Toujours plus de portables au volant dans le Puy-de-Dôme : "C'est une catastrophe"
Vous l’avez sans doute déjà vu, à un feu rouge, ce conducteur, tête baissée et regard absorbé par ce qu’on devine être un smartphone. Le feu repasse au vert. Tout le monde redémarre. Pas lui… Ou cette automobiliste, dans un ralentissement, la main gauche agrippée au volant, l’autre qui textote maladroitement. Ses yeux balancent frénétiquement entre le pare-brise et son petit écran. La circulation s’arrête. La voilà qui pile, manquant de peu d’emboutir la voiture qui la précède.
Le phénomène du portable au volant a pris une telle ampleur qu’il suffit d’observer autour de soi, sur la route, voire d’interroger ses propres pratiques, pour repérer ses plus fidèles adeptes. « C’est flagrant, ils sont tous au téléphone ! », se désole le commandant Julien Richy, chef de l’Escadron départemental de sécurité routière (EDSR) du Puy-de-Dôme. "On le voit tout de suite, sur nos motos, quand on passe à côté des véhicules. D’ailleurs, ils sont tellement concentrés sur leur smartphone qu’ils ne nous voient même pas arriver !"
Hausse de 12,6 % dans le départementLes chiffres parlent d’eux-mêmes. De janvier à août 2023, les gendarmes de la route ont relevé 1.859 infractions liées à l’usage du portable du volant ou du port d’une oreillette, sur les routes puydômoises qui les concernent. Un chiffre qui a encore augmenté de 12,6 % cette année. Idem côté police. Dans l’agglomération clermontoise, les verbalisations pour ce type de comportement ont bondi de 160 à 204 pour cette même période.
"C’est une catastrophe", soupirent les brigadiers-chefs Philippe et Fabrice, motards au commissariat de Clermont-Ferrand. Les fonctionnaires voient aux aussi l’usage des distracteurs au volant se banaliser. SMS ou appels soi-disant urgents, réseaux sociaux tentateurs… En dépit des systèmes Bluetooth qui permettent aujourd’hui de vocaliser ses communications, tous les prétextes sont bons pour ne pas lâcher ce rectangle de verre et de métal. "Certains gamins font même des selfies en conduisant ", s’étranglent les policiers.
Embardées, ralentissements...Visionner un film tout en conduisant, à l’instar de certains routiers, n’est même plus tabou. "On le constate notamment chez les jeunes", souligne le chef d’escadron Richy. "Quand ils écoutent de la musique sur YouTube, ils regardent aussi les clips." Cette lame de fond semble avoir contaminé d’autres usagers de la route, tels les scootéristes, trottinettistes ou cyclistes, "chose que l’on ne voyait pas avant."
Entre 2018 et 2023, dans le Puy-de-Dôme, les facteurs inattention/distracteurs ont été relevés dans plus d’un fait sur trois (photo Thierry Nicolas).Conséquences visibles, sur les routes : des conducteurs inattentifs qui roulent au ralenti, d’autres qui font des embardées, encombrent les carrefours, provoquant parfois des bouchons, des ralentissements voire des collisions. Les causes principales d’accident restent de loin la vitesse et les conduites addictives. Néanmoins, entre 2018 et 2023, dans le Puy-de-Dôme, les facteurs inattention/distracteurs ont été relevés dans plus d’un fait sur trois.
Un seul mot d'ordre : déconnecterFace à cette préoccupante vague de mauvaises habitudes et aux dangers qu’elle représente, les autorités multiplient les campagnes de prévention. Et les forces de l’ordre, au niveau local, au-delà de la répression, tentent de convaincre les accros du portable. "Si on n’est pas dans de bonnes conditions pour répondre au téléphone, soit on se stationne, soit on se met en Bluetooth », exhorte le commandant Richy. "Mais les trois quarts des gens ne le font pas." La route est encore longue…
Olivier Choruszko