Dans le sud des Etats-Unis, le meurtre tragique d'une étudiante crispe le débat sur l'immigration
Laken Riley, 22 ans, a été retrouvée près du lac, à deux pas de l'université de la ville estudiantine d'Athens. Le suspect: un Vénézuélien de 26 ans en situation irrégulière, inculpé pour meurtre et agression aggravée avec intention de viol.
"C'est horrible ce qui s'est passé, ça me fait peur", lance Emma Turner, étudiante de 23 ans, dans le campus en briques cerné de magnolias.
Après la tragédie, les étudiants se sont rassemblés en mémoire de leur camarade, ancienne de l'université de Géorgie puis étudiante infirmière à celle d'Augusta, toutes deux situées à Athens.
Mais, très vite, le meurtre devient politique. Deux visions s'affrontent.
"On doit considérer le suspect comme un individu, une personne. (...) L'Amérique n'a-t-elle pas été fondée sur la liberté et le droit des gens de venir ?", demande Emma Turner, qui a grandi dans la ville du nord de la Géorgie, dans l'est des Etats-Unis, avant de vivre à l'étranger.
D'autres, au contraire, pensent que le problème s'appelle immigration.
"Ce type qui a l'a tuée, il est venu par la frontière. Il a été relâché parce qu'il n'y avait pas assez de place dans les centres de rétention. Trop de gens traversent", lâche Will Schlief, 20 ans.
"Dîtes son nom"
L'objectif des démocrates comme des républicains: grappiller quelques voix dans un Etat où l'élection s'est jouée dans un mouchoir de poche il y a quatre ans, avec un écart minuscule de 12.000 voix pour Joe Biden face à Donald Trump.
"Comment cela pourrait ne pas être un sujet politique? Je le prendrai en compte lorsque j'irai voter en novembre, évidemment", ajoute l'étudiant en physique.
Donald Trump a prononcé le nom de Laken Riley devant la convention du Parti républicain, en juillet. L'ancien président, chantre d'un mur à la frontière avec le Mexique, a rencontré les parents de la victime.
D'autres victimes ont été placées sur le devant de la scène par les républicains, dont la dernière en date Jocelyn Nungaray, 12 ans, tuée en juin. Les suspects sont vénézuéliens.
A la moindre occasion, Trump étrille les migrants, des "tueurs, dealers de drogue et trafiquants d'êtres humains" lâchés par "centaines de milliers" dans une Amérique "envahie", rejetant la faute sur sa rivale dans la course à la Maison Blanche Kamala Harris et le gouvernement Biden.
Mais, selon plusieurs études, aucun élément ne permet de dire que les migrants commettent plus de crimes que la population générale.
Cela n'a pas empêché le président démocrate, lors de son discours annuel sur l'état de l'Union en mars, de se faire couper la parole par l'élue d'extrême droite Marjorie Taylor Greene qui a crié "dîtes son nom !", en référence à Laken Riley.
"Second plan"
"C'est un cas d'école de ce que font les politiques: ils prennent un fait divers, et le tournent en leur avantage", explique le professeur en science politique Charles Bullock.
"Ça devient ensuite un élément de discours des républicains, selon lequel l'une des raisons de voter pour Donald Trump est que Joe Biden ne protège pas les frontières, et donc pas le pays. (...) Ils cherchent à faire de l'immigration un problème géographiquement beaucoup plus étendu qu'à la frontière, qu'au Texas ou en Arizona", ajoute l'enseignant de 82 ans.
Les démocrates tentent aussi de s'emparer du sujet, devenu plus brûlant en pleine campagne présidentielle. Décrié pour sa politique d'immigration, Joe Biden a durci le ton et signé en juin un décret qui permet de fermer la frontière avec le Mexique si trop de personnes la traversent.
Barbichette et cheveux gris, le maire démocrate d'Athens regrette la politisation d'un drame qui a "endeuillé la communauté" de la ville de près de 130.000 habitants, dont un tiers d'étudiants.
Kelly Girtz ne s'étonne pas pour autant. Il s'attendait à ce que Trump "s'en serve comme arme".
"La politisation venait de l'extérieur", relate le maire, qui souligne le rôle des réseaux sociaux et dit avoir discuté avec plusieurs habitants venant d'Amérique latine, soucieux de se voir pointés du doigt pour leur origine.
Kim Willingham, une Afro-Américaine qui travaille dans un collège, estime que ces drames détournent l'attention des problèmes concrets.
"Les autorités et tout le monde ont sauté sur l'affaire. On a l'impression que les habitants passent au second plan."
"On a beaucoup de violences de gangs, de jeunes qui meurent, et personne ne braque les projecteurs dessus", regrette celle qui a grandit à Athens, à une heure et demie d'Atlanta.
Pour elle, "c'est juste une excuse pour parler immigration et gagner quelques voix".