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Impossible n'est pas Jonard : portrait du champion paralympique 2004 en lice pour un nouveau titre à... 48 ans

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Il est impossible de narrer l’histoire de Cyril Jonard en quelques lignes. Faisons simple : c’est celle d’un enfant auquel on avait promis l’enfer en raison de ses handicaps (sourd, il a perdu progressivement la vue) mais qui a atteint le paradis des sportifs (champion paralympique) grâce à une volonté hors du commun. Voici pour le synopsis.

Dans le détail, la vie de l’enfant d’Eymoutiers, en Haute-Vienne, a emprunté les montagnes russes. Des hauts et des bas. Des échecs, des déceptions, des dépressions. Et de rares mais intenses moments de bonheur. On a décidé de vous narrer le plus récent et... inattendu.

« Vous êtes un ovni monsieur Jonard »

Nous sommes en janvier 2022. Non sélectionné pour les Jeux paralympiques de Tokyo l’année précédente, Cyril Jonard, bientôt 46 ans, décide de se faire opérer des ligaments croisés. Au moment de l’examiner, Romain Rousseau, le chirurgien de l’Insep, n’en croit pas ses yeux : « Vous êtes un ovni monsieur Jonard ». La lésion remonte aux Jeux de Pékin… en 2008 où le Limougeaud avait remporté la médaille d’argent. « On a vu des athlètes réaliser des performances avec un ligament rompu sur une ou deux compétitions, mais sur un temps aussi long, c’est rarissime », insiste le chirurgien.

L’intéressé sourit. Décennie après décennie, il banalise l’exceptionnel. On avait dit à ses parents qu’il n’aurait pas une vie comme les autres. Qu’il ne pourrait pas faire grand-chose. Pourtant, il a fait du vélo, du jet-ski, du scooter et – on peut l’écrire, car il y a prescription – il conduisait même la voiture de son père au lac de Vassivière. En étant sourd et malvoyant !

« Le roi est de retour »

Il faut de longs mois, souvent plus d’une année, pour se remettre d’une opération des ligaments croisés. En novembre 2022, on inscrit le sociétaire de l’Alliance Judo Limoges aux championnats du monde à Bakou, en Azerbaïdjan. La consigne du staff est claire : « C’est simplement pour participer et qualifier la catégorie aux Jeux (-90 kg, J1). Tu n’es pas préparé, tu ne dois prendre aucun risque pour éviter la blessure ».

Problème : Cyril Jonard n’est pas un grand fan de Pierre de Coubertin. À chaque fois qu’il monte sur un tapis, ce n’est pas pour participer. C’est pour gagner. Il découvre une nouvelle classification* et souhaite marquer son territoire. Il bat un Turc. Puis un Brésilien en se blessant à l’adducteur. Cela ne l’empêche pas d’écarter l’un des favoris, Oleg Cretul. Il est en demi-finale. Transcendé. Puis en finale. Possédé. Il immobilise l’Anglais Daniel Powell. Magnifique : il est champion du monde. Onze mois après une opération des ligaments croisés. Personne ne l’attendait. Et le seul champion paralympique masculin du judo français vient d’écrire l’une des plus belles pages de son histoire… à 46 ans : « Ce titre est aussi beau que ma victoire aux Jeux paralympiques en 2004 et mon sacre mondial en 2006 ». En tribunes, les suiveurs sont interloqués. Tout le monde répète la même chose : « The king is back ».

« C’est du Cyril Jonard »

« C’est du Cyril Jonard, s’émeut Patrick Lacombe, l’entraîneur de ses débuts au Pôle Espoirs de Limoges. Il a en lui cette dimension particulière du sportif de haut niveau d’exception. Rien, strictement rien, ne pouvait laisser présumer qu’il serait médaillé ce jour-là. Avec lui, vous ne pouvez jamais affirmer qu’il n’y arrivera pas ».

C’est l’histoire de sa vie : se battre, avec une volonté hors du commun, pour réussir. « J’ai toujours envoyé valser ceux qui voulaient décider pour moi. Ceux qui pensaient que je n’y arriverais pas. Ceux qui étaient persuadés que cela serait impossible », résume-t-il. Avec lui, il n’y a rien d’écrit à l’avance. Jamais. Et, depuis des mois, on meurt d’envie de savoir comment se terminera sa journée à Paris 2024… 

Kevin Cao Kevin.cao@centrefrance.com

(*) Après les Jeux de Tokyo, les non-voyants (J1) ont été séparés des malvoyants (J2). Par contre, il n’y a plus que quatre catégories de poids.