Pourquoi les marchés ont-ils plongé lors du « lundi noir », le 5 août de cette année ?
Il ne s’agissait pas d’un « esprit animal », comme l’affirment de nombreux keynésiens.
Article original publié sur la Foundation for Economic Education.
Le 5 août était censé être un « lundi noir ». Les marchés boursiers du monde entier ont subi des baisses bien plus importantes que la normale. L’indice VIX, qui mesure la volatilité des marchés financiers, a atteint un niveau inégalé depuis mars 2020.
Les turbulences financières suscitent toujours des critiques à l’égard de la spéculation. John Maynard Keynes (1883-1946) estimait que les investisseurs sont souvent victimes de manies ou d’« esprits animaux ». Mais l’allusion aux esprits animaux n’est pas convaincante. Les explications rationnelles doivent être préférées aux allusions simplistes à la psychologie humaine. Existe-t-il une explication rationnelle à ce que nous avons vu au cours des premières semaines d’août ?
La réponse est oui, et la clé pour comprendre ce qui s’est passé est d’examiner les taux d’intérêt.
Les économistes autrichiens Ludwig von Mises et F. A. Hayek nous ont mis en garde contre les conséquences de la manipulation des taux d’intérêt. Celle-ci conduit à des modèles d’investissement qui ne sont pas viables à long terme. Par exemple, la faiblesse prolongée des taux d’intérêt au Japon a incité à s’engager dans des pratiques financières risquées.
La politique économique du Japon s’est caractérisée par un effort persistant pour stimuler la croissance grâce à des taux d’intérêt proches de zéro. Cette politique, profondément enracinée après la crise économique des années 1990, visait à sortir le pays d’une profonde récession. L’engagement de la Banque du Japon à maintenir des taux d’intérêt proches de zéro pendant une période aussi longue a créé un environnement unique qui a encouragé des pratiques financières risquées telles que le carry trade.
Carry Trade
Le carry trade (ou opération spéculative sur écart de rendement) consiste à emprunter dans les devises de pays à faibles taux d’intérêt afin d’investir dans les devises de pays à taux d’intérêt plus élevés. Dans ce cas, les investisseurs ont emprunté des yens japonais pour investir dans des actifs libellés dans d’autres monnaies à taux d’intérêt plus élevés.
Cette pratique était rentable tant que le yen ne prenait pas de valeur par rapport aux autres devises et que les différentiels de taux d’intérêt étaient maintenus. Toutefois, ces deux conditions ont récemment changé.
Le rôle des anticipations
Ces dernières semaines, le yen japonais s’est considérablement apprécié. Le yen a atteint son plus haut niveau depuis sept mois par rapport au dollar américain, en partie à cause des craintes d’un ralentissement de l’économie américaine. Cette appréciation, associée à d’autres facteurs économiques, a entraîné une baisse des rendements du carry trade, obligeant de nombreux investisseurs à réévaluer leurs positions. Pour la première fois en quatre ans, des fonds ont pris une position longue sur le yen.
En outre, la publication récente de données sur l’emploi aux États-Unis, inférieures aux prévisions, a conduit de nombreuses personnes à anticiper une baisse des taux d’intérêt de la part de la Réserve fédérale. L’abaissement potentiel du taux d’intérêt de référence de la Fed est devenu un facteur clé influençant le comportement du marché, les investisseurs se préparant à l’impact d’une politique monétaire plus souple sur les marchés monétaires et obligataires mondiaux. Selon un rapport de Reuters, les responsables de la Fed ont exprimé leur inquiétude face à la situation actuelle du marché du travail, laissant entendre qu’un changement de politique pourrait être discuté lors du prochain symposium économique de Jackson Hole.
Les investisseurs sont rationnels
L’appréciation du yen, la modification des prévisions de taux d’intérêt aux États-Unis et l’arrêt de la politique de taux d’intérêt quasi nuls au Japon ont provoqué d’importantes turbulences sur les marchés mondiaux. Les investisseurs, essayant d’éviter les pertes, ont rapidement débouclé leurs positions de carry trade, déclenchant des mouvements brusques sur les marchés boursiers et les taux de change. Ce n’est pas le résultat d’un « esprit animal », comme Keynes aurait pu le suggérer, mais plutôt une réponse tout à fait rationnelle à des changements dans le paysage économique.
La manipulation des taux d’intérêt n’est pas gratuite. Si elle peut apporter des avantages à court terme et stabiliser temporairement les marchés, elle fausse également l’ordre économique naturel, entraînant une instabilité à long terme. Ces évènements n’étaient pas dus à une manie spéculative, mais à une réorganisation rationnelle des investissements en réponse à l’évolution des réalités économiques. Si nous voulons éviter une telle instabilité dans le système financier mondial, nous devons nous attaquer à la véritable source du problème : l’intervention des pouvoirs publics sur le marché.
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