Qui se cache derrière "Paul le graveur", ce jeune artisan installé à Pleaux ?
Dans sa mallette en bois, ses outils, une massette portugaise, un gravelet, de la feuille d’or, de la poudre d’argent et une règle. Ce matin-là, Paul Trigueiro Pirès se rend au cimetière, comme souvent, pour graver le nom d’un disparu sur un caveau familial. Tracer les lettres au millimètre, jauger, prendre le temps pour éviter toute erreur forcément difficile à rattraper. « Par respect, c’est normal et puis des fois je travaille sur des tombes très anciennes, du siècle dernier, ça fait quelque chose, ce n’est pas anodin », confie-t-il, enrobé dans le silence et le calme des lieux.
Une technique ancestraleSon métier, c’est de dompter la pierre, de la graver, de la sculpter. « Je suis artisan, pas artiste, car je pars toujours de la matière, comme les moines copistes, on copie ce que l’on voit », corrige-t-il quand on lui rappelle qu’il a façonné la nouvelle pietà de l’église de Salers. Et pourtant, installée dans sa niche historique, la nouvelle statue a été bénie par l’évêque de Saint-Flour, en mai dernier, sous le regard des membres de l’association de sauvegarde du patrimoine de Salers qui avaient confié le projet à l’artisan sculpteur graveur.
Dans son atelier, chez lui, à Loupiac, commune de Pleaux, des pierres de toutes sortes, de toutes tailles qu’il entrepose avant de les travailler et quelques créations, des plaques, des bijoux et des écarteurs d’oreille qu’il façonne en granit. « Toutes les pierres se gravent mais le granit est ma préférée. Les pierres d’ici, sont plutôt de la Volvic, de la pierre de Bouzentès… », détaille-t-il.
Passionné par son métier, il donne envie d’en savoir plus. Et son vécu fait le reste. Originaire du Nord, « dans une famille de boiseux » avec un père menuisier, un frère garde forestier, un autre enseignant paysagiste et encore un autre artiste sculpteur sur bois et peintre, la matière qu’il s’est choisie, lui, c’est la pierre. Il a passé son CAP et son brevet professionnel de tailleur de pierre entre Arras, pour l’école et l’Allier, pour l’apprentissage.
« Au départ, je voulais faire maçon et j’ai croisé les Compagnons à Villeneuve-d’Ascq, leur atelier, j’ai voulu faire ça. » Une année de mention complémentaire en sculpture à Paris, une autre mention complémentaire en gravure en Normandie. Son lycée a fermé depuis. « On passe désormais un brevet des métiers d’art mais il faut pouvoir faire l’apprentissage et un graveur ne peut pas prendre d’apprenti. Moi, je ne peux pas prendre quelqu’un pour qu’il me regarde graver au cimetière, je ne peux pas le laisser faire à ma place… On travaille principalement pour les pompes funèbres, on apprend les deux techniques : à la main, au sablage. Moi, c’est à la main. »
Après une expérience au Havre, dans l’Oise, il décide de partir deux ans vivre en Australie. « Pour changer d’air. Là-bas, j’ai fait de la gravure et j’ai travaillé dans une usine de pommes, sourit-il. Ça a complété ma curiosité. Le travail en équipe, à la chaîne… »
L’installation dans le CantalIl revient en France lors des premiers cas Covid. Son ancien chef d’atelier à Arras lui propose de remplacer une enseignante en arrêt maladie. Il accepte. On lui propose de prolonger. Il refuse. « J’avais sept niveaux différents, la mule était un peu trop chargée pour enseigner correctement, j’ai préféré arrêter. Et je me suis mis à mon compte, à Arras. Ça a explosé très vite, j’avais énormément de demandes. On recherchait des graveurs sur pierre. »
Encore une fois l’envie de découvrir un ailleurs, de conforter sa curiosité et il s’installe dans le Cantal. À Ally, tout d’abord puis à Loupiac, commune de Pleaux, où il a trouvé sa maison et son atelier en juin dernier. Aujourd’hui, il intervient sur tout le Cantal, dans le Lot, la Corrèze et continue de remplir son carnet d’adresses. « Graveur sur pierre, c’est un métier où la mécanisation est arrivée, mais on voit un retour du fait à la main. Même si la sableuse remplace de plus en plus le graveur dans les cimetières. Mais la machine fait du bruit et est plus difficile à transporter sur le lieu et ne donne pas le même rendu. »
Le mieux, pour défendre ce métier, c’est de l’expliquer aux gens, ce que j’essaie de faire avec des stages découverte organisés à la Frip’O’Thé à Saint-Martin-Valmeroux. On revient à des techniques d’antan, manuelles. Et j’ai la chance de travailler dans de superbes décors, des cimetières paysagers, des lieux chargés de patrimoine...
Pour en savoir plus. Page Facebook “Paul le graveur”, compte Instagram ; paul.trigueiropires@gmail.com ; tél. 06.65.60.66.10.
Magali Roche