“Girls Will Be Girls” : le triangle sentimental du nouveau cinéma indien
Le cinéma féminin indien se porte décidément à merveille. Un mois avant la sortie du très beau All We Imagine as Light de Payal Kapadia (Grand Prix à Cannes) et juste après Santosh, surprenant thriller de Sandhya Suri, c’est au tour de Girls Will Be Girls de gagner les salles, repéré à Sundance en tout début d’année.
C’est le premier long métrage de Shuchi Talati, une cinéaste issue d’une famille de médecins et qui n’aspirait à rien d’autre qu’à être une élève modèle en poursuivant l’héritage parental. Un socle autobiographique qui cimente l’origine de son film, où une jeune lycéenne studieuse vient tout juste d’être désignée préfète dans un pensionnat de luxe et ultra-strict, niché dans l’Himalaya indien à la fin des années 1990.
Trio à huis clos
Seulement, un jeune garçon vient vite troubler ce tableau exemplaire, entre la juste longueur des jupes et des résultats scolaires irréprochables. La naissance d’une idylle se fait alors sous le toit domestique, où la mère (Kani Kusruti, actrice magnétique et fascinante présente également au casting d’All We Imagine as Light) veille au grain pour que sa fille ne dégringole pas de son piédestal académique. Girls Will Be Girls se mue rapidement en film de chambre, essentiellement cantonné à une géographie intimiste, piraté par cette mère qui réorganise sans cesse l’espace.
Naît alors une relation en triangle, filmée à certains endroits comme un polar, où les intentions se troublent et où la jalousie et l’incompréhension se pointent comme des ennemis sourds et vicieux. La mère, plantée dans un rôle asexué – parce que sentimentalement essorée par une société patriarcale au sommet de son emprise – retrouve, par l’intermédiaire du jeune éphèbe, une nouvelle forme de sensualité. Se croisent et se confrontent ainsi les désirs d’une mère et de sa fille qui se contraignent et s’évaluent dans un jeu ambigu et dangereux. La tension ne cesse de grimper à mesure que le film progresse et semble se refermer comme un piège sur son trio.
Les passions et frissons font ainsi leur chemin, chez les ados comme chez les adultes, dans un récit d’apprentissage vénéneux où l’intimité est regardée avec une quotidienneté désarmante : rouler une pelle à sa main, renifler la peluche après s’être masturbée, se caresser entre deux portes, aborder les menstruations ou faire des recherches mutuelles sur le vagin et le clitoris. Même la manière de filmer un préservatif donne la mesure d’un film finement taillé et toujours précis. Et pourtant, quelque chose cloche, ici et partout, dans ce désir angoissé qui n’arrive jamais à échapper à sa profonde clandestinité.
Girls Will Be Girls de Shuchi Talati, avec Preeti Panigrahi, Kani Kusruti et Kesav Binoy Kiron. En salles le 21 août.