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Guillaume Meurice : "Quelle importance donnée à des clowns !"

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Une blague qui passe mal auprès de la direction et certainement beaucoup plus haut. La justice française qui donne raison à l’humoriste. Un licenciement tout de même. Une cascade de démissions. Et la une des journaux. Voilà ce qu’on appelle une belle tempête médiatique. Et pour filer la métaphore, on imaginerait Guillaume Meurice, accroché à la proue de son bateau, défiant les éléments. Alors qu’il se tenait sur la rive, regardant tout cela d’un œil amusé et curieux.

Comment se sont passés ces derniers mois ?

Assez agités. Mais cela ne m’a pas affecté. En fait, je trouve ça intéressant. Voir comment chacun se positionne.

On voit rapidement qui est la manœuvre. C’est surtout de la panique en fait. Mais il n’y a pas d’affect. La directrice de Radio France ou de France Inter ne sont pas mes potes. Pour moi, la limite de l’humour, c’est la loi française.

 À partir du moment où la loi française valide ma vanne… D’ailleurs, c’est quand même génial d’avoir sa vanne validée par la justice.

Donc il n’y a pas eu de peur des attaques ou même du chômage ?

Non. Si je dois ouvrir une crêperie, je serais heureux. Ma seule attente, c’est de pouvoir dire ce que je veux. Je ne savais pas que les règles avaient changé. C’est Koh Lanta en fait. Il y a eu une alliance des fachos et de la macronie contre moi. La macronie aurait pu dire « On ne l’aime pas non plus, mais il a le droit de dire ce qu’il veut dans le cadre de la loi ». Ils ont décidé de s’allier. Ce n’est pas par idéologie, juste pour garder leur pouvoir.  C’est le problème de la Ve République. Les gens disent « ce député est taré ou ce ministre ». Mais c’est le problème de l’incarnation dans la Ve. Il faut comprendre, s’ils n’étaient pas tarés, ils ne seraient pas là.

Est-ce que la vision du métier a changé après cet épisode ?

Non. Quand l’actualité t’agace, soit tu vas à la salle de sport, soit tu poses des bombes, soit tu fais des blagues. Moi je suis fainéant et nul en chimie. Ce qui est fou, c’est que nous ne sommes que des clowns. Quelle importance donnée à des clowns ! Mais ça veut seulement dire qu’ils sont fragiles.

Aymeric Lompret, Guillaume Meurice, Pierre-Emmanuel Barre? et Juliette Arnaud, l'équipe de l'émission La Dernière sur radio Nova © Fifou

Les démissions en cascade vous ont touché ?

C’est émouvant. Mais, Djamil (Le Shlag, premier humoriste à avoir annoncé sa démission en direct, NDLR) me le disait : « J’en ai marre que tout le monde me félicite d’avoir démissionné pour te soutenir. » Ce n’était pas en solidarité avec moi, mais simplement qu’ils ne voulaient pas rester sur une radio qui ne garantit pas la liberté de parole. Je ne vais pas monter une secte. Mes vannes en disent plus sur celui qui écoute que sur moi.

Avez-vous l’impression d’être devenu un symbole ?

Symbole ? Le mot est fort. J’ai simplement montré qu’on peut dire « non ». Et poliment. Ce qui déstabilise la bourgeoisie, qui a l’habitude qu’on lui crie dessus.

C’est la première fois que vous êtes à la tête d’une émission ?

J’avais une émission sur Blast un moment. Mais en radio, c’est la première fois. Mais ça va, j’ai eu des troupes de théâtre… Pour l’instant, je fais confiance à Pigasse.

Matthieu Pigasse, actionnaire de Radio Nova, qui vous a envoyé un message : « Tu es le bienvenu : tu fais ce que tu veux, avec qui tu veux, quand tu veux. » J’imagine que chat échaudé…

C’est ce que j’ai dit à Pigasse. « Ce que tu nous dis là, on l’a tous déjà entendu ». Pierre-Emmanuel Barré a été licencié de France Télévision il y a deux ans (*). 

L’émission se fait en public, c’était important ?

Je ne l’aurais pas fait sans public. Déjà, il y a des humoristes. Donc, c’est bien quand il y a des gens pour se marrer. Et puis nous avons des invités. Le premier sera Johann Chapoutot, historien spécialiste de la montée des fascismes. Il y a une idée de transmission, d’appréhension de notre époque. Je ne sais parler que d’actu de toute façon. Si on me disait « fais un sketch sur Ikea », je dirais « Ils ne paient pas d’impôts » et pas « Il reste toujours une vis à la fin ».

Elle vient d’où cette passion pour l’actu ?

J’ai grandi dans un village de 1.500 habitants, sans télé. Les gens se réunissaient dans la maison de la presse de mon père. Il y avait le mec en Porsche, le chômeur, le curé… Et tout le monde débattait. Je suis assez déterministe. On me demandait sur les microtrottoirs comment je faisais pour ne pas m’agacer, mais les gens ne sont pas responsables. Nous sommes construits par nos origines. Les humains sont des primates apeurés. On réagit en faisant des raccourcis. Ça a tendance à m’attendrir. 

Nous sommes une des rares espèces animales à perdre autant de temps et d’énergie en compétition interne. Chez les animaux, c’est assez mal vu, parce que c’est contreproductif. Je n’en veux pas aux gens. Je veux juste changer la structure pour que les gens survivent.

(*) L’humoriste avait quitté France 5 en janvier 2023 estimant être victime de censure.

Propos recueillis par Simon Antony