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Август
2024

Les Angelus de l'artiste Isabelle Braud sont à découvrir à la Maison du Tailleu, à Savennes

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Un tableau tellement tableau comme l'écrit si justement Jean-Marie Chevrier qu'il incarnerait la peinture aux yeux de ceux qui n'auraient jamais vu de tableaux. Mais connaîtraient l'Angelus à travers les différentes représentations de l'œuvre que Jacques Meunier collectionnait, aidé en cela par son ami poète de l'inventaire Jean Estaque qui nous présente ici sa collection derrière des vitrines ou accrochées au mur du lieu.

Exposition d'Isabelle Braud à la maison du Tailleu à Savennes,  photo Bruno Barlier  

Quelque chose de véritablement éternel

 

Un tableau qui faillit être racheté par l'Amérique et qui est aujourd'hui au Musée d'Orsay. Une  œuvre de petite taille, puisque l'huile sur toile ne fait que 55cm sur 66cm, mais demeure pas moins un chef d'œuvre tellement prodigieux, tellement inouï que l'on entend les cloches, ce que rapporte le grand critique d'art de l'époque Octave Mirbeau. Comme il l'écrit lui-même : « Evidente supériorité sur les autres tableaux du même maître, où on ne les entend pas ». Mieux encore il y aurait même dans ce tableau, quelque chose de véritablement éternel, comme un dénuement qui nous pousserait à nous révolter, à ne plus être soumis, à ne plus être exploité. De multiples raisons donc qui nous poussent à changer une vie laborieuse en semeur de vie heureuse. A partir de ce décor particulièrement sobre pourtant, où l'artiste a peint un homme et une femme qui viennent de finir leur dure journée. Et voici que sonne l'Angelus dans ces champs à perte de vue où dans le lointain, à la droite du tableau on distingue un minuscule clocher. L'homme respectueusement a ôté son bonnet et incline la tête, la femme simplement, pieusement, joint ses mains en baissant elle aussi sa tête.

Les deux silhouettes qui sont au premier plan sont en contre-jour pour mieux grandir dans le soleil couchant de leur dramatique bataille et, tous ces milliers de points microscopiques qui ne demandent pas mieux que de devenir des zones de chocs.

 

Les turbulences de l'œuvre

Exposition d'Isabelle Braud à la maison du Tailleu à Savennes, Jean Estaques présente un Angelus d' Isabelle Braud, photo Bruno Barlier  

Des couleurs qui vont éblouir, pour mieux assaillir dans un tremblement d'images, d'un va-et-vient entre des assiettes, des salières, des poivriers, des sucriers, aux peintures d'Isabelle Braud accrochées sur les murs de la Maison du Tailleu. Des tableaux qui montrent une peinture rude, empâtée, délicate, limpide, diaphane, qui assaillent brutalement dans d'éclatantes lumières sensibles aux fines variations moléculaires, cellulaires, si l'on devait s'appuyer sur l'œuvre originale. Ici, on perd facilement pied, nos points d'appui ne sont plus aussi fluides, on entre dans les turbulences de l'œuvre peinte. Un temps insolite qui pousse au vide intérieur, à cette nouvelle image de l'Angelus, accélératrice, répétitrice, agitatrice. Une impulsion en pleine nature qui puise toute sa force dans la simplicité profonde pour les choses naturelles. Ce lien qui unit l'homme à la terre, dans l'écho de cet Angelus luttant contre la perte et... l'effacement de toutes choses.

 

Bruno Barlier