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Détresse, baisse des cheptels, décalage de trésoreries... La FCO va impacter la filière pour des années en Auvergne

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Que conseillez-vous actuellement aux éleveurs de votre coopérative??

Quand les brebis sont en bon état, on leur conseille, avec nos équipes techniques, de désinsectiser les animaux pour tuer les insectes qui véhiculent la maladie et de vacciner, même si on se bat un peu sans arme. On conseille également aux éleveurs de rentrer certains lots, parce qu’on se rend compte qu’à l’intérieur des bâtiments, il y a peu ou pas de cas de FCO. Mais les éleveurs ne peuvent pas rentrer tous leurs animaux, ce n’est pas possible.

Votre rôle est aussi de réfléchir au futur. Comment le voyez-vous??

Mes éleveurs vont avoir des pertes, des difficultés. Chez Copagno, à peu près 2.500 de nos 70.000 brebis sont mortes. Des éleveurs qui vont perdre des bêtes vont d’abord peut-être garder un peu plus d’agnelles. Ensuite, il faut du temps pour qu’une agnelle fasse un agneau : il faut qu’elle grandisse, qu’elle soit en état de se reproduire, qu’elle se mette à la lutte avec le bélier, qu’elle vive le temps de la gestation… et encore après, que l’agneau grandisse pour pouvoir le vendre.

Donc on voit le décalage de trésorerie que vont connaître les éleveurs. Or, les annuités des banques continuent de courir pour le moment, les éleveurs vont avoir des problèmes d’annuités. Nous agissons auprès des banques, en leur répétant bien qu’il ne faut pas parler de trois mois mais d’un an ou d’un an et demi.

Y a-t-il risque de pénurie d’agneaux sur le marché??

Oui, il y a un risque de pénurie sur certaines périodes mais on n’en connaît pas encore l’ampleur. Certains éleveurs font des agnelles de renouvellement, qu’ils vendent à d’autres éleveurs. Or, ces éleveurs-là n’auront pas ces agnelles, parce que les agriculteurs qui auront perdu une partie de leurs bêtes vont les garder sur leur exploitation. Il n’y aura plus suffisamment de femelles sur le marché, et les éleveurs qui avaient l’habitude d’en acheter pour renouveler leur troupeau ne vont pas pouvoir le faire. Donc eux vont avoir et la perte de leurs brebis qui vont décéder, et les agnelles qu’ils ne vont pas pouvoir renouveler.

La FCO va donc impacter toute la filière sur plusieurs mois…

Le temps que ça se remette en place, c’est tout une filière qu’il va falloir réorganiser. Sans parler des agneaux qui ne seront pas nés, des agneaux qu’on n’aura pas dans les structures, dans les abattoirs, dans les coopératives ou autres…

On a aussi le risque que des béliers soient stériles et qui donc ne vont pas saillir les brebis, donc il n’y aura pas d’agneaux.

Pour l’instant, aucune indemnité n’est calée pour la perte des bêtes, on ne sait pas du tout si les éleveurs vont être indemnisés, ni à quelle hauteur.

Que faites-vous face à cela??

On essaie de bouger les bras dans tous les sens pour aider, aller voir au niveau de la Région, du Département, faire remonter les informations de terrain à la coopération agricole de France… On est en lien avec la chambre d’agriculture, mais pour l’instant on ne sait pas quelles répercussions vont avoir les éleveurs, ni combien ils vont pouvoir percevoir pour les aider.

Les moutonniers ont l'habitude de faire le dos rond, mais comment vont-ils en Auvergne?

Au-delà de l’aspect financier, l’impact psychologique risque d’être très important pour les éleveurs. Comment vont-ils??

Le rôle de la coopérative est aussi de proposer un soutien moral. Parce qu’au-delà du soutien financier que pour le moment on ne mesure pas – on sait qu’il va être important mais on ne mesure pas combien -, il y a la détresse des éleveurs. Ils mettent toute leur vie, tout leur cœur, tout leur temps pour élever des brebis, et chaque jour, ils se posent la question de savoir combien ils vont en retrouver mortes, combien ils vont en mettre à l’équarrissage. C’est dur à gérer?!

On a une grosse grosse détresse psychologique des éleveurs, certains plus que d’autres. Il faut les soutenir, ce sont eux qui nous nourrissent et entretiennent nos paysages?! On est là, en essayant de les avoir au téléphone, en essayant de les rassurer. C’est quelque chose de non-mesurable et qu’on n’entend pas, il n’y a pas que la perte économique.

Texte : Gaëlle Chazal

Photos : Thierry Lindauer