Pourquoi la fédération des chasseurs de l'Allier a obtenu le label « Espace naturel sensible »
Avec dix mille chasseurs, l’Allier reste un département « rural, mais pas arriéré », soutient leur président, Jean-Pierre Gaillard (lire ci-dessous).
Au siège de la fédération, au domaine des Sallards à Toulon-sur-Allier, les travaux s’enchaînent (*). Concernant les espaces verts, les aménagements touchent à leur fin. L’an passé, le troisième étang du site, celui dit de Pèteloup, a été curé, défriché et reprofilé, pour accueillir canards colverts, poules d’eau, bécassines des marais… La cistude, présente sur les autres deux étangs du site, s'est également réinstallée.
Lors de ce chantier, un observatoire enterré a été aménagé pour observer le milieu aquatique au plus près. Le domaine disposait déjà d’une cabane perchée et d’une cabane de chasseurs. À ces trois points de vue, s’ajoutent des sentiers pédagogiques et des panneaux ludiques.
4.011 élèves l’an dernierAu fur et à mesure de ces aménagements entamés en 2019, la fédération a accueilli de plus en plus de visiteurs, jusqu’à atteindre un nouveau record l’an dernier. Durant l’année scolaire 2023-2024, 146 groupes sont venus visiter le site, dont 4.011 élèves. Parmi eux, 600 écoliers ont suivi le programme « hirondelles et biodiversité ». Issus de 33 classes, de 18 écoles, ils ont appris à reconnaître les différentes espèces, à confectionner des nichoirs et des bacs à boue, à recenser les colonies de leur village. Un préau à hirondelles a été installé aux Sallards pour favoriser leur nidification. Ce préau comprend un abri à chauve-souris ainsi que des cônes anti-prédation.
La fédération a aussi installé des nids à cigogne, à la cime de plusieurs arbres, suivis par pièges photographiques. La cigogne blanche est une espèce protégée et menacée présente le long de la rivière Allier. Le domaine accueille aujourd’hui de nombreuses espèces à enjeux comme la tourterelle des bois ou la sterne pierregarin.
Reconnaissant à la fois cette biodiversité caractéristique de la Sologne Bourbonnaise et les aménagements pour l’accueil du public, le conseil départemental a attribué au domaine le label « Espace naturel sensible ». Une pierre de plus sur l’édifice stratégique du président des chasseurs de l’Allier pour assurer, auprès de l’État comme de l’opinion publique, que les chasseurs sont « écologistes ». Et ce n’est pas près de s’arrêter là.
Un chantier à 1,5 M€Le futur atout de la fédération, c’est un administrateur qui nous le présente. Hugues Delome est chasseur à Montilly. Retraité, il a le temps de superviser le super chantier dans lequel s’est lancée la fédération après le vote des adhérents lors de l’assemblée générale 2023 (80 % pour).
Le budget de la restauration de la grange des Sallards : 1,5 M€ dont 250.000€ de subventions par la Département et 250.000 € par la Région. L’objectif est d’améliorer les conditions d’accueil des chasseurs lors des formations (permis de chasser, formations décennales à la sécurité, piégeage, qualité viande…) ainsi que celles du public, scolaires et partenaires. « Son espace muséal abritera la collection d’espèces naturalisées que possède la fédération. Une cuisine est prévue pour donner des cours de cuisine de gibier », énumère Hugues Delome.l'administrateur Hugues DELORME dans le futur espace muséal et de réception de la fédération de chasse au domaine des Sallards
Ouverture en avril 2025Les travaux ont débuté en avril 2024 et les interventions des premières entreprises ont permis de créer les espaces (salle de restauration, salle de formation, hall, etc.) et de consolider l’existant (la charpente devait être reprise et de nombreuses fissures ont dû être réparées).
« Le budget et les délais sont pour l’instant respectés. Les entreprises de plâtrerie et d’électricité interviennent actuellement. Des huisseries en bois doivent être posées. Puis les autres prestataires seront là avant la fin de l’année pour livrer le chantier fin avril 2025. » « Le prêt et la location sont envisagés, mais certainement pas pour des événements festifs comme des mariages ou des anniversaires », ajoute l’administrateur. « Ce n’est pas notre rôle. »
Quant à la maison du domaine où s’entassaient les chasseurs pendant les formations, elle deviendra une maison des associations de chasse, « mais sa rénovation n’est pas encore budgétée ni votée. Un investissement après l’autre », prévient Hugues Delome. Devant, le parking doit être agrandi d’une trentaine de places?; « ça s’est acté ».
Stéphanie Ména
(*) Depuis son acquisition par la Fondation pour la préservation de la nature en 1991, le domaine des Sallards est géré par la FDC 03.
Entretien
Le président des chasseurs de l’Allier défend une vision spéciste de la faune sauvage, mais non dénuée de valeurs.
La décision du tribunal clermontois de suspendre la chasse au blaireau cet été vous a énervé. Vous écrivez dans le magazine des chasseurs, « l’animalisme est un humanisme à deux balles ». Pourquoi cette colère?? « Parce que souvent les personnes qui se disent écolo connaissent mal les animaux. Les blaireaux mangent les œufs de tout ce qui niche au sol, perdrix et faisans, des populations qui souffrent déjà de la raréfaction de leur habitat. Les bénéfices des plantations de haies que nous menons depuis 2021 ne se feront sentir que dans plusieurs décennies. En attendant, il faut protéger les espèces fragiles. Ce n’est pas de la violence gratuite. Nous sommes un département rural, mais pas arriéré. La chasse évolue. Autre exemple, nous avons pris des mesures de restriction de chasse au lièvre, assumées. On connaît la nature. Notre expertise doit être écoutée, pas attaquée. »
La fédération des chasseurs de l’Allier compte 17 salariés. Ils étaient 9 quand le nouveau directeur, Antoine Santarelli est arrivé, en 2015. Comment avez-vous piloté cette évolution?? « Nous avons revendiqué légitimement notre rôle d’acteur de l’environnement, en embauchant des techniciens qualifiés qui assurent les suivis d’espèces et la gestion d’espaces naturels, par exemple celui de la queue de l’étang, à Chapeau, dans le cadre des mesures compensatoires à l’A69. »
Le siège de la fédération a été labellisé « Espace naturel sensible ». Quel est le but?? « Cette labellisation permettra un soutien du Département envers les actions de suivis des espèces sur le site, de gestion des milieux. On va pouvoir développer encore l’éducation à l’environnement. C’est une reconnaissance. »