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Август
2024

Emmanuel Macron destitué ? Pourquoi l'initiative de LFI, en plus d'être vouée à l'échec, pourrait plomber la gauche

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 « Ça leur ressemble. » En trois mots, prononcés ce lundi matin sur franceinfo, l’écologiste Marine Tondelier a résumé le sentiment général autour de l’initiative solitaire de ses partenaires de LFI.

Mais au-delà du coup politique recherché, la sortie du trio Mélenchon-Bompard-Panot, désireux de renverser Emmanuel Macron en même temps que la table, s’est d’ores et déjà fracassée sur un double mur : celui de la constitution, d’abord, qui rend leur projet techniquement irréaliste ; celui des autres composantes du NFP, ensuite, qui se sont empressées de dire – avec plus ou moins de véhémence – tout le mal qu’elles pensaient des pulsions “régicides” de leurs petits camarades.

1. Pourquoi cette menace

Dans le texte publié dans La Tribune dimanche, les leaders des insoumis jugent que le refus persistant du chef de l’Etat de nommer un Premier ministre estampillé NFP, dans le sillage du scrutin législatif du 7 juillet, s’apparente à « un coup de force institutionnel contre la démocratie ». Et même, écrivent-ils, à « un manquement condamnable aux exigences élémentaires du mandat présidentiel ».

Les termes n’ont pas été choisis au hasard : ils renvoient directement à l’article 68 de la constitution, qui prévoit la destitution du locataire de l’Elysée en cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».

2. Pourquoi c’est voué à l’échec

Ce lundi encore, Manuel Bompard a maintenu qu’un renversement d’Emmanuel Macron par voie constitutionnelle était « une possibilité crédible ».

— RTL France (@RTLFrance) August 19, 2024

En l’état, pourtant, les mélenchonistes seraient en mesure de franchir un seul des multiples obstacles à avaler pour voir leur projet aboutir : avec 72 élus au Palais-Bourbon, ils disposent de plus d’un dixième des députés, seuil requis pour déposer une proposition de résolution.

Pour le reste, l’équation paraît tout bonnement impossible. Il faudrait tout à la fois convaincre députés et sénateurs de se constituer en « Haute cour », faire valider l’initiative par deux tiers des élus dans les deux chambres, et enfin décrocher une nouvelle majorité des deux tiers au sein de ladite cour, votant à bulletins secrets dans un délai d’un mois. On voit mal comment toutes les cases pourraient être successivement cochées, compte tenu de l’émiettement inédit de la nouvelle Assemblée.

Dans le fond d’ailleurs, le motif invoqué pour faire tomber Emmanuel Macron serait-il recevable ? « Au moment de la réforme de cet article 68, en 2007, l’objectif était surtout de pouvoir destituer un Président qui se rendrait coupable de haute trahison, rappelle Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste et enseignante en droit public à l’université de Rouen. On parlait alors d’intelligence avec l’ennemi, de vol d’argent dans les caisses de l’Etat... Bref, on était sur du très lourd ! »

Pas sûr, donc, que le brouillard actuel soit du même acabit. « Sous la Ve République, reprend Anne-Charlène Bezzina, jamais un Président n’avait autant tardé à nommer le chef du gouvernement après des législatives. Il y a une demande incontestable du peuple en ce sens. Pour autant, la démarche de LFI est avant tout politique. Il s’agit bien plus d’un coup de force que d’une requête fondée sur un argument constitutionnel travaillé et abouti. »

3. Ecologistes et socialistes sont contre... 

Les initiateurs de la fameuse tribune se sont contentés de prévenir leurs alliés du NFP par un simple texto, samedi, à quelques heures de la publication. Pas la meilleure façon de jouer collectif et d’entraîner dans leur sillage le reste de l’équipe... Sans surprise, Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a très vite pris son clavier pour dire tout le mal qu’il pensait du texte. « Cette tribune n’est signée que par les dirigeants de LFI. Elle n’engage que leur mouvement », s'est-il agacé sur X.

— Olivier Faure (@faureolivier) August 18, 2024

Dans les rangs d’EELV, Marine Tondelier a mis les formes pour marquer sa différence, appelant à ne pas « en faire tout un plat ». « Chacun fait ce qu’il veut, on n’est pas dans une caserne », a-t-elle relativisé, toujours sur franceinfo, hier, ajoutant même « comprendre pourquoi les insoumis en viennent à dire ça ».

Mais sur le fond, la n°1 des Verts n’adhère pas : « Est-ce que je pense que ce sujet-là était opportun et le truc intelligent à faire ce week-end ? Si c’était le cas, je l’aurais dit depuis longtemps. »

4... le PCF aussi

Dans Le Monde, Fabien Roussel, le secrétaire national du parti communiste, a étrillé le projet des mélenchonistes, estimant que « l’ordre du jour » n’était « pas de menacer le président de la République de destitution ». Et d'ajouter, cinglant: « LFI a le droit de faire de la présidentielle sa priorité, mais ce n’est pas notre choix. »

André Chassaigne, député PCF du Puy-de-Dôme, déplore de son côté le « coup de communication » des insoumis. D’après l’élu auvergnat, également président du groupe Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée, la tribune parue dimanche « surfe sur un mécontentement bien réel dans le pays, lié à l’absence de prise en compte, au sommet de l’Etat, du résultat des législatives ».

Mais l’horizon proposé se révèle selon lui « absolument impossible » à atteindre, à la fois pour les raisons technico-politiques évoquées plus haut et pour des questions de timing – le successeur de Gabriel Attal à Matignon sera quoi qu’il arrive désigné bien avant qu’une hypothétique procédure de destitution puisse aller à son terme.

André Chassaigne. Photo Richard Brunel

Question : ce (nouveau) cavalier seul des troupes de LFI et les (nouvelles) divisions qu’il génère ne risquent-il pas de fragiliser le NFP, à quatre petits jours désormais de la consultation des partis organisée à l’Elysée en vue de la nomination d’un Premier ministre ?

Tout en réitérant son « attachement » à la possibilité, pour chaque composante de l’union des gauches, de « conserver une expression libre », André Chassaigne ne semble pas loin de le penser. « Quand on forme un bloc commun avec des sensibilités différentes, glisse-t-il, on est toujours à la merci d’une organisation qui déstabilise l’ensemble par des déclarations intempestives. C’est le cas ici. »

Stéphane Barnoin