’adjudant-chef Philippe Hiegel, référent sûreté à la gendarmerie du Puy-de-Dôme, qui accompagne les communes sur ces questions et constate une "accélération" des demandes ces dernières années :

Cet été, quatre nouvelles communes se sont montrées intéressées. Il y a de moins en moins d’élus réticents et face à la délinquance, ils font face à la pression de la population : la vidéoprotection est une réponse à apporter.

Si elle profite d’une image désormais positive, la vidéoprotection est aussi très appuyée, financièrement, par l’État et la Région Auvergne-Rhône-Alpes, dont les aides peuvent couvrir plus de la moitié du coût d’installation des équipements. La Région a investi "30 millions d’euros depuis 2017 pour financer l’installation de 12.000 caméras dans les communes, se félicite Renaud Pfeffer (LR), vice-président en charge de la sécurité. Notre objectif est de ne pas laisser les maires seuls face au fléau de la délinquance. La vidéoprotection n’est pas l’alpha et l’omega mais c’est un outil essentiel au démarrage de l’enquête ou pour constituer des preuves."

Effet dissuasif et aide à l’enquête

À Clermont-Ferrand aussi, le maire Olivier Bianchi (PS) constate "une demande sociale invraisemblable" pour les caméras.

"Mais l’augmentation du nombre de caméras est aussi en corrélation avec la réduction des moyens policiers. Ça peut rassurer. Je ne fais pas des caméras un totem ou la réponse à tous les problèmes, mais il ne faut pas les négliger, ni les caricaturer. J’observe aussi que les villes très vidéoprotégées ne sont pas pour autant les villes les plus sûres… Ce n’est pas parce qu’on aura 100 caméras, 100 policiers qu’il y aura moins de violences."

La remarque amène à la question de l’efficacité de ces dispositifs. Un éternel débat, car il n’existe aucune étude d’envergure à ce sujet en France, laissant la porte ouverte à toutes les interprétations.

La gendarmerie du Puy-de-Dôme (la police nationale n’a pas souhaité répondre à nos questions) reconnaît sans mal la difficulté de l’exercice : "Les caméras présentent deux intérêts : l’effet dissuasif et l’aide visuelle aux forces de l’ordre, résume le lieutenant-colonel Stéphane Force. Mais l’effet dissuasif, c’est tout ce qu’on évite, donc c’est par définition difficile à quantifier. Et dans les enquêtes, les caméras sont utilisées comme peuvent l’être les empreintes, l’ADN ou l’enquête de voisinage. Il faut donc le voir comme un outil supplémentaire."

Un bémol partagé

Chez les gendarmes comme au parquet, on loue toutefois l’intérêt de ces dispositifs, "très utiles" pour apporter des éléments d’identification et de preuve. Avec un seul bémol soulevé : le visionnage d’heures d’enregistrements est extrêmement chronophage.

"L’intelligence artificielle pourra nous aider à l’avenir en identifiant des véhicules ou des personnes. Mais on n’a pas la solution miracle : la vidéoprotection fait partie des actions pour améliorer la sécurité mais elle n’empêche pas la délinquance."

À l’instar des forces de l’ordre, les élus interrogés ne regrettent pas de s’être engagés dans ce dispositif. Prenons Clermont-Ferrand, un cas unique dans le Puy-de-Dôme car la ville dispose d’un centre de supervision urbain (CSU), où les images des caméras sont scrutées en direct : "Il y a une forme de réactivité intéressante, commente Olivier Bianchi. Quand une bagarre est observée, la police municipale peut intervenir rapidement."

Dans la capitale auvergnate, les caméras ont permis, ces derniers mois, de découvrir un point de deal ou encore de sécuriser 30 interventions des services de police et de secours chaque semaine, en moyenne.

Et dans les autres communes, qui ne disposent pas de CSU ? Pour répondre à la question de l’efficacité des caméras, leurs élus reconnaissent manquer de données objectives, mais ils n’ont dans le même temps aucun mal à citer des affaires élucidées grâce à l’exploitation des images. Là une attaque contre un distributeur de billets, ici pour suivre le parcours d’une personne disparue…

Une soixantaine de caméras installées à Issoire d’ici à la fin de l’année 2024

"On avait des problèmes d’incivilités dans les vestiaires du stade et de vol d’argent à l’église", raconte le maire de Montfermy Vladimir Longchambon, pourtant guère favorable aux caméras :

 "Je reste persuadé que ça ne sert à rien contre quelqu’un qui veut nuire. Mais je constate que l’effet dissuasif a été formidable : on a installé cinq caméras et il n’y a plus eu une seule dégradation au stade et à l’église. Les caméras nous coûtent moins cher que la réparation des dégradations."

Les enjeux de l'IA et de la maintenance

Si la Région avance aussi une baisse de la délinquance avec l’installation des caméras, les gendarmes se montrent eux bien plus prudents, les faits de violences ou de cambriolages restant soumis à de nombreux facteurs.

Et si l’exploitation des images, très encadrée, ne cristallise pas aujourd’hui les critiques, celles-ci se portent davantage sur les millions d’euros investis dans un dispositif jugé trop peu évalué et déployé parfois au détriment de la prévention et des moyens humains.

"Oui, il y a très peu d’études sur la vidéoprotection", reconnaît Renaud Pfeffer, alors que la Région souhaite aller plus loin en testant la vidéoprotection dite intelligente, combinée à l’IA. Il ajoute :

 "Mais qu’est-ce qui justifierait qu’on n’utilise pas une technologie qui peut permettre d’éviter un drame ou de résoudre des enquêtes ? La vidéoprotection intelligente pourra permettre de détecter un début d’incendie, de reconnaître des individus recherchés, etc. Bien sûr, il faut un cadre, mais les sujets de violence restent notre quotidien. Il faut des outils pour y faire face."

"Les questions de sécurité deviennent fortes, donc étant donné les inquiétudes des habitants, je pense que ça vaut le coût, ajoute Olivier Bianchi. Mais en 2026, pas sûr qu’on sera dans l’élargissement quantitatif, plus dans le remplacement qualitatif, avec des caméras de meilleure qualité et innovante."

Car c’est un enjeu pour toutes les communes : comme toute technologie, la durée de vie des caméras reste limitée. "C’est l’inconvénient : l’équipement devient vite obsolète et demande un entretien important qui n’est lui pas subventionné", souffle le maire de Puy-Guillaume, Bernard Vignaud.

Arthur Cesbron