Royaume-Uni : contre les émeutiers anti-migrants, l’arme du "name and shame"
"J’ai honte de moi et de ce que j’ai fait. J’ai desservi Southport et ses enfants, et j’ai déçu ma famille." C’est avec ces mots de contrition que Derek Drummond, un transporteur routier de 58 ans, l’un des premiers émeutiers anglais jugé, a accueilli sa condamnation à trois ans de prison ferme.
Le 29 juillet au soir, quelques heures seulement après le meurtre de trois enfants à Southport lors d'une attaque au couteau ayant par ailleurs fait dix blessés graves, Derek Drummond s’était joint à une manifestation violente organisée via les réseaux sociaux par l’extrême droite anglaise. Il avait donné un coup de poing à un policier qui lui ordonnait de reculer. Derek Drummond s’était rendu à la police après la diffusion d’images de cette agression, relayées dans tous les médias. S’il n’avait pas plaidé coupable, sa peine aurait été encore plus lourde.
Keir Starmer sur la rapidité et la sévérité de la justice
La stratégie de Keir Starmer pour mettre fin aux émeutes d’extrême droite qui ont essaimé dans tout le royaume depuis dix jours est simple : elle repose sur le "name and shame" et sur la rapidité et la sévérité de la justice. La même qu’à l’été 2011, quand il avait prêté main-forte au Premier ministre conservateur David Cameron lors d'émeutes urbaines violentes. A l’époque procureur général et directeur du ministère public, Keir Starmer avait fait en sorte que les magistrats travaillent nuit et jour pour juger sévèrement les auteurs de violences et déprédations. Devant la jeunesse des émeutiers, David Cameron n’avait pas fléchi et annoncé la couleur : "Si vous êtes assez vieux pour commettre ces crimes, vous êtes assez vieux pour en être punis."
Autre mesure utilisée par le gouvernement britannique, le "name and shame" consiste à rendre public les images et portraits des gens recherchés par la police ainsi que leur nom et ville de résidence dès qu’ils ont été identifiés, et ce, avant même leur jugement. Libre ensuite aux médias, qui ne s’en privent pas, de les faire circuler. Un moyen souvent efficace pour jeter l’opprobre sur les fauteurs de troubles. Derek Drummond a ainsi perdu son emploi dès son identification et sa participation connues et relatées.
"La force de la loi"
Au Royaume-Uni, l’importance du maintien de l’ordre ne fait guère débat et il existe peu de différences entre travaillistes et conservateurs sur la façon de traiter des émeutiers. Autre particularité britannique, les pillages et destructions de propriétés privées ou publiques sont condamnés aussi sévèrement que les violences physiques aux personnes.
Alors que des contre-manifestations anti-racistes s’organisent dans tout le pays et ont démontré leur force le 7 août au soir, notamment à Wandsworth dans le nord-est de Londres, à Bristol, Liverpool, Birmingham et Southampton, les 450 personnes arrêtées ces derniers jours commencent à comprendre les paroles de Starmer : "ceux qui ont participé à ces émeutes vont regretter de l’avoir fait. Ils vont sentir la pleine force de la loi."
Cole Stewart, 18 ans, déjà connu pour des faits de délinquance, sera jugé ce vendredi pour avoir lancé des briques contre la police lors d’émeutes à Darlington, près de Durham dans le nord-est de l’Angleterre. Même en plaidant coupable, il devrait écoper d’une peine de prison ferme. Comme le dit Keir Starmer, "cela donnera aux émeutiers du temps pour réfléchir à leurs actions."