Haute-Loire : au pays de la lentille, le petit épeautre du Velay veut se faire une place
Il se fait progressivement sa place dans le paysage. Le petit épeautre se plaît dans le Velay. Depuis 2018, la filiale Agriculture du groupe Sabarot a réintroduit cet ancêtre du blé sur le territoire. Une démarche aux multiples motivations et notamment celle de suivre la trajectoire de la lentille verte AOP du Puy, le produit star de la région et ambassadeur du terroir dans le monde entier.
Une céréale autonome et peu gourmande« La démarche est la même que pour la lentille. Nous voulions trouver une graine que l’on puisse produire et transformer localement. Nous avons jeté notre dévolu sur l’orge perlé et le petit épeautre », explique Damien Anjarry, directeur général de Sabarot agriculture. Mais pourquoi ce choix du petit épeautre, également appelé engrain?? Avant de faire cette sélection, plusieurs éléments ont dû être rassemblés. « La volonté première était de répondre à l’attente du consommateur, mais aussi aux différents potentiels de qualité de production réellement présents dans notre secteur géographique. De façon à valoriser le terroir avant tout », continue Damien Anjarry.
Car, s’il y a bien une particularité propre au Velay, c’est que ce n’est pas un secteur adapté à la grande culture intensive et à l’agriculture industrielle. « Nous n’avons que des parcelles morcelées non adaptées à l’agro-industrie. La taille moyenne d’une production de lentilles est de deux hectares. » Cependant, la volcanique terre vellave est très riche en oligo-éléments. « Cela permet de mettre en place les cultures dans de bonnes conditions et d’obtenir une bonne qualité. » En Haute-Loire, l’organisation agricole est essentiellement basée sur la production végétale et l’élevage. L’élevage est une richesse pour la production végétale, car le bétail permet d’avoir une importante matière organique à disposition. « Lisiers et autres fumiers fertilisent naturellement les sols. Il n’y a pas recours uniquement aux engrais chimiques », ajoute le directeur général. C’est dans ce constat global que le petit épeautre vient se greffer au paysage. « Il nous fallait dénicher une graine résistante ». Et le petit épeautre coche toutes les cases.
Une moisson 2024 jugée « satisfaisante »Dans une année où les moissons sont arrivées très tardivement à cause d’une météo capricieuse et arrosée, les moissonneuses-batteuses ont récolté le petit épeautre dans la seconde partie du mois d’août. Dans un secteur concurrentiel où le tonnage de céréale récolté reste toujours un secret bien gardé, Sabarot agriculture est quand même serein.« Le rendement et la qualité sont satisfaisants », explique Damien Anjarry, directeur général de la filiale. En moyenne, 3 à 3,5 tonnes de petit épeautre ont été récoltés par hectare dans le Velay cette année.
Beaucoup plus rustique que le blé, cette céréale n’a besoin que de peu d’apports en engrais et phytosanitaires pour se développer. Très envahissante, elle ne laisse aucune place aux éventuelles mauvaises herbes qui touchent notamment les cultures de blé. Le recours aux désherbants est donc moindre, voire nul. Tout comme l’utilisation d’insecticides pour protéger la récolte lors du stockage. « Le petit épeautre n’est pas décortiqué par la moissonneuse, il est stocké avec son écorce. Cela prend un peu plus de place dans le silo, mais la glume protège la graine jusqu’au décorticage. »
Pas de concurrence, le petit épeautre et la lentille sont « complémentaires »Au pays de la lentille verte du Puy, l’engrain se fait tranquillement sa place dans les parcelles comme dans les esprits. Mais attention, il n’a pas été réimplanté pour concurrencer la lentille, bien au contraire. Les deux produits sont complémentaires. Et tout ce petit monde y trouve son compte. Du côté des parcelles comme dans l’habitacle du tracteur. La lentille est semée au printemps, le petit épeautre à l’automne.
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« On ne prend pas les terres à la lentille. La lentille est une légumineuse. Elle n’a pas besoin d’azote pour se développer, mais elle en fabrique par photosynthèse. Cet azote est alors stocké en profondeur et enrichie les sols. De son côté, le petit épeautre a besoin de cet azote pour pousser. C’est pour cela que la majorité des agriculteurs qui font du petit épeautre font aussi de la lentille. Il y a une rotation des cultures pour que l’impact soit le plus neutre possible », ajoute Damien Anjarry. Cette graine d’antan n’a pas non plus besoin de beaucoup d’eau pour s’épanouir dans le Velay. « L’irrigation est interdite pour la lentille AOP. Le petit épeautre est peu gourmand. Il n’y a donc pas d’épuisement de la ressource en eau. »
Les intolérants au gluten peuvent en consommerDans l’assiette, l’engrain présente également des avantages indéniables. « À l’époque, le petit épeautre était surtout utilisé pour nourrir les animaux. Mais au fil du temps, de plus en plus de consommateurs ont développé une allergie, voire une intolérance au gluten. Et le petit épeautre est très pauvre en gluten. Une personne intolérante peut le digérer », souligne Damien Anjarry. Longtemps intégrée aux recettes boulangères et dans du pain, cette graine se consomme aujourd’hui non-transformée, comme le célèbre blé précuit Ebly pour ne pas le citer, que l’on retrouve dans tous les placards du pays.
En plus de ses nombreux avantages pour l’exploitant agricole, le petit épeautre est aussi très intéressant en termes de valeurs nutritionnelles. « L’indice glycémique est très faible. Et par sa composition fibreuse et non-transformée, il est très bon pour la santé. Et, par-dessous tout, il a du goût?! »
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Il faudra du temps pour familiariser le consommateur avec cette céréale rustique qui a longtemps été éclipsée par le développement de la culture du blé… « L’idée de Sabarot est d’en faire un produit démocratique, accessible pour tous les ménages. Il faut aussi répondre à un mode de consommation dans lequel on veut pouvoir manger en quinze minutes. Notre ambition est que le petit épeautre du Velay se fasse une place à côté des coquillettes. »
Bientôt une IGP pour le petit épeautre du Velay ??Pour reconnaître un savoir-faire et une qualité locale, une démarche d’Indication géographique protégée (IGP) a été lancée par Sabarot Agriculture. « C’est la solution pour garantir un juste prix pour les agriculteurs et investir sur l’avenir, avec une vraie création de filière », termine Damien Anjarry, directeur général de Sabarot Agriculture. Le Velay, entre gorges de la Loire et de l’Allier, sur les terres de la lentille, a été choisi.
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Nathan MarliacPhotos Alex Johanno