Michel Joubert, disparition d’un élu de terrain
Michel Joubert est décédé dans la nuit de dimanche à lundi à l’hôpital de Clermont-Ferrand, à l’âge de 75 ans. Il avait été hospitalisé à Émile-Roux au Puy-en-Velay en fin de semaine dernière avant d’être transféré vers le CHU de la capitale auvergnate où il s’est éteint.
À 28 ans, il devient maire et se bat pour développer sa communeL’annonce de sa disparition a entraîné lundi matin une vague d’émotion, notamment au sein de la classe politique locale. Il faut dire que Michel Joubert était une figure incontournable du paysage politique depuis près d’un demi-siècle. Président de la Communauté d’Agglomération du Puy depuis 2009, maire de Chaspuzac depuis 47 ans et ancien conseiller général, il a été un personnage de premier plan de la gouvernance en Haute-Loire, connu autant pour son côté brut de décoffrage que sa fine connaissance du territoire et des dossiers.Né à Siaugues-Sainte-Marie dans une famille d’agriculteurs, Michel Joubert était ainsi, naturel et direct, le genre à dire ce qu’il pense, quitte à déplaire. À l’heure des conseillers en communication et des formules toutes faites, le président de l’Agglo du Puy détonnait. Son franc-parler séduisait ses partisans autant qu’il agaçait ses opposants. Un type de la « vieille école » qui trimballait sa grande silhouette et son pas toujours pressé depuis plus de quatre décennies dans la vie politique locale, au service des habitants. « Il est pétri de la Haute-Loire », résumait en 2020 à sa manière Gérard Roche, l’ancien président du Département, dans un portrait que L’Éveil lui avait consacré suite à sa réélection (Michel Joubert, le naturel au galop, dimanche 12 juillet 2020).
C’est cette volonté de faire bouger les choses et de se rendre utile qui l’avait poussé en 1977, à 28 ans seulement, à devenir maire de Chaspuzac, avec une étiquette plutôt à gauche alors. En 1985, L’Éveil de la Haute-Loire, sous la plume du journaliste Jean Grimaud, consacrait une large page au projet alors ambitieux (et jugé par certains d’un peu fou) de Michel Joubert. Son idée était de faire des Combes une zone d’activités économique de poids sur le Velay. Avec le soutien de la Chambre de commerces et d’industrie, il parvenait patiemment à conquérir les terrains nécessaires pour convaincre un à un les propriétaires, une belle preuve de pugnacité. « Mon ambition est de tout négocier à l’amiable, sans avoir recours aux expropriations, affirmait-il alors. L’avenir du secteur est en jeu, cette zone peut fixer les habitants, revitaliser le commerce, éviter que la commune ne devienne une cité-dortoir. » Quarante ans plus tard, une vingtaine d’entreprises sont implantées aux abords de l’aérodrome et emploient près de 500 personnes… « À l’époque, tout le monde lui disait que les entreprises iraient à Brives ou Saint-Germain, se remémore un ancien élu chaspuzacois. Il a été visionnaire : c’était un têtu, il y a cru et a eu raison. C’était aussi un négociateur hors pair qui a réussi à convaincre tous les paysans du coin. Il était plus malin qu’il ne le laissait paraître… Chaspuzac ou Loudes ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui sans lui. »Deux ans après être devenu maire (1979), Michel Joubert réalisait son premier « coup » politique en remportant les cantonales après une campagne de terrain animée. Au sein du Département alors géré par Jacques Barrot, dont il embrassait le courant politique au centre droit, son expertise dans le domaine agricole (il a dirigé sur le plan professionnel un organisme d’aménagement des structures agricoles) était louée ainsi que sa connaissance fine du territoire. Derrière le côté brut de décoffrage déploré jusque dans son entourage, se cachaient aussi une vision politique bien plus fine et l’âme d’un pionnier qui « sent les choses ». Michel Joubert a ainsi été le premier à lancer une communauté de communes en Haute-Loire, pariant sur la force de l’union.
"Il a un vrai esprit communautaire"
En 2000, sa communauté de communes de Loudes se marie avec l’ancien district du Puy pour donner naissance à la Communauté d’Agglo gouvernée alors par Marcel Schott. Malgré les critiques, le maire de Chaspuzac, grand passionné de cyclisme, fonçait comme toujours et répondait sans ménagements à ceux qui doutaient et réclamaient du temps avant de prendre les décisions. « C’était un homme pressé, même quand il parlait, se souvient un collaborateur. Il était monté sur ressorts, il aimait que ça avance et quand ce n’était pas le cas, il pouvait le dire sans forcément y mettre les formes. »« Pour avoir beaucoup travaillé avec lui depuis 25 ans qu’il présidait la Communauté d’Agglomération du Puy-en-Velay, j’ai appris à apprécier l’homme de conviction, au langage direct, parfois même un peu abrupt, derrière l’élu au service de son territoire, qu’il soit communal, cantonal ou communautaire », confiait, hier, Laurent Wauquiez.
Devenu un « taulier » de l’Agglo, il héritait presque naturellement de la présidence au pied levé en 2009 suite au départ pour raisons de santé de Jacques Volle. Avec l’émergence d’un Laurent Wauquiez omniprésent et plus que jamais influent, la marge de manœuvre de Michel Joubert semblait alors limitée. Si certains voulaient voir en lui un simple faire-valoir dans l’ombre de l’ancien ministre, Michel Joubert s’est pourtant taillé un vrai costume de président au fil des années, loué par la grande majorité des maires pour sa connaissance des dossiers et du territoire. Sans hésiter parfois à dire les choses pour défendre ses idées comme face à Laurent Wauquiez sur l’avenir de la piscine Célestin-Quincieu. « Ils ne sont pas nombreux à lui tenir tête, mais Michel ça ne le dérangeait pas, confie un membre de son entourage. Il avait une vraie légitimité. » Une légitimité qui a trouvé tout son sens en 2017 lors de la grande fusion pour donner naissance à la nouvelle Agglo avec l’arrivée de nouveaux territoires.
Le lien entre deux mondesL’ancien vice-président du conseil général a été le grand artisan de l’intégration de ces communautés de communes qui a profondément changé la donne pour faire de l’Agglo du Puy une collectivité majoritairement rurale où la gouvernance s’est transformée en un vrai exercice d’équilibriste. À la tête d’une commune de près de 800 habitants aux portes du bassin du Puy pour laquelle il s’est toujours battu, Michel Joubert assurait le lien entre ces « deux mondes », rural et urbain, qui cohabitaient sans toujours bien se comprendre. Il laissera l’image d’un élu de terrain engagé au service des autres. Et un bilan, avec la venue de plusieurs fleurons économiques sur le secteur, la gestion du dossier sensible des ordures ménagères, l’union de l’Agglo et bien d’autres. À Chaspuzac, il avait remué ciel et terre ces dernières années pour réhabiliter d’anciennes fermes de pierre en ruine pour les transformer en logement pour continuer de dynamiser le bourg. L’homme nourrissait encore d’autres projets comme celui d’une nouvelle mairie.À son épouse Gisèle, ainsi qu’à ses proches, L’Éveil adresse ses plus sincères condoléances.
Christophe Darne
Obsèques
Les obsèques auront lieu jeudi 5 septembre à 14h30 à Chaspuzac.