On y était : Cabaret Vert 2024, quatre jours de fête au pays de Rimbaud
Charleville-Mézières. Vous vous souvenez peut-être que c’est la ville qui a vu naître Arthur Rimbaud, si vous n’étiez pas trop distraits en cours de français. Si c’est le cas, on ne manque de vous le rappeler avec des panneaux représentant le poète parsemés à travers la ville – juste à côté de ceux qui indiquent l’entrée du Cabaret Vert.
Du 15 au 18 août, la ville accueillait en effet plus de 30 000 personnes venues se répartir entre les cinq scènes du festival pour profiter d’une programmation aux petits oignons. À cela s’ajoutent des espaces BD et cinéma, pour qu’aucun art ne soit lésé. Et pour ce qui est de la poésie, sachez que le festival tient son nom d’un poème de l’Arthur local. Retour sur cette 18e édition du Cabaret Vert.
Destroy Boys : I love rock’n’roll
C’est à Zanzibar (la bien nommée scène principale) que les hostilités ont débuté avec Destroy Boys. D’authentiques punks issus de la scène californienne : un shot d’adrénaline pour bien commencer. Même ceux et celles qui ne connaissaient pas le groupe se sont pris au jeu : “I think you will like it”, a introduit avec malice la guitariste en entonnant les premières notes de Should I Stay or Should I Go, succès dans le public – mesuré par nos soins à la puissance des cris réjouis. Le show était aussi l’occasion pour elle de pratiquer un français rudimentaire, de brefs “J’aime le rock” et “Je t’aime” à l’attention du public. On ne peut qu’être d’accord : nous aussi on s’aime et nous aussi on aime le rock. Ça tombe bien, cette première journée en est la plus fournie.
Blondshell : cœur sensible
Soleil couchant sur fond de mélodies mélancoliques aux accents shoegaze, on aurait pu se croire dans une scène de fin d’un teenage movie – si ce n’est pour le décor mad maxesque de Razorback, la scène dédiée tout spécifiquement aux musiques rocks. Sabrina Teitelbaum, alias Blondshell, y chantait sa vulnérabilité. Derrière ses lunettes de soleil, cette nouvelle révélation du rock indé nous a transportés en plein cœur des années 1990.
PJ Harvey : la messe est dite
Longue robe aux allures cérémonielles, pas un mot. PJ Harvey est entrée sur scène dans une ambiance magnétique. Pendant une heure et demie, la grande prêtresse du rock anglais s’est animée dans un jeu scénique théâtral, guidée (ou guidant) par son quatuor de musiciens au jeu subtil. C’est dans une fébrilité maîtrisée que PJ a fait monter la tension, notre souffle toujours plus retenu. Pour finalement nous laisser respirer avec Down by the Water ; juste le temps de chanter en cœur, après avoir été étourdi par une telle prestation.
Fontaines D.C. : vert, blanc, orange
Point d’orgue de cette journée, les Irlandais de Fontaines D.C. sont venus enflammer le Cabaret Vert en jouant impeccablement leurs meilleurs titres. Pogos sur Big et Televised Mind, larmes sur I Love You. Sans oublier les nouveaux singles et même quelques inédits. Rappel s’il en est besoin : leur quatrième et excellent album Romance sort ce vendredi.
Lucie Antunes : comme à Rio
“Est-ce que vous êtes prêts pour le Carnaval ?”, interroge Lucie Antunes en ouverture de cette seconde journée. La percussionniste et son groupe ont livré une odyssée électro-acoustique dans une approche très ludique du son. Chaque morceau était ainsi l’occasion pour l’un des musiciens de sortir un nouvel instrument à chaque morceau. On a même eu le droit à une petite performance de waacking – cette danse cousine du voguing issus de la culture ballroom. Un réel plaisir.
Nation of Language : nouvel ordre
On doit bien l’avouer, lorsque l’on s’est approché de la scène et que l’on a entendu cette new wave riche en synthétiseurs à la voix légèrement nasillarde, on a un instant cru que New Order était invité surprise du Cabaret Vert. Mais Nation of Language n’est ni mancunien, ni composé de sexagénaires. Au contraire, le trio brooklynois dépoussière la synthpop avec suffisamment de personnalité pour sonner frais. Belle surprise.
Yâmé : piano, chicots, impro
Plus que le détenteur d’une Victoire de la Musique, Yâmé est en avant tout un musicien issu des jams. Et il le prouve : son concert était entrecoupé d’interludes improvisées lorgnant vers le jazz, allant même jusqu’à faire chanter chaque partie du public différentes parties vocales. Le point d’orgue était bien sûr Bécane avec un twist : un remix baile funk. De quoi faire danser même les plus jazzeux du public.
The Libertines : ce que sont devenus les likely lads
Pete Doherty et Carl Barât sur scène, rien au monde ne nous fait plus plaisir. Encore plus lorsqu’ils chantent quasiment bouche contre bouche avec le même micro. Euphorie visiblement partagée par le public venu braver la pluie battante. On les sentait un peu fatigués, mais le doute s’est vite dissipé lorsque l’on s’est joint à la foule compacte pour chanter à pleins poumons What Katie Did ou What Became of the Likely Lads. Grands sourires en quittant le concert.
Justice : cathédrale disco-baroque
Après les avoir entendus partout ces derniers mois, autant vous dire qu’on était très impatient de voir ce qu’allait donner cette nouvelle itération de la Croix en live. Cette fois, la grande cathédrale de lumière et de basses de Justice entre dans le Technicolor. À leur habituel blanc et or s’ajoutaient des néons arc-en-ciel pour illustrer les titres de Hyperdrama, leur dernier album. Ambiance disco plus grande que nature. Justice a réussi à transposer le jusqu’au-boutisme d’Iris (leur vrai-faux live sur grand écran) à la scène. Le résultat est véritablement spectaculaire. Seul regret peut-être : le duo disparaît totalement derrière son colosse.
Say She She : everybody clap your hands!
De la soul comme à l’ancienne, avec même les petites chorégraphies à la Ronettes. Say She She fait partie de ce courant de revival soul oldschool, et le trio de chanteuses new-yorkaises le fait bien. Les musiciens qui les accompagnaient jouaient un groove franchement tight, de quoi se prêter au jeu et danser en imitant les girls. Mention spéciale à la reprise de I Believe in Miracles des Jackson Sisters, qui s’est transformé en jam emportée. Conclusion funky pour ces quatre jours de Cabaret Vert.