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Nouvelle vague de fièvre catarrhale ovine en Creuse : d'où vient elle, comment la contenir...

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Le contexte

La France est actuellement confrontée à quatre virus transmis aux ruminants (bovins et ovins principalement) par les culicoïdes, ces moucherons que l’on voit parfois voler en nuage au-dessus des troupeaux. Les femelles piquent tous les trois à quatre jours pour se nourrir du sang des animaux, et c’est à cette occasion qu’elles se contaminent puis dispersent les virus… Les animaux entre eux ne se contaminent pas.

Vous avez déjà entendu parler de coronavirus quelque part ? Il s’agit ici d’une autre famille, celle des orbivirus, dont il existe de nombreux sérotypes différents, et qui entraînent les maladies nommées Fièvre catarrhale ovine (FCO) – qui vaut aussi bien pour les bovins – et Maladie hémorragique épizootique (MHE).

FCO 8 : une vieille connaissance qui revient. FCO 3 : une nouvelle qui arrive.

 La FCO n’est pas nouvelle, les éleveurs le savent bien, mais ce sont les sérotypes qui changent actuellement. Et c’est là qu’il y a de la confusion : « Nous vivons avec la FCO 8 depuis 2008. Elle serait arrivée d’Afrique dans des containers de fleurs aux Pays-Bas. Puis elle revient désormais par vagues, la dernière en date depuis l’an dernier. Qui a re-émergé dans le sud du Massif central et gagne la Creuse depuis quelques semaines. 5 à 10 % de nos broutards sont aujourd’hui testés positifs, il n’y en avait que 1 % il y a un mois », explique le docteur Boubet.

La FCO 3 est cependant inédite. Elle a émergé l’an dernier dans le Nord et l’Est de la France et essaime désormais en direction des Pays de la Loire et de la Bourgogne.

« L’un des derniers foyers a été détecté en Saône-et-Loire mi-août. On l’a trouvé à Saint-Christophe-en-Brionnais, assez loin du front de progression du Nord-Est, mais sur une plaque tournante du marché aux bestiaux. Ce qui semble indiquer que la dispersion s’est faite par du déplacement d’animaux », commente le vétérinaire.

Et comme la règle impose des mesures de régulation autour d’un foyer, cette zone centrée sur le terroir charolais vient désormais recouvrir l’Est de la Creuse – 81 communes de l’Est et du Nord du département. En dépit de ce zonage, les autorités soulignent bien que la Creuse est encore indemne de FCO 3 à ce jour. Même si le GDS indique qu’il est très probable que la maladie gagne fatalement du terrain dans les semaines à venir.

MHE : la bonne surprise d’une progression plus lente que prévu

Autre trouvaille de la nature, la MHE, endémique du Maghreb, apparue dans le Sud de l’Europe fin 2022 après des vents de sable du Sahara qui ont donc probablement transporté des moucherons infectés… Maladie qui est passée de l’Espagne au Sud-Ouest de la France en septembre 2023 et touche depuis très durement l’élevage, notamment pastoral, dans les Pyrénées. En un an, la maladie est aussi remontée le long de l’arc Atlantique et une demi-douzaine de foyers ont été repérés entre Dordogne, Haute-Vienne et Corrèze. Mais pas encore en Creuse. « On s’attendait à ce que ça remonte assez fort jusque chez nous, mais pour le moment cela ne circule plus. On ne se l’explique pas vraiment mais on ne va pas s’en plaindre », commente le directeur du GDS.

Les impacts directs et indirects dans les élevages

Des animaux qui boitent, qui bavent, qui mangent peu ou ne boivent même plus, une langue “bleue”… Les signes cliniques observés chez les animaux sont nombreux. Le défaut d’alimentation par exemple, vient mécaniquement des ulcères que FCO et MHE produisent dans la bouche des animaux. La difficulté à boire explique la plupart des mortalités, note-t-on au GDS.

« Car autant il est possible de rester quelques jours sans manger, autant il est impossible de rester plus de 48 heures sans s’abreuver », résume Boris Boubet. Le vétérinaire fait aussi une analogie avec la notion d’immunité que le grand public a approché durant le Covid : les individus plus forts, plus jeunes, sains, bien nourris, sans parasites, résistent bien mieux que les autres. Ceux qui ont une faiblesse ou ne s’alimentent pas correctement seront un terrain d’autant plus favorable pour que l’infection prenne le dessus, les affaiblissant d’avantage, et les entraînant dans une mauvaise spirale. « Il ne restera plus qu’à l’éleveur à tenter de réalimenter et réhydrater l’animal, via parfois des perfusions. Et des antibiotiques pour éviter les surinfections », prescrit le vétérinaire.

Le spécialiste corrige l’idée selon laquelle le nouveau variant FCO serait automatiquement plus létal que celui déjà en place. « En vérité nous ne pouvons pas le dire. Le retour de la FCO 8 m’inquiète autant que l’arrivée de la FCO 3… Pour cette dernière, tous les animaux sont à égalité, ils sont dits “naïfs”, car ils n’ont jamais rencontré le virus. Pour la FCO 8, si l’on peut en effet supposer qu’il reste un fond d’immunité chez les bovins plus âgés qui ont connu les autres vagues, ce “matelas vaccinal” ne peut exister sur les ovins dont les générations sont renouvelées plus vite et ne gardent donc pas cette mémoire assez longtemps », disserte-t-il.

Les vétérinaires disposent de données chiffrées communiquées par les GDS de départements très touchés depuis l’an dernier, afin d’avoir une idée de la sévérité des différentes maladies, selon qu’il s’agit de bovins ou d’ovins. Il y a plus de mortalité chez ces derniers. La FCO 8 revenue l’an dernier infecte jusqu’aux trois quarts d’un troupeau (73 % de taux de morbidité) mais n’en tue que 0 à 5 % (taux de mortalité). Sur un troupeau ovin, le taux de morbidité n’est “que” de 47 % mais la mortalité monte à 30 %. À l’inverse, la MHE est redoutable pour les bovins (jusqu’à 100 % de morbidité et 10 % de mortalité), mais elle est anecdotique chez les ovins.

Hormis les impacts directs, éleveurs et vétérinaires savent depuis les années 2000 que la FCO a des effets à retardement. Les orbivirus savent passer la barrière placentaire et touchent les nouveau-nés (malformation). Ils peuvent aussi entraîner des problèmes de stérilité ou d’avortement, déréglant considérablement la saisonnalité des mises bas au fil d’une année. Autant de phénomènes bien sûr lourds de conséquence dans un système d’élevage naisseur tel qu’on le connaît en Limousin.

Au-delà de ces difficultés pour l’élevage, les services de l’État précisent que ces maladies du bétail n’ont aucune incidence sur la nature des productions.

Se prémunir à défaut d’éradication…

La volatilité des moucherons, les vecteurs, rend leur dispersion difficile à contenir… D’autant que les conditions météo (chaud et pluvieux) et le changement climatique (des hivers doux) leur facilitent la vie. En outre, les mesures de désinsectisation ont des efficacités très relatives. Les traitements insecticides classiques sont moyennement efficaces sur les culicoïdes.Ils nécessiteraient des passages chaque semaine. La rentrée des troupeaux dans les bâtiments à l’aube et au crépuscule, horaires où les insectes s’en donnent à cœur joie dehors, est une pratique barrière plutôt efficace… Mais particulièrement contraignante pour les éleveurs !

Plutôt que d’éviter la maladie, mieux vaut la canaliser : « Le mieux est encore d’avoir des animaux en bonne santé, plus susceptibles de bien se défendre contre les virus. Cela passe par l’alimentation, la minéralisation, la gestion du parasitisme, un accès facile à l’eau », écrit le GDS qui encourage aussi grandement la vaccination.

Zone indemne et zone infectée, règle puis dérogations à l’export… Comment s’y retrouver ?

L’encadrement de ces maladies repose sur un double principe : séparation du territoire entre zone infectée et zone indemne (dès qu’un cas clinique est confirmé par un test PCR, la zone infestée s’étend à un rayon de 150 kilomètres autour de celui-ci). Et libre circulation à l’intérieur de chacune de ces zones, passer de l’une à l’autre étant en revanche conditionné à plusieurs mesures. Pour sortir d’une zone régulée vers une zone indemne, il faut une désinsectisation des animaux suivie 14 jours plus tard d’une analyse PCR négative.

Pour l’export, la règle de base reste un passeport vaccinal certifié par le vétérinaire datant de plus de 60 jours avant le transport. Des mesures dérogatoires existent, notamment pour la filière vers l’Italie très importante pour le Limousin : pour la FCO 8, l’Italie accepte des animaux vaccinés depuis plus de dix jours ou avec une PCR négative. Pour la FCO 3, le vaccin ne suffit pas car il est prouvé qu’il n’empêche pas la transmission du virus. Seul le test PCR peut faire foi.

Floris Bressy