ru24.pro
World News
Август
2024

Cour suprême, CNE… Au Venezuela, l'opposition à Nicolás Maduro piégée par les institutions

0

C’est un feuilleton qui dure depuis plus de deux semaines et que Nicolás Maduro espère clôturer par une décision de la Cour suprême. "Demain, le coq de combat [NDLR : lui] ira au Tribunal suprême de justice (TSJ)", déclarait le dictateur vénézuélien, le 8 août, reprenant le surnom qu’il s’était attribué pendant la campagne électorale. "Nous voulons la paix, la tranquillité, c’est pourquoi j’ai déposé ce recours contentieux auprès du TSJ [NDLR : le 1er août]. Il y a eu deux jours d’audience, tous les candidats et tous les partis ont été convoqués, et c’est mon tour", a-t-il encore lancé à ses partisans venus le soutenir lors d’une manifestation à Caracas, jeudi 8 août.

Tout a commencé le 29 juillet. Au lendemain du scrutin, le Conseil national électoral (CNE) - chargé de rendre compte des résultats - reste suspicieusement silencieux. Chaque camp revendique la victoire. Face au mutisme de l’institution, sentant se profiler l’entourloupe électorale, la population investit la rue pour y exprimer sa colère. Réponse sèche de Nicolás Maduro. Le successeur d’Hugo Chávez lui envoie la Garde nationale bolivarienne - le corps militaire chargé de faire respecter l’ordre public. A ce jour, les heurts ont provoqué la mort de 24 personnes, selon un bilan des organisations de défense des droits humains.

Le CNE rend son verdict après cinq jours de flottement. A la surprise générale, la victoire est attribuée à Nicolás Maduro qui remporterait 52 % des voix, contre 44 % pour le candidat d’opposition Edmundo González Urrutia, le remplaçant de María Corina Machado. L’institution ne donnera pas plus de détails, se justifiant d’avoir été victime d’une cyberattaque. Pour Nicolás Maduro, le responsable n’est autre qu’Elon Musk, propriétaire de X. Le président sortant a d’ailleurs suspendu, jeudi 8 août, l’accès au réseau social sur l’ensemble du territoire pendant dix jours.

La main de fer de Maduro resserre son étreinte

"Personne ne me fera taire, je vais affronter l’espionnage de l’empire technologique. Elon Musk […] a violé toutes les règles du réseau social X et les a violées en incitant à la haine et au fascisme", a attaqué le dirigeant vénézuélien, dont l’inimitié avec le milliardaire pro-Trump est connue de tous. Ce dernier, depuis les agitations au Venezuela, n’a cessé de relayer des contenus incitant au soulèvement contre Nicolás Maduro, tout en publiant à tour de bras des critiques et des attaques personnelles à l’encontre du dictateur.

Les Vénézuéliens ont pourtant cru à une détente de l’appareil autoritaire. Surtout quand, en amont du scrutin, le président Maduro - en poste depuis 2013 - avait promis des élections "libres et transparentes", selon le journal américain Forbes. Mais, les premiers signaux inquiétants ont émergé lorsque la candidature de María Corina Machado a été jugée irrecevable par le Tribunal suprême de justice (TSJ) - également désigné sous le nom de Cour suprême - en janvier dernier.

L’institution judiciaire revient sur le devant de la scène à la demande du président vénézuélien, soucieux de conforter la décision du CNE et pourrait enterrer tout espoir d’une issue démocratique. Edmundo González Urrutia a d’ores et déjà annoncé qu’il ne se présenterait pas devant le TSJ. Convoqué le mercredi 7 août, il s’exprimait sur Twitter en ces termes : "Si je vais à la Cour Suprême je mettrai en danger non seulement ma liberté mais aussi, plus important : la volonté du peuple vénézuélien exprimée le 28 juillet."

"Tout indique que la procédure judiciaire est une sorte d’embuscade contre Edmundo Gonzalez. Nous partons du point que le pouvoir judiciaire est contrôlé par Maduro, tout comme le pouvoir électoral", analyse pour l’AFP Giulio Cellini, directeur du cabinet de consultants politiques Logconsultancy. Jusqu’à présent, le discret diplomate de 74 ans vit caché, tout comme María Corina Machado. Mais la cheffe de l’opposition vénézuélienne a affirmé, dans un entretien à l’AFP ce 9 août, qu’elle offrira "des garanties et sauf-conduits" au président Nicolás Maduro s’il quitte volontairement le pouvoir après sa réélection contestée.

María Corina Machado a également souligné que les "forces internationales sont conjointement responsables de ce qui se passe au Venezuela", appelant à plus d’implication de la communauté internationale. Washington a déjà mis en garde contre toute tentative d’arrestation des leaders de l’opposition, alors que deux d’entre eux, Williams Davila et Américo De Grazia, ont été interpellés, rapporte l’AFP, le 8 août. Le même jour, le Brésil, la Colombie et le Mexique ont insisté sur la nécessité pour Caracas de rendre publics les procès-verbaux de la présidentielle.

Lundi 5 août, après avoir annoncé la réception de l’ensemble des procès-verbaux remis par le CNE, le TSJ a annoncé se laisser un délai "de quinze jours prolongeables" pour rendre sa décision. Avec cette procédure, Nicolás Maduro "admet implicitement que personne ne croit en la proclamation (du CNE), au point qu’il demande l’intervention d’un autre pouvoir pour certifier sa victoire", estime Perkins Rocha, s’adressant lui aussi à l’AFP. L’avocat de l’opposition, ponctue : "M. Maduro sait qu’il peut compter sur un TSJ à genoux devant lui."