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Август
2024

“Le Syndrome de l’Orangerie”, l’hilarante enquête de Grégoire Bouillier

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Après Le cœur ne cède pas (Flammarion 2022), enquête sur un fait divers effarant (une vieille dame retrouvée dans son appartement plusieurs semaines après son décès), Grégoire Bouillier se démène pour une nouvelle investigation concernant les Nymphéas de Claude Monet, peintures monumentales exposées à Paris au musée de l’Orangerie.

L’alter très ego de l’auteur, le détective Bmore, spécialisé dans les affaires bizarres, est saisi d’un malaise à la vision des Nymphéas. Y aurait-il dans cette immensité une myriade de détails cachés et inquiétants ? Autrement dit un syndrome ? Bmore documente son intuition par des randonnées de plus en plus excentriques qui baguenaudent de Monet lui-même (sa vie/son œuvre) à des impressions plus lointaines et fatalement impressionnistes, de Tintin à Winston Churchill, de Giverny au Japon, jusqu’à Auschwitz.

Des Nymphéas partout

Oui Auschwitz ! Car les Nymphéas, peints pendant la guerre de 14-18 et supposés tombeau des amours de Monet (“la mort fardée des couleurs de la vie”), seraient la prémonition du XXème siècle comme cimetière. “Gargl !”, comme dirait Bmore qui atteint d’hyper-voyance détecte des Nymphéas partout. Chez Rimbaud (Ophélie) ou Boris Vian (L’Écume des jours).

Butinant telle une abeille sous crack dans les Panneaux de Monet et y “zoom-zoomant”, Bouillier s’inspire du Blow-up d’Antonioni. Jusqu’à atteindre ce point où l’agrandissement est tel qu’il rend la vérité floue.

Humour fou

Ce qui emballe dans cette fresque tous azimuts c’est l’empaquetage d’une écriture elle-même azimutée. Bouiller “parenthèsise”, digresse infiniment, “vroume-vroume” comme il dit, se moque de lui-même (“si on m’avait dit que j’écrirais un jour allègrement sur une putain de fleur d’eau !”), raille le bon goût littéraire (saillie hilarante sur la grossophobie des éditeurs qui récusent les livres trop épais comme on disqualifie les filles qui n’obéiraient pas aux standards de maigreur) et fait souvent le zouave pour s’oublier : “Je fais le mariole parce que je suis constamment déprimé.” D’où quelques pages bouleversantes sur la contemplation du cadavre de sa mère. 

“Bref”, dixit l’intarissable Bmore, une plongée dans un pandémonium de gravité instruite et d’humour fou. “Joie d’offrir, plaisir de recevoir”, pouvait-on lire autrefois sur des distributeurs automatiques de colifichets. Le syndrome de l’Orangerie est un cadeau à partager.

Le Syndrome de l’Orangerie (Flammarion) 22 euros. En librairie.