Nouveau Premier ministre : le Rassemblement national pose ses conditions
L’heure est au choix d’un nouveau visage pour Matignon. Et il semblerait qu’Emmanuel Macron soit contraint de composer avec les préférences du Rassemblement national (RN) s’il souhaite préserver son prochain Premier ministre d’une censure. Et pour cause, fort de ses 126 députés au Palais Bourbon, alliés aux 16 élus d’Eric Ciotti, le groupe RN a de quoi s’imposer comme une force pivot. Sans surprise toutefois, les favoris du "maître des horloges" pour succéder à Gabriel Attal n’ont pas les faveurs du parti à la flamme.
Xavier Bertrand ? "Insultant et outrancier envers le RN". Quid dans ce cas de Bernard Cazeneuve ? Non plus. Marine Le Pen "ne veut pas de gouvernement de gauche". Et pourquoi pas Thierry Beaudet, le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) ? Jamais. "Ses rares prises de position politiques ont été à l’encontre du RN". Ainsi, tout gouvernement dirigé par l’un des trois prétendants à Matignon serait-il immédiatement censuré par le RN, a confirmé là l’AFP l’entourage de Jordan Bardella ce mardi 3 septembre.
Harmoniser la position du RN
Mais alors, quelle architecture le prochain gouvernement devra-t-il adopter pour éviter l’obstruction des députés frontistes ? En fin de matinée, la présidence du RN a posé deux conditions à l’absence de son vote à une motion de censure. Primo, le futur exécutif devra être "technique". Une notion empruntée à nos voisins transalpins, familiers de gouvernements dont les portefeuilles ministériels sont distribués à une majorité de hauts fonctionnaires. Deuzio, le nouveau gouvernement devra s’engager à "mettre en place la proportionnelle" comme mode de scrutin aux élections législatives avant une probable nouvelle dissolution en juin prochain.
Bien que peu exhaustif, ce cahier des charges a le mérite d’homogénéiser la communication sur la stratégie envisagée par le parti d’extrême droite, quelque peu illisible depuis le second tour des élections législatives. Après l’arrivée en tête du Nouveau Front populaire le 7 juillet dernier, les cadres du RN se sont à de nombreuses reprises contredits sur la direction à suivre à la suite de la nomination du successeur de Gabriel Attal. Il y a d’abord eu les premières mises en garde, avec un premier veto posé contre un gouvernement composé d’au moins un membre issu des rangs de La France insoumise (LFI).
Certains ont même laissé entendre que l’absence d’Insoumis constituait le seul critère de "non-censurabilité". C’est le cas du secrétaire général du groupe Renaud Labaye indiquant au Figaro que ses députés ne censurera [ient] pas" un potentiel gouvernement de gauche si celui-ci proposait "des mesures consensuelles". Des confidences que la présidente honoraire du RN s’est toutefois empressée de corriger. "Il y a une chose qui est sûre : le groupe RN censurera tout gouvernement où des LFI et des écologistes auraient des responsabilités ministérielles", a martelé Marine Le Pen depuis son compte X.
Xavier Bertrand-RN, une animosité de longue date
Mais à mesure que les hypothèses Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand se sont confirmées, le couperet de la censure s’est allongé. Et une fois encore, la communication du RN a été bancale. Tandis que le député du Nord Sébastien Chenu assurait le 1er septembre qu’il n’y aurait pas de censure de principe en cas d’un gouvernement Cazeneuve, la présidence du parti s’est inscrite en faux ce mardi. Pour le quartier général du RN, laisser revenir celui qui fut "le dernier Premier ministre de François Hollande et (qui) tiendrait une politique de gauche", confine avec "l’impossible".
Les regards du côté du candidat LR ne sont pas plus tendres. Davantage encore lorsque celui-ci répond au nom de Xavier Bertrand, rival historique de Marine Le Pen dans son fief du Pas-de-Calais. Ainsi, le groupe RN ne se montrera pas plus diligent à l’égard d’un gouvernement qui aurait pour chef le président LR de la région Hauts-de-France. Une position suivie par son nouvel allié, Eric Ciotti qui n’a pas oublié que Xavier Bertrand "a été jusqu’à appeler à voter communiste pour faire barrage à l’Union des droites, insultant au passage 11 millions d’électeurs".