Cuba : la passion de jeunesse de Jean-Pierre Bel, ex-président socialiste du Sénat
A la fin des années 2000, Jack Lang est émissaire spécial du président de la République chargé de relancer le dialogue franco-cubain. Il croise une figure familière dans son avion en direction de La Havane : Jean-Pierre Bel. Passionné par l’Amérique latine, hispanisant, le sénateur du Parti socialiste se rend régulièrement à Cuba. "J’étais comme tous les étudiants des années 1960", se rappelle le parlementaire auprès de L’Express, évoquant une affinité avec des figures comme Régis Debray qui fut proche du "Che". L’homme y a de surcroît des attaches sentimentales, sa compagne d’alors étant Cubaine.
Amoureux de La Havane, Jean-Pierre Bel assure être lucide sur un régime qui pousse ses dissidents à l’exil - quand il ne les condamne pas à la prison -, mais fustige aussi le rôle des Etats-Unis. "Mon point de vue est celui de l’Eglise catholique cubaine, explique-t-il. Le cardinal Ortega avait connu les camps de rétention du régime castriste. Il considérait pourtant que la politique des Etats-Unis après la révolution cubaine est une erreur : imaginer qu’asphyxier un pays est la meilleure méthode pour que le peuple se retourne contre le régime…" Pour résoudre le "dossier cubain", Bel prône la "politique des petits pas".
Des raisons affectives
Elu président du Sénat, il instaure en janvier 2013 une "Journée de l’Amérique latine" dans ses murs, qui agace. Cette affinité marquée pour Cuba lui pose problème. Dans un article du Monde, plusieurs huiles du PS s’inquiètent, sous couvert de l’anonymat, des allers-retours de leur collègue "pour des raisons affectives". On le soupçonne de lorgner davantage un poste d’ambassadeur à La Havane que son travail au palais du Luxembourg. "Un article alimenté par des gens malintentionnés", assure Jean-Pierre Bel.
Il quitte le Sénat en 2014, mais ne se fera jamais appeler Excellence. Quelques mois plus tard, François Hollande le nomme "envoyé personnel pour l’Amérique latine et les Caraïbes". Il sera à ses côtés lors de sa visite présidentielle à Cuba en 2015. Retiré de la vie politique, Bel entretient toujours des liens étroits avec La Havane et l’Amérique latine. Membre de la présidence d’honneur de l’association Cuba coopération France, il fait partie de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL), à la Sorbonne. "Il y a une vie après la politique", dit-il. La politique s’arrête. Pas les passions de jeunesse.