Laure Limongi, autrice et bibliothérapeute : “la lecture est tout sauf une pratique anodine”
Avec le Services des panacées, l’écrivaine et éditrice Laure Limongi créé des performances de bibliothérapie. Elle nous reçoit en blouse blanche, dans un cabinet et en face-à-face, pour des consultations d’environ vingt minutes durant lesquelles nous lui exposons la question qui nous travaille et elle nous répond en nous prescrivant des livres à lire.
Elle sera ces jours-ci en “consultation” au Festival Extra! à Beaubourg. Rencontre
Comment vous est venue l’idée de cette performance, le Service des panacées, et de ces prescriptions ?
Laure Limongi – Je pense que ce projet se situe à la croisée de chemins que j’emprunte depuis longtemps. La passion très ancienne de la lecture, bien entendu, le goût des aventures collectives – artistiques, littéraires…–, le fait d’avoir été éditrice et d’à présent enseigner la création littéraire en parallèle de l’écriture de mes livres… En 2015, j’avais déjà abordé un sujet neurologique avec Anomalie des zones profondes du cerveau (Grasset) qui été une première incursion dans l’univers médical. Par ailleurs, dans ma vie de lectrice, il y a plusieurs livres qui ont été et sont bienfaisants, pour différentes raisons, qu’ils m’aient montré un chemin d’apaisement possible, d’autres trajectoires…
Vous pensez donc que la littérature peut “soigner” ?
En réalité, c’est la grande question du Service des Panacées qui est un projet artistique et littéraire, et non une pratique médicale ni une proposition de développement personnel (il s’agirait davantage de foisonnement pluriel). Mais le présupposé de la démarche, c’est qu’en effet la lecture a des effets bénéfiques, mêmes s’ils sont souvent plus inflammatoires qu’anti-inflammatoires… (Ce sont des remèdes puissants.) La lecture peut ainsi rétablir un certain équilibre dans notre rapport au temps, dévoré par les écrans. De plus, certains chercheurs qui développent l’hypothèse des neurones miroirs confirment que la lecture est tout sauf une pratique anodine. En effet, les neurones miroirs s’activent aussi bien quand l’action est réalisée, que quand on l’observe chez l’autre, mais aussi en écoutant le son produit par l’action ou quand on peut seulement imaginer l’action exécutée. En lisant, vous pouvez effectuer bien des choses, en tout cas, en avoir les émotions et les sensations.
Quel est le trouble que l’on vous a exposé qui a été le plus troublant pour vous (ou le plus difficile pour établir une prescription) ?
Les troubles qui expriment une grande souffrance doivent être traités avec la plus grande délicatesse, j’y réfléchis longtemps. Les énoncés cryptés ou mystérieux amènent à formuler plusieurs hypothèses. D’où le fait que la rencontre, pendant la consultation, soit essentielle. Elle permet de préciser les choses, à travers le dialogue. La prescription se fait à deux. Le fait de demander à la personne d’énoncer elle-même son trouble, c’est aussi une manière de ne pas me saisir de l’outil de pouvoir du diagnostic – impérieux en médecine mais qui me semblerait déplacé ici. La responsable du Service des Panacées est un outil de transmission de la littérature.
Propos recueillis par Nelly Kaprièlian.