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Август
2024

L'ADN éclaire le passé d'un site funéraire du Néolithique

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Il y a de 5.600 à 4.800 ans de cela, les corps étaient descendus dans la grotte par une galerie pavée, et déposés pour certains sur un lit de terre jaune pour s'y décomposer. Puis leurs ossements étaient disposés plus loin dans la salle.

En bordure méridionale des Cévennes, le gouffre est une des plus anciennes sépultures collectives connues dans le Midi de la France.

Découvert en 1954, l'Aven de la Boucle a commencé à être fouillé vingt ans plus tard. Mettant au jour les milliers d'ossements d'environ 75 individus, accompagnés de milliers de tessons de céramique, d’éléments de parure et de petits objets.

Il conserve une grande part de mystère sur le sens des pratiques funéraires d'une époque qui n'a laissé aucune trace écrite dans cette région du monde.

Les recherches en génomique supervisées par une équipe de chercheurs des Universités de Bordeaux et Montpellier affinent les conclusions portées auparavant par l'étude des ossements.

Avec un sanctuaire regroupant les restes d'humains de deux époques culturelles distinctes, s'étalant sur environ 900 ans, mais appartenant sans doute à un même groupe.

"Les premiers archéologues avaient déjà une petite idée sur le sexe des individus, mais nous avons pu vraiment confirmer qu'il y avait beaucoup plus d'hommes que de femmes", explique à l'AFP Mélanie Pruvost, qui a supervisé l'étude parue mercredi dans les proceedings B de la Royal society britannique.

-- Trois sur quatre étaient des hommes --

L'analyse initiale des ossements témoignait de biais remarquables, avec une sélection des défunts écartant largement les enfants. Et une probable proximité génétique, comme en attestait le partage d'une particularité anatomique remarquable de la rotule chez un grand nombre de sujets.

"Nous avons mis en évidence beaucoup de liens de parenté entre ces individus", poursuit la paléogénéticienne, chargée de recherche CNRS au laboratoire PACEA à l'Université de Bordeaux. Ce qui entraîne "des hypothèses sur un accès à cette sépulture en fonction de l'appartenance à des lignées particulières".

L'étude du génome de 37 individus, dont les dépouilles ont été déposées dans l'aven sur une période de 900 ans, dévoile que trois sur quatre étaient des hommes. Et qu'ils appartenaient assez largement à une lignée se transmettant de père en fils.

Le site contient bien des restes de femmes, mais la préférence donnée à la lignée paternelle est devenue quasiment exclusive dans la dernière période d'occupation du site.

Mme Pruvost souligne qu'on "n'a pas forcément quelque chose de strict en termes de règles", et que "la plupart des femmes retrouvées sont apparentées à d'autres individus".

L'accès à la sépulture était "peut-être conditionné par un lien de parenté". Pour autant, rien n'exclut la possibilité d'un système où "les femmes ont choisi d'être inhumées dans la sépulture avec leur époux, ou ont choisi de retourner dans leur foyer d'origine".

Les archéologues manquent en l'espèce de suffisamment d'ossements féminins pour en tirer de plus amples conclusions. Tout comme pour expliquer le très petit nombre d'ossements d'enfants. Une chose remarquée sur d'autres sites, mais tout aussi inexpliquée.

Pour en savoir plus, des analyses isotopiques pourraient lever un coin du voile sur l'origine de cette population, et d'éventuels apports extérieurs. "On a plutôt l'impression que c'est une petite population locale", selon Mélanie Pruvost.

Le site pourrait encore receler des surprises, car c'est "l'une des premières fouilles exécutée avec une technique rigoureuse d'enregistrement des données anthropologiques et archéologiques".

Cette rigueur a permis à l'équipe de PACEA d'établir que la discontinuité observée au niveau des éléments culturels, avec des styles de céramique bien distincts, coïncidait avec une continuité génomique du groupe de population.

Reste à savoir pourquoi, un jour, cette population du néolithique a décidé de condamner l'accès à ce qui avait pu devenir un sanctuaire.