Avec “Le Fil”, Daniel Auteuil signe un film trouble sur le procès d’un féminicide
L’année dernière vit éclore dans le cinéma français une mode pour le film de procès, le tribunal offrant un parfait décor pour ausculter la société et ses torts. Cette année à Cannes, les acteur·rices revenaient en force, mais en tant que cinéastes : Lætitia Dosch avec Le Procès du chien, Céline Sallette avec Niki…
Avec son cinquième film, Daniel Auteuil se situe donc au centre de ces deux tendances : Le Fil raconte le dossier d’un féminicide qu’un avocat (Auteuil lui-même) prend en charge, voyant dans le mari accusé (Grégory Gadebois) un homme simple qui risque d’être jeté en pâture au tribunal.
Daniel Auteuil en magistrat
Familier du rôle de magistrat, qu’il tenait déjà en début d’année dans Un silence de Joachim Lafosse, Auteuil traite donc d’un sujet délicat (et toujours aussi actuel) : le féminicide. Avocat charismatique à la longue carrière, son personnage se construit dans le doute : traumatisé par une affaire dans laquelle il fit innocenter un meurtrier, il s’était éloigné des dossiers criminels, pour y revenir, un peu par hasard, sur la base d’une intime conviction (fondée en quelques minutes à peine).
Le tribunal apparaît dès lors comme une caisse de résonance dans laquelle les toutes fraîches convictions construites en privé sont jetées au centre de la pièce et qualifiées de véridiques avec assurance, telle une partie de poker.
Affaire de point de vue
Ce décentrement de l’affaire vers le personnage d’Auteuil agace parfois (il se donne le beau rôle de l’optimiste tragique) et évacue les complexités du fond de l’affaire, ce qui en fait un cas comme les autres notamment.
Mais là où Le Fil surprend complètement et cesse enfin d’être un film judiciaire comme les autres, c’est dans le choc et la cruauté que cause son final, rappelant ainsi que tout est une affaire de point de vue, que ce film était en réalité celui de l’avocat, lui aussi faillible et en proie à quelques affects personnels. Si la justice, froide et aveugle, avance lentement sur le fil de ce qui deviendra la vérité, lui était tombé, dès le premier pas.
Le Fil de Daniel Auteuil, avec lui-même, Grégory Gadebois, Alice Belaïdi, Sidse Babett Knudsen. En salle le 11 septembre.